Dans ce numéro, le dossier consacré aux cancers thyroïdiens va vous permettre en quelques pages de tout savoir sur les dernières avancées dans un domaine en grande évolution, du fait de la rencontre entre les nouvelles techniques de la biologie moléculaire (le haut débit) et le développement en cours d'inhibiteurs de plus en plus efficaces et spécifiques ciblant les oncogènes ou les voies de signalisation.
Les Drs M. Hamadou et al. vont montrer que le cancer de la thyroïde de souche vésiculaire est un modèle passionnant pour comprendre des concepts clés de la cancérogenèse. À travers la description des principales anomalies moléculaires, deux voies de signalisation (MAPK et PI3K) et le concept de caractère mutuellement exclusif seront détaillés. Les drivers de la cancérogenèse, comme les oncogènes BRAF, RAS, TERT, ou les réarrangements chromosomiques (RET/ PTC, NTRK, etc.) n'auront plus de secret pour vous. Vous allez découvrir une forte relation entre le génotype et l'histotype, qui dicte le pronostic et la thérapeutique.
Ces progrès récents dans la connaissance de l'oncogenèse thyroïdienne permettent d'envisager des retombées dans le domaine du diagnostic des nodules thyroïdiens. Une belle illustration de ces progrès est la cytologie thyroïdienne moléculaire utilisée en routine clinique. Le Dr M. Decaussin-Petrucci nous en fait la démonstration en évoquant les 15 à 30 % de cytologies indéterminées, pour lesquelles la biologie moléculaire pourrait aider à limiter les thyroïdectomies à visée diagnostique. Vous allez vous familiariser avec les tests de rule-in, de rule-out, le séquençage à haut débit, la valeur prédictive négative... Toutes ces techniques doivent arriver à “coût” sûr de notre côté de l'Atlantique, peut-être en promouvant des études académiques pour accélérer le fil de l'histoire.
Pour basculer dans les implications thérapeutiques, il n'y a pas de plus beau modèle que l'oncogène RET. Dans leur article, les Drs V. Suteau et al. nous montrent que l'activation pathologique constitutive de RET est à l'origine de la plupart des cancers médullaires (mutation ponctuelle activatrice, germinale ou somatique), mais également de certains cancers de souche folliculaire (réarrangements chromosomiques à l'origine de gènes de fusion). L'arsenal thérapeutique s'enrichit rapidement. Nous assistons à l'arrivée d'inhibiteurs de seconde génération de RET, plus efficaces et plus spécifiques (selpercatinib, praseltinib), après les molécules ayant déjà l'autorisation de mise sur le marché à la suite des essais de phase III (inhibiteurs de RET de première génération, multikinases). De belles perspectives s'ouvrent pour les patients.
Comment ne pas terminer ce dossier par les différentes lignes thérapeutiques pour les rares cancers de la thyroïde réfractaires à l'iode radioactif pris en charge dans le cadre du réseau TUTHYREF. Les Drs J. Hadoux et C. de la Fouchardière vont tout expliquer des antiangiogéniques, des thérapies ciblées, du concept de redifférenciation (grande originalité et spécificité des cancers thyroïdiens). Ils aborderont différentes questions : le moment de l'introduction de ces thérapies systémiques (non dénuées d'effets indésirables), les possibilités de combinaison, les perspectives (place de l'immunothérapie, etc.). Bien entendu, tout cela ne peut s'envisager qu'avec la connaissance de la biologie moléculaire de ces cancers réfractaires : la boucle est bouclée.