Il ne faut pas se méprendre sur ce dossier consacré aux arrêts de traitement. Il ne concerne pas la décision difficile de la limitation des soins chez les patients au-delà de toutes ressources thérapeutiques.
Non, il interroge au contraire sur l'arrêt du traitement dans les situations de réponses thérapeutiques favorables obtenues chez des patients pour lesquels le caractère chronique de leur hémopathie et la prise orale continue de leur traitement n'envisageaient pas, jusqu'à maintenant, un tel questionnement.
Depuis l'introduction des thérapies ciblées dans la prise en charge de certaines hémopathies malignes, notre pratique quotidienne a dû s'adapter à cette nouvelle prise en charge chronique (accompagnant nécessairement leur prise orale continue. L'exemple le plus emblématique reste celui de la leucémie myéloïde chronique (LMC) pour laquelle nous sommes passés de l'ère de la greffe de moelle osseuse à visée curative à celle des inhibiteurs de tyrosine kinase à vie (p. 208). Juliette (p. 186) en profite justement pour nous raconter l'épopée scientifique qui a permis de comprendre l'oncogenèse toute particulière de cette néoplasie. Les réponses thérapeutiques obtenues grâce aux inhibiteurs de tyrosine kinase dans la LMC ont été telles qu'elle est devenue la première hémopathie dans laquelle s'est posée la question de l'arrêt de traitement définissant ainsi un modèle d'action utilisable dans le futur pour d'autres hémopathies.
La question de l'arrêt de traitement est supportée également par la problématique de la tolérance à long terme des molécules et de leurs coûts. Les autres hémopathies potentiellement concernées par cette stratégie sont le myélome multiple (MM) et la leucémie lymphoïde chronique (LLC). Dans le MM (p. 192), les auteurs nous présentent les dernières données concernant le traitement d'entretien, notamment par les IMiD, et discutent de sa durée et des moyens biologiques (évaluation de la maladie résiduelle) dont nous disposons maintenant pour étayer cette décision d'arrêt. Dans la LLC (p. 197), l'arrivée des thérapies ciblées orales, représentées notamment par l'inhibiteur de tyrosine de Bruton, conduit naturellement à se poser la question des arrêts de traitement, ce d'autant plus que l'évaluation de la maladie résiduelle se structure en routine. Enfin, nous clôturerons ce dossier avec une situation d'arrêt de traitement un peu différente de celles précédemment exposées puisqu'elle concerne non pas une thérapie ciblée mais l'interféron. En effet, dans les néoplasies myéloïdes Ph négatives, les Français ont été parmi les premiers, là encore, à se poser la question de l'arrêt de traitement (p. 203).
Espérons qu'avec le temps et l'arrivée de nouvelles thérapies ciblées, ce dossier puisse s'étoffer témoignant ainsi de l'évolution favorable qui les accompagnera.