Éditorial

La dénutrition, une pathologie oubliée


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Abreuvés de mises en garde contre les méfaits de la surnutrition, nous avons fini par oublier les dégâts de la sous-nutrition. Les 2 vocables relèvent de la même entité : la malnutrition.

La sous-nutrition est ignorée, tantôt parce qu'elle est honteuse et donc cachée, tantôt parce qu'elle est méconnue par l'entourage ou par le médecin qui ne l'évoque pas. Pourtant, la sous-nutrition touche un nombre considérable de personnes, y compris dans nos pays “riches” : les “vieux”, les pauvres parfois sans domicile fixe, les personnes seules, isolées, les ­alcooliques chroniques : c'est la dimension sociale du problème. Et puis il y a, sur le plan médical, les personnes souffrant de maladie chronique anorexigène (cancer ; maladie infectieuse, inflammatoire ou digestive ; insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale – la liste n'est pas exhaustive –), ou suivant des régimes aberrants.

Comme l'indique très justement Xavier Hébuterne dans son article, derrière les murs de nos hôpitaux et de nos maisons de retraite, nombreuses sont les personnes qui, progressivement, se retrouvent en situation d'insuffisance alimentaire, aussi bien calorique que protéique. Cependant, la malnutrition peut comporter des déficits nutritionnels en protéines et en micro­nutriments sans qu'il y ait de déficit énergétique associé, car les calories pas chères, cela existe. C'est en tout cas une situation de plus en plus fréquente dans les pays moins “développés”, qui connaissent ce que l'on appelle pudiquement la “transition alimentaire” : chips, sucreries, tortillas, boissons sucrées, frites remplissent mais ne nourrissent pas (photo).

Mais la sous-nutrition ne résume pas, seule, la dénutrition. Cette dernière est en fait, au sens strict du terme, une pathologie sévère, souvent mortelle, résultant de multiples causes, dont un apport protéino-énergétique insuffisant, qui correspond à la sous-nutrition. Parmi les causes classiques, on retrouve les insuffisances pancréatiques, les insuffisances du grêle, mais aussi les pertes protéiques des brûlés, les diabètes décompensés, certaines pathologies rénales, ou d'autres situations graves dont nos amis spécialistes de la nutrition artificielle sont familiers. Le traitement est aussi celui de la cause. C'est une forme de dénutrition dont les signes et les causes sont très visibles.

Moins connue est la coexistence de la dénutrition et de l'obésité, qui prend la forme d'une obésité sarcopénique. Le patient paraît floride, en réalité c'est un colosse aux pieds d'argile. Au premier déséquilibre, une décompensation survient. Il est indispensable de penser à cette situation en apparence paradoxale, dont nous décrivons les causes et les conséquences dans notre article.

La sarcopénie est un concept dont les critères ne sont pas encore parfaitement définis, mais qui fait l'objet de travaux multiples, que Christelle Guillet nous présente dans son article. La sarcopénie fait le lit de la dénutrition. Bien qu'elle soit en partie physiologique, car liée à l'âge, elle est accentuée par des processus physio­pathologiques conduisant à une altération des fonctions et de la force musculaires. C'est pourquoi le handgrip devrait devenir un outil de mesure pour tout praticien. Ainsi, la balance et le dynamomètre sont au service du diagnostic de la dénutrition et de la sarcopénie : des moyens simples, appropriés et peu coûteux !

L'article de Claire Sulmont-Rossé nous permet de concevoir des solutions concrètes pour accroître la prise alimentaire de personnes à risque de sous-nutrition. À côté du dépistage et de la prévention, ces mesures peuvent faire reculer ce fléau sournois qu'est la dénutrition. Encore faut-il penser à évaluer les ingesta ou, au moins, à poser quelques questions sur ce que mange réellement le patient.

Tout le monde a un rôle à jouer : médecins, cuisiniers, infirmiers, chirurgiens, aide-soignants, économes, diété­ticiens, kinésithérapeutes, chacun a sa place dans ce combat afin que le patient ne soit pas oublié.

FIGURES

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Liens d'intérêt

J.M. Lecerf est membre de comités scientifiques au titre de l’Institut Pasteur de Lille : Aprifel, FICT, Bel, IOT, OCHA, GROS, ENSA, HOLDER, GEMO, Dr. Schär.

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