Les excès alimentaires sont toujours montrés du doigt, quand ce ne sont pas les mangeurs excessifs qui le sont. À juste titre, à moins d'être iconoclaste, les excès sont considérés comme nocifs pour la santé. Mais est-ce si simple ? Ne s'agit-il pas des excès répétés ? Qui n'est pas un jour tombé dans l'excès ? De quoi parle-t-on quand on parle d'excès ? Qu'est-ce qu'une alimentation équilibrée ? L'équilibre n'est-il pas une succession de (petits) déséquilibres que l'on rétablit sans cesse à moins de tomber dans l'orthorexie ?
Il s'agit donc peut-être, autant d'un point de vue physiologique que d'un point de vue alimentaire, d'un déficit de régulation engendré d'une part par l'abondance et la palatabilité de l'offre, d'autre part par une perte de contrôle liée à… un excès de contrôle ! Contrôle perdu par les pratiques alimentaires amincissantes, une autre forme d'excès, et conduisant à la restriction cognitive, facteur d'entretien… de l'obésité.
Il nous a également semblé intéressant d'analyser la signification des excès. Avec le regard de l'historien qui les replace dans une perspective culturelle, symbolique et contextuelle en réaction à la pénurie. Moraliser les excès, ce qui a longtemps appartenu à la religion, n'est-il pas aujourd'hui l'apanage de certains censeurs de la santé publique ? Au risque de juger ou de tomber dans le diktat alimentaire. Soyons prudents, d'autant que les modes nutritionnelles peuvent changer et se contredire avec l'évolution des connaissances. Le point de vue du sociologue nous éclaire aussi sur cette histoire sans fin. Les excès n'ont-ils pas été successivement l'apanage des classes sociales aisées, puis des classes sociales populaires ? Pourquoi ? Est-ce un trait sociologique ?
Ainsi, les sciences humaines doivent-elles être totalement prises en compte dans notre approche de la nutrition et de l'alimentation. En effet, il ne faudrait pas oublier que manger ne sert pas qu'à nourrir, mais aussi à réjouir et à réunir. Juste une question d'équilibre à trouver.