Les rhumatologues ont la chance d'avoir à leur disposition un important arsenal thérapeutique dans les rhumatismes inflammatoires et, à un moindre degré, dans l'ostéoporose.
On ne peut que s'en réjouir, mais il est compliqué d'expliquer simplement à un patient les différentes modalités d'un traitement sans le noyer d'informations. Pour autant, le médecin a le devoir de lui donner une information claire et donc au minimum de lui présenter les grandes lignes pouvant l'aider à choisir, dans les limites de l'arsenal qui peut convenir à son cas particulier, la solution qui lui convient le mieux.
Pour le rhumatologue, c'est souvent d'abord le rapport efficacité/tolérance générale qui fera privilégier une piste thérapeutique plutôt qu'une autre. Mais s'il n'y a pas de moyen de départager certains traitements selon ces éléments, d'autres critères vont entrer en ligne de compte, notamment le coût et la voie d'administration préférée par le patient. En France, le coût n'ayant que peu de retentissement pour le patient à titre individuel (même si cet aspect doit être mis en avant à titre collectif), c'est souvent la voie d'administration qui fera le plus pencher la balance dans l'esprit du patient. Et la gamme disponible de médicaments est devenue assez large en termes de forme galénique (tableau).
Encore faut-il avoir une idée de l'importance que peut avoir la voie d'administration dans l'esprit du patient et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, les patients n'ont pas toujours la même perception au fil du temps, si bien que le médecin doit comprendre où celui-ci en est dans son cheminement [1]. Prenons un exemple hors de la rhumatologie et du problème spécifique de la voie : une revue systématique de la littérature effectuée à partir de l'ensemble des travaux publiés chez des patients psoriasiques (n = 17 916) [2] a montré que leur avis changeait en fonction de la sévérité de la maladie et de son impact sur la qualité de vie, mais aussi leur préférence au fur et à mesure des expériences thérapeutiques passées. Les patients dont la durée de traitement est la plus longue sont plus intéressés par les chances d'efficacité thérapeutique que par la crainte de la toxicité ; ils sont en effet moins inquiets des effets indésirables des médicaments que les patients dont le diagnostic vient d'être établi.
N'en serait-il pas de même pour la voie d'administration ?
Dans la polyarthrite rhumatoïde, il a été montré que c'est essentiellement la voie jusque-là utilisée qui était naturellement privilégiée par le patient [3-5]. Ainsi, les patients qui ont déjà eu un traitement par voie sous-cutanée n'ont pas peur d'en avoir encore, alors que ceux qui n'ont eu que des traitements par voie orale sont très réticents à l'instauration d'un traitement par voie sous-cutanée. Cela explique probablement pourquoi les études plus anciennes retrouvaient généralement une plus grande préférence de la voie orale au cours de la polyarthrite rhumatoïde, les patients ayant reçu beaucoup plus souvent un ou des traitements oraux. Depuis que le méthotrexate est plus facilement utilisé par voie injectable et, a fortiori, que les traitements biologiques sont à notre disposition, il est fréquent que les patients préfèrent la voie injectable. Parmi les éléments que les patients mettent en avant, il y a bien sûr le fait d'espacer les prises, quelle que soit la voie d'administration, mais aussi la possibilité de ne pas conserver le méthotrexate associé [6, 7].
De la même façon, il est intéressant de noter que les patients qui utilisent un stylo auto-injecteur comme premier moyen d'injection sont très satisfaits alors que, parmi ceux qui ont déjà appris à se faire des injections avec une seringue, certains sont un peu moins désireux de passer au stylo. Quand on compare en revanche la satisfaction du patient utilisant le stylo à celle du patient recevant une injection faite par une infirmière, les mêmes résultats sont globalement observés en termes de douleur et d'acceptation globale, mais aussi quant à la préférence du patient pour les auto-injections [8]. Il est néanmoins difficile de faire un amalgame du résultat concernant l'ensemble des stylos utilisés, car une étude réalisée en 2018 a montré qu'il y avait une importante différence d'un auto-injecteur d'anti-TNF à l'autre. La satisfaction globale oscille entre 61 et 89 %, et les différences sont particulièrement importantes s'agissant de certaines caractéristiques comme la possibilité d'entendre le “clic” de fin d'injection, les chiffres allant alors de 33 à 89 % [9].
Finalement, un assez grand nombre de patients sont donc aujourd'hui prêts à avoir des injections [10], surtout si celles-ci permettent des prises plus espacées, et une revue systématique portant sur 14 études concernant la tolérance des injections montre que c'est relativement facile de recourir à l'auto-injection et que la tolérance est bonne pour la plupart des patients [11].
Quand on compare la perception des patients, des médecins, des infirmières et des pharmaciens en termes de caractéristiques de choix préférentiel pour des traitements [12, 13], il y a des différences, mais qui sont relativement à la marge, hormis pour le coût qui est un peu plus considéré par les pharmaciens, et les réactions au point d'injection qui sont un peu moins prises en compte par les infirmières.
De la même façon, dans l'ostéoporose, au vu des données de la littérature, les préférences du patient et du médecin sont assez proches [14, 15] : les 2 principaux critères qui conditionnent la préférence sont l'efficacité et la tolérance, même si la modalité d'administration (voie d'administration et nombre de prises sur une période donnée) est aussi à prendre en considération. Mais les études effectuées et publiées il y a quelques années ne semblent plus être le reflet de la réalité actuelle caractérisée par la mise en avant des événements indésirables et le doute quant à l'efficacité des traitements. Et l'adhésion au traitement, dont découle en grande partie l'efficacité, dépend beaucoup de la préférence des patients qu'il faut donc prendre en compte.
Pour conclure, on peut retenir que :
- les patients changent d'avis au fil du temps et selon le contexte ;
- il peut y avoir des différences d'une pathologie à l'autre, d'autant que les formes galéniques proposées, les espaces entre les prises, les bénéfices attendus et la toxicité potentielle diffèrent ;
- actuellement, le souhait des patients est globalement d'avoir le moins de médicaments possible (et donc, par exemple, pas de méthotrexate associé lors d'une escalade thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde), si possible de façon espacée ;
- la voie orale paraît préférée, mais ce n'est plus évident dès qu'un premier traitement injectable a été utilisé ;
- le stylo est préféré à la seringue classique, mais il y a des différences selon les auto-injecteurs.