Les articles rassemblés dans ce dossier consacré aux pathologies surrénaliennes ont, dans la diversité des thèmes traités, un dénominateur commun : l'innovation !
Innovation pour le diagnostic des maladies de la surrénale : Stéphanie Baron nous décrit les nouvelles techniques de dosage par spectrométrie de masse en tandem couplée à la chromatographie liquide des hormones stéroïdiennes, notamment l'aldostérone, mais aussi les dérivés hybrides comme le 18-oxocortisol et 18-hydroxycortisol ou la désoxycorticostérone. Ces méthodes de mesure fondées sur la séparation physicochimique des analytes par une colonne de chromatographie liquide, puis sur l'ionisation et la fragmentation des molécules d'intérêt, permettent d'obtenir une signature moléculaire des hormones dosées simultanément, et peuvent fournir un profil stéroïdien qui devrait nous aider à mieux distinguer les formes d'hyperaldostéronisme uni- et bilatéral. Les avantages de ces méthodes de dosage, qui sont désormais passées du laboratoire de recherche à certains laboratoires hospitaliers de routine, résident dans leur relative simplicité, leur rapidité d'exécution et la très grande spécificité des dosages en comparaison des méthodes classiques par immunodosage.
Innovation conceptuelle : Estelle Louiset et Antoine-Guy Lopez éclairent le lecteur sur les relations physiopathologiques complexes qui lient l'obésité, le syndrome métabolique avec sa myriade malfaisante “diabète de type 2, hypertension artérielle, dyslipidémie” et l'aldostérone issue du cortex surrénalien. La graisse viscérale en est la pierre angulaire, puisqu'elle exprime tous les éléments du système rénine-angiotensine, et produit des acides gras libres capables de stimuler la stéroïdogenèse surrénalienne, ainsi que des adipokines, comme la leptine qui induit l'activité aldostérone synthase, enzyme clé de la production d'aldostérone. La production accrue d'aldostérone chez un patient souffrant d'obésité androïde serait impliquée dans les anomalies de l'expression du récepteur de l'insuline et de la signalisation postrécepteur et, in fine, dans l'insulinorésistance. L'aldostérone favoriserait également le stress oxydant au niveau de la cellule bêta-pancréatique et compromettrait aussi l'insulinosécrétion. Ces avancées conceptuelles s'ajoutent aux connaissances établies sur la toxicité de l'excès d'aldostérone sur le myocarde, le rein, et l'appareil respiratoire via le syndrome d'apnée obstructive du sommeil.
Innovation dans la prise en charge clinique des maladies de la surrénale : l'éducation thérapeutique a désormais acquis ses lettres de noblesse dans l'approche du patient souffrant d'insuffisance surrénale, et Laurence Guignat, qui a été précurseur dans ce domaine, nous rappelle l'importance de mettre en œuvre les actions éducatives susceptibles de réduire la survenue de décompensations surrénales aiguës encore trop fréquentes en 2018. Elle dresse un état des lieux des programmes éducatifs existants, soulignant que le consensus français a clairement promu une prise en charge éducative structurée de la maladie d'Addison qui fait une large place aux compétences du patient dans l'identification et le traitement préventif des signes avant-coureurs de la décompensation aiguë, dans la gestion de la substitution glucocorticoïde face aux événements quotidiens, ainsi que dans l'utilisation optimale des ressources du système de soins. Les cliniciens sont incités à mettre en place des parcours éducatifs selon les modalités déjà effectives dans d'autres maladies chroniques comme le diabète.
Innovation dans les thérapies de transplantation de cellules corticales surrénaliennes : Michaël Thomas ouvre les portes d'une recherche active et passionnante vers la transplantation de cellules corticosurrénaliennes aptes à produire du cortisol en vue de traiter le déficit en 21-hydroxylase. Il évoque avec précision et esprit critique les différentes approches qui sont à l'étude depuis les premières tentatives de transplantation de fragments de tissus corticosurrénaliens. Ainsi, la transplantation de cellules corticales isolées a fait l'objet de mises au point de techniques de cultures cellulaires, enrichies par la transfection du gène d'intérêt au moyen de vecteurs viraux pour pallier l'atteinte génétique. Des expériences de thérapie cellulaire ont été réalisées chez le rongeur à partir de cellules bovines ou humaines issues de cultures primaires, ou de clones isolés in vitro de cellules capables de proliférer grâce à l'expression forcée de l'appareil enzymatique ad hoc. De telles cellules une fois immortalisées permettraient de reconstituer un tissu endocrinien fonctionnel tout en conservant un comportement non tumoral. Des travaux ont également été réalisés à partir de cellules souches rendues partiellement aptes à se différencier en cellules stéroïdogènes. Ces différentes approches de thérapie génique et de transplantation cellulaire pourraient aider à lutter contre l'insuffisance surrénale de l'hyperplasie congénitale des surrénales qui reste une maladie difficile à contrôler par les traitements classiques.
Cette “promenade” dans l'univers passionnant de la surrénale permettra certainement au lecteur de tirer des enseignements pour sa réflexion et pour sa pratique clinique.