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Éditorial

Nouvelles approches de l’obésité


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Sans doute parce qu’elle est à la fois banale et complexe, l’obésité a longtemps peu passionné les médecins, ce qui l’a vouée à être la proie de gourous médiatiques. À cela s’est ajouté l’échec, enfin dénoncé en 2010 [1], des régimes amaigrissants, ainsi que les crises paroxystiques autour des médicaments et de leur cortège d’effets indésirables, de scandales et de suspensions de commercialisation.

Les choses sont en train de changer, et c’est tout l’intérêt de ce dossier. Notre compréhension de cette pathologie a considérablement évolué : elle est désormais reconnue comme maladie, ce qui est essentiel, même si l’étape parfois précédente du surpoids (certains enfants rentrent d’emblée dans l’obésité) est encore largement réversible ; une maladie, donc, chronique, évolutive, d’origine bio-psycho-sociale, de causes, d’expression et de conséquences variées, à forte composante environnementale, avec une prédisposition génétique. De sorte que l’on parle des obésités [2] ou plutôt des personnes en situation d’obésité.

La méconnaissance antérieure, mais persistante, jointe à l’obsession de la norme qui régit nos sociétés a contribué à la stigmatisation des personnes souffrant ­d’obésité. L’article de Ronan Morvan dénonce, et n’explique pas moins les racines de cette attitude sociétale qui court parfois aussi dans les veines du monde des soignants. Il en décrit les conséquences sur l’estime de soi et montre à quel point cela constitue un facteur aggravant de la maladie, maintenant les patients dans un véritable cercle vicieux. On ne choisit pas de devenir obèse, on le devient.

L’amélioration de notre connaissance de cette maladie s’accompagne des avancées permises par la chirurgie bariatrique au cours des 20 dernières années, transformant le pronostic, la qualité de vie et le diabète d’une majorité de personnes opérées, au prix de quelques séquelles et effets indésirables. Mais, aujourd’hui, une extension des indications pourrait survenir avec la chirurgie métabolique, c’est-à-dire la chirurgie bariatrique chez les diabétiques ayant un IMC de 30 à 35 ­kg­/­m2. Jean-Baptiste Bonnet et Ariane Sultan argumentent avec beaucoup de pédagogie et d’objectivité en faveur du devenir potentiel de cette évolution.

D’autant plus qu’une autre révolution a commencé grâce à la classe des agonistes du GLP-1 (glucagon-­like ­peptide 1) et des co-­agonistes du GLP-1, du GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide), du glucagon, etc. Cela fait 10 ans que le liraglutide est entré dans la panoplie des traitements du surpoids et de l’obésité, mais il n’est disponible en France que depuis 2021. Emmanuel Disse dresse un panorama complet de l’aventure et de l’histoire de cette famille prometteuse de médicaments “anti-obésité” mais aussi anti­diabétiques. Nous n’en sommes qu’au début, et des questions restent posées concernant le rapport coût-bénéfice de ces traitements, les bons et mauvais répondeurs, les résultats à long terme. Les limites sont d’ores et déjà connues, identifiant les effets indésirables digestifs et le caractère suspensif et non curatif de leur impact. Enfin, ces médicaments vont permettre de déplacer le curseur des indications de la chirurgie bariatrique.

En revanche, ces traitements prometteurs ne remettent pas en cause la place de la dimension psychologique de la maladie, cause et conséquence à la fois. Laurent Dugast dresse un inventaire quasi exhaustif des approches psycho­thérapeutiques de l’obésité. Il met surtout en lumière la place de l’acte alimentaire dans l’économie psychique de chacun, l’importance de rétablir une relation apaisée avec la nourriture, les dangers de la restriction cognitive (l’effet secondaire presque obligatoire des régimes) et, a contrario, l’importance de rétablir une alimentation intuitive, où les aliments ne sont plus l’ennemi. En effet, toute leur vie, les personnes obèses nous décrivent une lutte contre elles-mêmes, contre les autres et contre les aliments.

Enfin, ce dossier ne saurait faire l’impasse sur les progrès considérables de la génétique. Amélie Bonnefond fait partie de ceux qui connaissent le mieux le jeu complexe de la génétique. Les obésités monogéniques ne représentent qu’un très faible pourcentage des obésités, mais leur connaissance a permis de comprendre le rôle majeur des circuits de régulation du poids. Cependant, dans la majorité des cas, ce sont des poly­morphismes qui sont en cause, conduisant à une prédisposition qui s’exprime à la faveur de facteurs environnementaux. Recherche fondamentale et épidémiologie se sont conjuguées pour permettre cet éclairage. Peut-être cela permettra-t-il de définir des équations prédictives pour renforcer les actions de prévention ?

De nombreux autres domaines nouveaux auraient pu être explorés : le rôle du microbiote, la composante inflammatoire de la maladie, le rôle du stress post-­traumatique… Ils feront peut-être l’objet d’un autre dossier.■

Références

1. Anses. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. Rapport d’expertise collective. Novembre 2010.

2. Lecerf JM et al. Les obésités : médecine et chirurgie. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson 2021.


Liens d'intérêt

J.M. Lecerf déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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