Infections, microbiome et muqueuses : nouvelles données
Les infections respiratoires sont et de loin les infections les plus fréquentes de l’espèce humaine et particulièrement chez les enfants. Peu de virus (figure 1) et de bactéries (Pneumocoques, H. influenzae, Streptocoques du groupe A, Méningocoques) sont responsables de ces infections et infectent la quasi-totalité des enfants.
L’une des questions taraudant le plus les cliniciens, est de comprendre pourquoi ces microbes que tout le monde rencontre à un moment ou un autre dans sa vie, n’induisent aucune infection chez les uns, une forme mineure chez d’autres, et heureusement beaucoup plus rarement chez certains, une infection grave voire mortelle. Les arguments classiques évoqués pour expliquer ces différentes réactions sont le pouvoir pathogène de l’agent infectant (à cet égard tous les pneumocoques ne ressemblent pas, tous les Escherichia coli non plus et chacun sait que, selon les virus circulant ,la grippe peut être plus ou moins sévère), l’immunité préalable acquise vis-à-vis du pathogène, les co-infections (notamment les interactions virus-bactéries) et bien entendu, les facteurs génétiques notamment pour expliquer la gravité de certaines infections.
Le premier symposium de l’ESPID 2024 (New frontiers in human health : microbiome host interactions) a été consacré aux interactions hôte-microbiome qui jouent aussi très certainement un rôle dans ces phénomènes.
La communication de Nicola Segata sur la diversité du microbiome digestif et des différents facteurs l’influençant, a été particulièrement intéressante. Bien sûr ces sujets sont complexes mais on retiendra que :
- Chaque individu a un microbiome unique sur le plan qualitatif et quantitatif : il est composé de souches propres à un seul individu et d’espèces bactériennes communes avec d’autres.
- Même des jumeaux homozygotes n’ont pas le même microbiome.
- On sait depuis maintenant plusieurs années que certains profils de microbiomes sont associés à des pathologies : maladies inflammatoire digestives, diabète, obésité, autisme…la liste est longue.
- Les facteurs qui influencent sa composition sont multiples :
- Le microbiome de la mère, du père et de la fratrie ainsi que les conditions de naissance.
- L’entourage de l’enfant, notamment la fréquentation des crèches qui semble particulièrement importante.
- Ses contacts proches plus tard dans la vie. Il faut souligner que les différentes bactéries composant le microbiome n’ont pas la même transmissibilité d’un individu à l’autre.
- La présence d’animaux.
- Les conditions de vie et l’environnement.
- Enfin bien entendu, l’alimentation.
La complexité des mécanismes expliquent qu’à ce jour la seule possibilité est l’immunisation active (pneumocoque, méningocoque, grippe et VRS) ou passive (VRS)
D’autres facteurs n’ont pas été évoqués dans cette synthèse, notamment les antibiothérapies et l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons.
La présentation de Eran Elinav expose une nouvelle approche des modifications de la flore digestive. Jusqu’à présent les tentatives de modifications du microbiome digestif faisait appel à des méthodes relativement grossières : greffe de flore fécale, probiotiques, prébiotiques etc… Ici, les auteurs ont présenté des résultats d’études de phagothérapies comportant un cocktail de phages ciblant des bactéries associées à certaines pathologies.
Rappelons que les phages sont des virus dirigés contre les bactéries et que ces virus sont spécifiques d’espèces voire de souches.
Enfin la communication de Peter Openshaw (UK) a également apporté des éléments intéressants pour mieux cerner les relations complexes entre le microbiome et le virome respiratoire ainsi que les infections avec les pathogènes cités plus haut. On retiendra :
- La muqueuse est un organe sensoriel. L'état d'alerte de l’immunité innée reflète l’ensemble des menaces perçues par la muqueuse.
- L'état initial de la muqueuse est important, de même que l'historique de l'environnement viral et bactérien.
- Aucune infection n'est une île en soi. L'histoire et le contexte sont essentiels pour comprendre la progression et l'issue de l'infection.
- Enfin, les infections bactériennes succèdent davantage aux infections virales qu’elles ne les accompagnent.