Un risque infectieux accru au cours du diabète
Le diabète, le vieillissement et la présence de comorbidités augmentent le risque d'infection chez la personne diabétique.
Risque lié au diabète
Dans une étude de cohorte ayant inclus plus de 100 000 sujets porteurs d'un diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2) et plus de 200 000 sujets contrôles non diabétiques appariés pour l'âge et le sexe, l'équipe de I.M. Carey et al. a montré que les personnes diabétiques présentaient un taux significativement accru d'infections, et notamment un risque plus élevé de développer des infections osseuses et articulaires, un sepsis, une cellulite, des endocardites ou encore une pneumonie [1]. Ce sur-risque est particulièrement marqué dans le DT1 (risque d'infection osseuse multiplié par 22,3 versus 4,9 dans le DT2 et risque de sepsis multiplié par 6,1 versus 2,25). Il faut cependant noter que le risque infectieux était très faible chez les sujets non diabétiques. Par ailleurs, les conséquences sont potentiellement graves, entraînant un risque d'hospitalisation pour infection multiplié par 3,7 chez le patient DT1 et par 1,88 chez le patient DT2. Ce sur-risque est d'autant plus marqué que les sujets sont jeunes. Le risque de décès de cause infectieuse est multiplié par 8 dans le diabète, avec un risque également supérieur au cours du DT1 par rapport au DT2 (risque multiplié par 2,2). Ces données viennent confirmer les résultats préalablement obtenus dans l'étude Fremantle [2] où, au cours du suivi, plus de 20 % des sujets présentant un diabète étaient hospitalisés pour infection, soit le double par rapport aux sujets non diabétiques. Les facteurs prédictifs associés au risque d'hospitalisation étaient un âge plus avancé, le sexe masculin, un antécédent récent d'hospitalisation, une obésité et une atteinte microvasculaire. Le non-contrôle de l'équilibre glycémique était associé à une incidence significativement augmentée de complications. Il était ainsi rapporté un risque accru d'hospitalisation pour pneumonie (odds-ratio [OR] = 1,6 ; IC95 : 1,44-1,76) pour une hémoglobine glyquée ≥ 9 %, et un risque de décès plus élevé à 90 jours (OR = 2,37 ; IC95 : 1,62-3,46) pour une glycémie ≥ 14 mmol/L [3].
Risque lié au vieillissement
Le vieillissement s'accompagne d'une majoration régulière de la mortalité infectieuse. Ce fait s'explique par l'apparition de facteurs de vulnérabilité que sont les maladies chroniques et/ou les complications gériatriques, mais également par une altération de l'immunité [4]. Il faut cependant souligner que la préservation des lymphocytes T mémoire permet le maintien de l'efficacité du rappel vaccinal, si la primo-vaccination a été correctement effectuée.
Risque lié aux comorbidités
Il a été également démontré que la présence de comorbibités (comme une maladie cardiovasculaire, une bronchopneumopathie chronique obstructive ou une défaillance rénale chronique) multipliait les risques d'infection, en particulier de pneumonies [5].
La vaccination : principes et état des lieux
Pour rappel, on distingue différents types de vaccins :
- les vaccins vivants atténués, composés d'agents infectieux ayant perdu tout ou partie de leur virulence, mais qui conservent la capacité de se multiplier chez l'hôte et d'induire une réponse immunitaire de longue durée (ils ne doivent pas être administrés à des personnes présentant un déficit immunitaire ou aux femmes enceintes) ;
- les vaccins tués ou inactivés ou inertes, constitués d'agents infectieux entiers qui ont été tués par la chaleur ou des traitements chimiques. Ces vaccins ne présentent donc aucun risque infectieux, car le germe a perdu toute virulence.
Au-delà des éléments relatifs à l'agent infectieux, les vaccins contiennent des excipients : les stabilisateurs qui garantissent le maintien de la qualité du vaccin après sa production ; les conservateurs qui permettent d'éviter toute prolifération bactérienne ou fongique ; le diluant qui est le plus souvent une solution saline stérile. L'adjuvant quant à lui est utilisé pour amplifier la réponse immunitaire. Les vaccins vivants sont très immunogènes et ne nécessitent donc pas d'adjuvant à la différence des vaccins vivants atténués, qui ne provoquent pas une réponse innée suffisante. De plus, un adjuvant peut permettre de limiter les doses d'antigènes à administrer et réduire le nombre d'injections nécessaires tout en garantissant une bonne immunisation. Les adjuvants les plus utilisés compte tenu de nombreuses données en faveur de leur sécurité sont les sels d'aluminium [6].
Actuellement, il n'existe pas de dispositif de routine permettant d'évaluer la couverture vaccinale chez les personnes diabétiques, et de suivre l'impact des recommandations. Les objectifs de couverture vaccinale, fixés par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, de 95 % pour toutes les vaccinations, à l'exception de la grippe (75 %), ne sont que très rarement atteints.
Les freins à la vaccination sont multiples et de diverses origines. En effet, la résistance vaccinale identifiée chez la personne diabétique et/ou son entourage peut également concerner les professionnels de santé (médecins, infirmiers et professions paramédicales) [7-9].
La grippe, les infections à pneumocoques et le zona
Grippe et vaccination grippale
Une analyse portant sur les certificats de décès aux États-Unis a montré que quels que soient l'origine ethnique, le sexe et le statut socioéconomique, le diabète augmentait les risques de pneumonie et de grippe chez les personnes entre 25 et 64 ans (OR = 4,0 ; IC95 : 2,3-7,7) [10]. Par ailleurs, la présence d'un diabète est associée à un risque élevé d'hospitalisation pour grippe saisonnière et à un risque de mortalité liée à la grippe pandémique [11]. Les études s'intéressant plus spécifiquement aux patients de moins de 65 ans retrouvent également un risque accru de complications [12, 13]. L'impact du déséquilibre glycémique sur la sévérité de la grippe est aussi démontré. Ainsi, une étude prospective incluant plus de 19 000 personnes diabétiques a mis en évidence l'association entre le contrôle sous-optimal de la glycémie et la mortalité due à la grippe, le risque de décès étant multiplié par 2 et ce, indépendamment de l'âge [14].
La vaccination grippale
Les vaccins grippaux disponibles en France sont des vaccins inactivés composés de 4 souches. Tous les ans, les vaccins sont mis à jour en fonction des données de surveillance des virus de la grippe en circulation dans le monde récoltées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, les vaccins contre la grippe saisonnière ne contiennent pas d'adjuvant. Ils sont pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie pour les personnes souffrant de diabète. Les patients pris en charge dans le cadre d'une affection de longue durée (ALD) pour le diabète reçoivent de l'Assurance maladie un formulaire de prise en charge. Les personnes présentant un diabète, mais ne remplissant pas les critères de l'ALD, peuvent demander la prise en charge via l'imprimé Cerfa adapté. La vaccination grippale ne comporte qu'une seule injection, par voie intramusculaire. Il est recommandé de se faire vacciner avant le début de chaque saison grippale. On considère qu'un délai de 2 semaines après l'injection est nécessaire pour être protégé contre le virus de la grippe.
Le taux de couverture vaccinale contre la grippe saisonnière chez les personnes diabétiques varie de 32 à 85 % selon le pays, le groupe d'âge et la saison [15, 16]. En France, il est autour de 30 % pour les sujets de moins de 65 ans, ce taux étant resté stable entre 2008 et 2011. Chez les plus de 65 ans, il plafonne à 60-70 % [17].
Il convient de souligner l'absence d'étude randomisée évaluant le bénéfice clinique de la vaccination grippale chez la personne vivant avec un diabète. En revanche, les études disponibles (études cas-témoins [18-21], cohorte prospective [22]) montrent toutes le bénéfice de la vaccination grippale chez la personne diabétique, en termes de réduction significative de l'incidence de la grippe et de la pneumonie, mais également s'agissant de la mortalité toutes causes et du risque d'événements cardiovasculaires.
Qui peut vacciner ?
Le décret n° 2018-805 du 25 septembre 2018 autorise les infirmier(e)s à administrer le vaccin grippal, y compris lors de la première injection. Les sages-femmes peuvent prescrire et administrer le vaccin aux femmes enceintes, mais également à leur entourage et à celui du nourrisson. Enfin, désormais, les pharmaciens peuvent vacciner contre la grippe sur l'ensemble du territoire.
Il n'existe pas dans la littérature de données spécifiques sur l'innocuité des vaccins grippaux administrés aux patients diabétiques. Dans la population générale, l'injection peut être à l'origine de réactions indésirables, bénignes et transitoires, dont les plus fréquentes sont des douleurs et des érythèmes au site d'injection (10 à 40 % des cas) et des réactions systémiques de type syndrome pseudogrippal (5 à 10 % des cas) [23]. Enfin, le risque de développer un syndrome de Guillain-Barré à la suite d'une vaccination contre la grippe saisonnière est faible, estimé à 1 cas par million de personnes vaccinées [24]. Par principe de précaution, il faut cependant éviter de vacciner contre la grippe les personnes ayant déjà présenté un syndrome de Guillain-Barré.
Les recommandations nationales et internationales
L'OMS [25], la Haute Autorité de santé (HAS) [26] et l'Association américaine du diabète (ADA) [27] recommandent la vaccination grippale chez la personne diabétique.
Infections à pneumocoques et vaccination pneumococcique
Il existe une synergie entre la grippe et l'infection à pneumocoque. Le virus grippal “prépare le terrain” pour le pneumocoque via une altération de la muqueuse ciliaire, une activation de la réponse inflammatoire et une augmentation de l'adhérence des pneumocoques. La surinfection à pneumocoque est donc fréquente après une grippe.
Chez les patients diabétiques, le risque de présenter une infection invasive à pneumocoque est 2,3 fois supérieur à celui de la population générale [28]. Comme mentionné précédemment, l'incidence des infections respiratoires au cours du diabète est la plus élevée. De plus, la présence de polypathologies augmente considérablement le risque d'infections à pneumocoques [29]. Enfin, le diabète est associé à une sévérité accrue de la maladie en termes de risque d'hospitalisation et de mortalité [30, 31].
La vaccination pneumococcique
Deux vaccins sont aujourd'hui autorisés pour la vaccination des adultes, sans limite d'âge :
- le vaccin polyosidique non conjugué, comportant les antigènes de 23 sérotypes de pneumocoque (VPP23) ;
- le vaccin comportant les antigènes de 13 sérotypes de pneumocoque conjugués à une protéine porteuse (VPC13).
L'analyse post hoc de l'étude CAPiTA (Community-Acquired Pneumonia Immunization Trial in Adults) a montré une meilleure efficacité clinique vaccinale du VPC13 dans le sous-groupe de personnes diabétiques que chez les sujets non diabétiques (réduction des pneumonies de 89,5 versus 24,7 %, respectivement) [32]. Il s'agissait d'une étude randomisée contre placebo ayant testé l'efficacité du vaccin VPC13 chez des sujets de plus de 65 ans. Quant à l'intérêt du VPP23, il a été notamment évalué dans une étude rétrospective ayant inclus plus de 60 000 sujets âgés de plus de 75 ans, qui a montré une réduction significative des infections invasives à pneumocoques et des décompensations respiratoires [33].
En cas de primo-vaccination, il est recommandé d'effectuer une vaccination par le VPC13, suivie 8 semaines plus tard par une vaccination par le VPP23.
Les principaux effets indésirables décrits sont des réactions localisées au site d'injection.
Les recommandations nationales et internationales
Le HCSP [34] et l'ADA [27] recommandent la vaccination pneumococcique chez la personne diabétique.
Zona et vaccination zona
Le zona est une éruption aiguë érythématovésiculeuse douloureuse située au niveau d'un territoire métamérique (territoire nerveux radiculaire), qui peut s'accompagner de vésicules à distance du métamère concerné (zona disséminé). Le zona est une maladie causée par la réactivation du virus varicelle-zona, qui survient principalement chez les personnes âgées : plus de 60 % des cas apparaissent après l'âge de 45 ans [35].
La gravité du zona tient à certaines de ses localisations et aux séquelles douloureuses représentées par les névralgies postzostériennes (NPZ) :
- la localisation ophtalmique, qui constitue de 6 à 20 % des cas selon différentes sources, est potentiellement grave et peut être à l'origine d'une baisse de l'acuité visuelle et de douleurs intenses et prolongées, notamment chez les personnes âgées ;
- les NPZ définies par des douleurs durant au-delà de 3 mois après l'éruption cutanée, souvent persistantes et rebelles au traitement, peuvent retentir sévèrement sur la qualité de vie.
Mais des études prospectives récentes démontrent les limites de l'efficacité des traitements sur les NPZ [36].
Dans une étude rétrospective menée à partir d'une base de données d'une assurance américaine entre 1997 et 2006, le risque de présenter un zona est augmenté de 30 % chez les personnes ayant un DT2 âgées de plus de 65 ans [37]. Ces données sont confirmées par d'autres études. Ainsi, C. Muñoz-Quiles et al. montrent non seulement que le diabète augmente de 20 % le risque de zona, mais également qu'il a un impact sur l'équilibre glycémique et participe à une plus grande consommation de ressources de santé [38]. Quant aux personnes ayant un DT1, le risque de développer un zona est multiplié par 2,3 par rapport à des sujets non diabétiques, et ce risque est d'autant plus important que le diabète est ancien et compliqué [39].
La vaccination zona
Un vaccin contre le zona est disponible en France depuis juin 2015. Il s'agit d'un vaccin vivant atténué, contenant la même souche virale que le vaccin contre la varicelle, mais à un dosage 14 fois plus élevé. Le schéma vaccinal consiste en l'administration d'une seule dose. Ce vaccin ne comporte ni adjuvant, ni aluminium, mais il est contre-indiqué chez les personnes immunodéprimées.
Son efficacité a été démontrée dans l'étude SPS (Shingles Prevention Study), randomisée contre placebo, incluant plus de 38 000 sujets de plus de 60 ans ayant reçu une dose de vaccin [40]. Plus spécifiquement, l'analyse préspécifiée de sous-groupes montre que l'utilisation du vaccin contre le zona chez les personnes diabétiques permet une réduction significative de l'incidence du zona de 51 %, comparable à celle obtenue sur l'ensemble de la cohorte. De plus, chez les personnes vaccinées, l'incidence du zona ophtalmique est réduite de 63 % ainsi que les hospitalisations en lien avec le zona (diminution de 65 %) [41].
Le vaccin est administré en une seule dose, par injection sous-cutanée ou intramusculaire. Il peut être injecté 6 mois après un épisode de zona. Étant donné qu'il s'agit d'un vaccin vivant, il est contre-indiqué chez les patients immunodéprimés.
Les principaux effets indésirables décrits sont essentiellement des douleurs au niveau du point d'injection.
Les recommandations nationales et internationales
Le HCSP recommande cette vaccination chez les adultes âgés de 65 à 74 ans, avec un schéma vaccinal d'une seule dose.
Conclusion
La vaccination doit être intégrée dans le suivi de la personne diabétique, conformément aux recommandations du calendrier vaccinal en vigueur. Certes, il existe parfois une réticence à l'égard de la vaccination (crainte, méconnaissance) de la part de la personne elle-même, mais aussi de certains professionnels de santé.
La Société francophone du diabète a souhaité se positionner en faveur de la vaccination chez la personne diabétique. Ainsi, au vu des données de la littérature, nous recommandons les vaccinations grippale, pneumococcique et zona chez la personne de plus de 65 ans. Pour les autres vaccinations, nous préconisons le suivi du calendrier vaccinal [42] selon les recommandations du HCSP.
Avec le soutien institutionnel de MSD