Depuis de nombreuses années, les scientifiques s'interrogent sur les relations entre le système nerveux et le pancréas. Cette question vient d'abord d'une observation insolite : on a remarqué que les cellules pancréatiques expriment des facteurs habituellement trouvés dans les cellules neurales. C'est par exemple le cas de la neurogénine 3 (NGN3). Ce facteur de transcription de type bHLH (basique hélice-boucle-hélice) joue un rôle dans la différenciation des neurones sérotoninergiques dans le cerveau postérieur. Il est aussi intéressant de noter que c'est un acteur clef de la différenciation des cellules du pancréas endocrine. En effet, il est exprimé de façon transitoire dans les cellules progénitrices du pancréas embryonnaire de la souris (mais également dans les cellules souches pancréatiques chez l'homme), et il initie un programme de différenciation des cellules des îlots de Langerhans. La mutation nulle de NGN3 conduit à une absence de développement de ces cellules pancréatiques endocrines, d'où l'importance de ce facteur de transcription. Il existe d'autres facteurs qui partagent une spécificité neurale et pancréatique, tels que Brain 4 (BRN4, appelé aussi POU3F4) ou le facteur de croissance neurale NGF (Nerve Growth Factor) et son récepteur TrkA. Ces observations ont conduit à formuler l'hypothèse d'une origine embryonnaire commune du pancréas et du cerveau. Mais cela n'a pas été confirmé par les expériences de greffes interespèces. Même si cette problématique n'est pas encore complètement résolue à l'heure actuelle, la communauté scientifique s'accorde à dire que le cerveau a plutôt une origine ectodermique exclusive et le pancréas, une origine endodermique.
À ce jour, les relations entre le système nerveux et le pancréas restent d'actualité, notamment au regard du rôle majeur qu'elles jouent dans la physiopathologie du diabète. En l'occurrence, un exemple est constitué par les neuropathies chez les diabétiques, que décrit le Dr Pierre Lozeron dans son article. De plus, le Dr Patrick Collombat et son équipe démontrent que le neurotransmetteur GABA (acide gamma-aminobutyrique) peut favoriser la conversion de cellules alpha en cellules bêta du pancréas. La connaissance de ce mécanisme pourrait conduire à développer une stratégie thérapeutique dans le traitement du diabète. Par ailleurs, il existe des hormones, comme la leptine, qui agissent au niveau de certains neurones pour contrôler la prise alimentaire. Aussi, j'expose dans ce numéro les éléments qui relient le système nerveux et ces aspects concernant la nutrition. Enfin, la question du rôle du microbiote intestinal donne lieu à une foule de recherches et de découvertes. Le Dr Estelle Grasset explique dans son article comment les bactéries présentes dans la cavité buccale et le long du tractus intestinal peuvent influencer la réponse nerveuse au glucose. Ces mécanismes donnent donc une idée de l'implication du système nerveux dans le diabète. On peut ainsi s'interroger sur l'influence de ses régulations sur le psychisme C'est dans ce cadre qu'intervient le Pr Étienne Larger qui décrit la fonction cognitive, mais également les démences qui peuvent intervenir au cours du diabète.
Ce dossier constitue donc une étape de réflexion pour mettre en relation par une approche intégrative, et surtout pour mieux comprendre, les liens fascinants entre le système nerveux et le pancréas.