Éditorial

De Faust à House of Cards


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Nous vivons dans un monde de paradoxes… Quel poncif me direz-vous ! Pourtant ce dossier devrait vous en convaincre et en jouer avec habileté non sans une pointe de provocation. Soignez au mieux, économisez au plus, cela vous dit quelque chose ?

L'hémato-gériatrie fait partie de notre quotidien, sauf pour nos collègues pédiatres ou ceux qui ont préféré se réfugier dans les centres adolescents et jeunes adultes (AJA) pour lesquels la gérontologie ­commence à 25 ans… Nombre de nos patients atteints d'hémopathie ont un âge médian au diagnostic supérieur à 70 ans, et les patients de plus de 80 ans peuplent (hantent ?) nos réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP). Les survies s'envolent un peu grâce à nous, beaucoup par l'aide de nos collègues généralistes, cardiologues et autres gériatres qui atténuent le fardeau des comorbidités. La recherche sur le/les vieillissement/s n'a plus rien à envier aux autres domaines et nous rend Faust un peu moins mythique chaque jour. Les greffes des septuagénaires, devenues monnaie courante, n'étaient même pas imaginables il y a vingt ans. Il est vrai que, l'âge des chefs de service aidant, les greffes ont été de plus en plus tardives, les études ne s'arrêtent plus aussi souvent à 60 ans et l'on parle davantage de “grand âge” que de vieillesse, peut-être pour repousser encore un peu plus l'échéance…

Alors, faut-il faire bénéficier ces sujets très âgés des nouvelles thérapies ciblées aux tarifs prohibitifs ? Faut-il traiter nos semblables sans distinction, en bons disciples d'Hippocrate et des principes égalitaires, sans craindre les foudres du nouveau Dieu Bercy ? Mais toute religion a ses adeptes, et les adorateurs de Bercy ne manquent pas d'arguments pour nous séduire : voyons plus loin, plus grand, plus efficace et non plus à l'échelle d'un patient. Peut-on réellement traiter chaque hémo­pathie à l'identique en faisant fi des comorbidités ou de l'espérance de vie, oubliant la fragilité de notre système de santé ? Doit-on soutenir nos directeurs et pharmaciens en ayant une vision économique et à long terme ? Doit-on tendre l'oreille, et la prescription, à notre sensibilité et éviter d'alourdir notre fatigue par le poids d'une conscience meurtrie ? Doit-on vivre à la Joséphine, ange gardien ou à la House of Cards ? Faut-il vraiment faire un choix, ou notre avenir n'est-il pas dans un juste milieu ? Il existe “deux excès : exclure la raison, n'admettre que la raison”, disait Pascal. À vous de faire votre choix !


Liens d'intérêt

S. Choquet déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche, Janssen, Celgène, Sanofi, Sandoz, Biogaran, Keocyte et Takeda. 

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