L’agitation et les autres symptômes psychologiques et comportementaux (SPC) sont les aspects les plus perturbateurs des maladies neurocognitives comme la maladie d’Alzheimer (MA), tant pour les patients que pour les aidants professionnels et naturels. Actuellement, les avis d’experts, les différentes recommandations et les lignes directrices proposent un consensus sur “Comment gérer les SPC”. En effet, “on sait comment les gérer”, cependant la question de savoir comment mieux intégrer et implémenter les approches non pharmacologiques, comportementales et environnementales dans les soins cliniques standard quel que ce soit le lieu de vie reste sans réponse. L’un des défis actuels et futurs est de changer le paradigme sur la pratique clinique de la gestion des SPC dans les maladies neurocognitives. Aujourd’hui, l’évaluation et la prise en charge des SPC interviennent généralement trop tard dans l’évolution de la maladie, tant sur le plan des symptômes que sur celui de leur gravité, lorsque les approches non pharmacologiques ou pharmacologiques risquent de ne plus être efficaces, ce qui entraîne de nombreuses conséquences néfastes pour les patients, les aidants et les systèmes de santé.
Ce paradigme doit évoluer vers une évaluation et une prise en charge beaucoup plus précoces des SPC : pendant les stades légers de la maladie neurocognitive ainsi que plus tôt en termes de fréquence, de gravité et de retentissement, avant que les SPC ne se développent pleinement. D’un autre côté, chez les personnes souffrant de troubles cognitifs légers (MCI), la prévalence de l’agitation et d’autres SPC est proche de celle des troubles neurocognitifs majeurs [1]. Il est donc nécessaire de modifier le paradigme actuel de l’approche et de la prise en charge des SPC dans les maladies neurocognitives et qu’il s’oriente vers une détection, une anticipation et une prise en charge plus précoces des stades prédémentiels et prodromaux de la MA comme le Mild Behavioral Impairment (MBI) [2].
Un autre défi dans le traitement des SPC est de développer une prise en soins continue de ces symptômes, au plus proche des patients et de leurs aidants dans les EHPAD et à domicile, avec une collaboration plus étroite et décloisonnée entre les médecins généralistes, les travailleurs sociaux, les infirmières et les professionnels en EHPAD ou à domicile, ainsi que les centres d’experts spécialisés (les consultations mémoire) en libéral ou à l’hôpital. Cette coordination pourrait s’appuyer sur les nouvelles technologies et l’existence de véritables filières cognitivocomportementales pour améliorer la communication ainsi que la collaboration entre les soins primaires, les EHPAD, les professionnels du domicile, les aidants naturels et les spécialistes, et ainsi promouvoir la surveillance, l’anticipation et la gestion des SPC afin de prévenir les ruptures de parcours de soins par des hospitalisations non programmées et évitables.
Enfin, un financement accru et de nouveaux modèles de paiement sont nécessaires pour favoriser la formation des professionnels de santé des soins primaires et des EHPAD et même des aidants familiaux à l’évaluation et la prise en charge des SPC. En outre, les professionnels de soins primaires et les équipes en EHPAD devraient être remboursés pour le temps consacré à des approches telles que le DICE (Describe, Investigate, Create, Evaluate) et avoir un meilleur accès aux services spécialisés de recours [3, 4]. Les recherches futures devront porter sur l’évaluation de l’efficacité et des coûts des approches intégrées telles que le DICE dans la gestion des SPC à domicile, comme l’étude interventionnelle PERSON-AL (financement DGOS PREPS, NCT04820127), actuellement en cours de recrutement dans 17 centres mémoire en France.
Depuis 10 ans, la recherche thérapeutique dans le domaine des SPC des maladies neurocognitives a connu un véritable essor. Et ces 4 dernières années, des résultats positifs et encourageants d’essais thérapeutiques randomisés et contrôlés de phase III pour le traitement de la psychose, de l’agitation, de l’insomnie et de l’apathie dans la MA ont été publiés et plusieurs molécules sont en cours de développement [5]. Grâce aux récentes avancées dans la conception et le schéma des essais cliniques, à l’élaboration de nouvelles molécules, ainsi qu’aux progrès de la neuro-imagerie et des biomarqueurs, nous espérons que de meilleures cibles thérapeutiques pourront être identifiées pour le traitement des SPC. Il existe un besoin urgent de traitements pharmacologiques plus efficaces, plus sûrs et approuvés, avec des bénéfices à plus long terme. Aujourd’hui, des molécules prometteuses dans le “pipeline”, ou en cours de développement ouvrent un futur très optimiste pour le traitement de ces symptômes.