Le fer est indispensable à l'érythropoïèse et donc à la vie. L'anémie par carence martiale est la plus fréquente des causes d'anémies, comme nous le rappelle Juliette (cf. page 274). Plus de 2 milliards de personnes sont affectées dans le monde, principalement dans les pays en voie de développement (1). Dans nos sociétés, en revanche, les apports en fer sont beaucoup plus fréquents, voire intempestifs (le fer comme additif alimentaire systématique dans les céréales du petit déjeuner, etc.). La mutation C282Y du gène HFE qui est apparue en Europe il y a environ 6 000 ans, possiblement comme une adaptation à la révolution néolithique et au développement de l'agriculture dans un climat européen (2), a vu ainsi passer son statut de privilège génétique (meilleure absorption du fer) à celui de maladie génétique la plus fréquente en France (hémochromatose primitive).
La surcharge en fer caractérise aussi un certain nombre d'anémies (iron-loading anemias des Anglo-Saxons) et, en premier lieu, les anémies sidéroblastiques. Les formes constitutionnelles non syndromiques, qui sont celles vues par les hématologues, peuvent être diagnostiquées à tout âge de la vie et doivent être distinguées des formes acquises. Deux articles de ce numéro sont là pour exposer l'état des connaissances sur ces 2 types d'anémies sidéroblastiques. Michaela Fontenay (cf. page 278) nous expose les mécanismes moléculaires impliqués dans les anémies sidéroblastiques acquises qui ont été récemment redéfinies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et sur les causes de la surcharge en fer associées à celles-ci. Les progrès de la génétique sont, eux, rappelés par Caroline Kannengiesser (cf. page 295) ; le séquençage de dernière génération (Next Generation Sequencing [NGS]) [et, bientôt, le séquençage du génome entier (Whole Genome Sequencing [WES])] permet de nos jours à la fois de faire un diagnostic étiologique beaucoup plus facilement pour les formes héréditaires et d'identifier continûment de nouveaux gènes, offrant, au bout du compte, une meilleure compréhension du métabolisme du fer. Les voies d'utilisation et de régulation du fer sont de mieux en mieux connues. La découverte de l'hepcidine puis celle de l'érythroferrone (Fam132B) ont été des étapes majeures, mais l'avancée des connaissances en la matière est telle qu'il est difficile de suivre ce domaine, compte tenu de l'augmentation continue des connaissances illustrant la complexité de la régulation du fer. Zoubida Karim (cf. page 288) fait preuve de beaucoup de sens pédagogique dans une mise au point sur le métabolisme du fer particulièrement bienvenue.
On peut espérer que cette meilleure compréhension de la régulation du fer conduise à la fabrication de nouveaux médicaments. Que cela soit pour soigner les anémies liées à une non-disponibilité du fer, en particulier les anémies inflammatoires – modèle pour lequel des antihepcidine sont déjà en phase de développement clinique (3) – ou dans le traitement des surcharges en fer, tant primitives que secondaires. À ce jour, néanmoins, le traitement de ces dernières repose toujours sur les chélateurs classiques (déféroxamine, défériprone et déférasirox) que tout hématologue, à condition qu'il veuille bien suivre les taux de ferritine de son patient, devrait savoir parfaitement prescrire. Merci à Christian Rose (cf. page 304) de nous rappeler les bonnes pratiques en la matière.
Enfin, Étienne Paubelle et Olivier Hermine (cf. page 309) nous font audacieusement passer de l'érythropoïèse à l'oncogenèse en nous démontrant que le fer joue aussi un rôle majeur dans la prolifération tumorale. Puisse cela nous amener à concevoir de nouvelles approches thérapeutiques contre le cancer !