Des grandes bases de données américaines (1) au registre national suédois (2), les données épidémiologiques récemment diffusées s'accordent pour affirmer que la prise en charge du diabète a connu des progrès spectaculaires au cours des trois dernières décennies, permettant de faire reculer la plupart des complications de cette affection métabolique. L'étude scandinave a, en particulier, rapporté une réduction drastique de la mortalité d'origine cardiovasculaire chez les sujets présentant un diabète de type 1 (– 42 %) ou de type 2 (– 46 %) entre les années 1998-1999 et 2012-2013 (2). Bien entendu, cette évolution favorable s'inscrit dans une dynamique plus générale puisqu'une diminution d'amplitude similaire de ces issues fatales a également été observée dans la population non diabétique.
La tendance reste cependant remarquable si l'on considère le risque cardiovasculaire accru de nos patients diabétiques. Le mérite en revient sans nul doute à l'optimisation progressive du contrôle de l'hyperglycémie et des facteurs de risque cardiovasculaire fréquemment associés au diabète. Face à ce constat, comment remettre en cause aujourd'hui le bien-fondé des principaux acteurs de ce succès, à savoir la mise en place de stratégies de dépistage précoce de ces facteurs délétères au plan vasculaire et l'accès à un arsenal thérapeutique qui s'est considérablement enrichi au fil des ans : hypolipémiants, antihypertenseurs, et, bien entendu, nouveaux antidiabétiques ? Les preuves s'accumulent en effet pour démontrer que, chez les sujets diabétiques de type 2, les choix thérapeutiques ne sont probablement pas anodins en termes de pronostic cardiovasculaire. Je ne m'étendrai cependant pas ici sur ces bénéfices additionnels liés à l'utilisation de certaines molécules de la classe des agonistes du récepteur du GLP-1 ou de celle des inhibiteurs de SGLT2, déjà largement exposés dans ces colonnes, mais souhaite délivrer un message de vigilance.
Ne baissons surtout pas la garde vis-à-vis du risque vasculaire de nos patients diabétiques ! La partie est en effet loin d'être gagnée si l'on considère l'incidence galopante du diabète dans nos sociétés mais également les mouvements révisionnistes qui peuvent conduire patients et soignants à négliger la maîtrise des principaux facteurs de risque et de l'hyperglycémie elle-même. Par ailleurs, l'amélioration de la survie de sujets diabétiques, échappant le plus souvent à la survenue précoce d'un événement cardiovasculaire fatal, nous confronte à de nouveaux enjeux de santé publique directement liés au vieillissement de cette population. Ce constat est particulièrement bien illustré par la montée en puissance actuelle de complications plus tardives, largement favorisées par les altérations vasculaires, telles que les insuffisances cardiaques, démences, ou autres troubles trophiques. Enfin, ne nous trompons pas, les maladies cardiovasculaires restent à ce jour la première cause de surmortalité chez les sujets diabétiques !
Ainsi, les raisons ne manquaient pas pour consacrer un dossier complet aux complications vasculaires du diabète dans ce numéro. Pour débuter ce tour d'horizon, cap sur les artères des membres inférieurs ! Au-delà des standards actuels de prise en charge de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs, les données épidémiologiques issues des travaux de Kamel Mohammedi et al. vous permettront d'apprécier le caractère prédictif des différentes présentations cliniques de cette atteinte vasculaire. Quant à Olivier Bourron, c'est sa connaissance de la médiacalcose, une complication artérielle du diabète trop souvent méconnue, qu'il nous fera partager. Nous enchaînerons avec Emmanuel Cosson et Philippe Moulin, un duo qui a fait ses preuves pour débattre du dépistage de l'ischémie myocardique silencieuse, une préoccupation clinique quotidienne en mal de consensus. Enfin, nous avons sollicité René Valéro, Sophie Béliard, et Béatrice Duly-Bouhanick pour, à la lumière des dernières recommandations, nous éclairer sur les objectifs actualisés de prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire les plus fréquemment associés au diabète, les dyslipidémies et l'hypertension artérielle.
Je vous souhaite une excellente lecture, et n'oubliez pas ce leitmotiv : la prévention des complications vasculaires reste une priorité absolue chez tous nos patients diabétiques !