Éditorial

Quante piastrine !


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Les plaquettes n'ont été identifiées que bien après les globules rouges et les globules blancs. Si leur existence avait été théorisée au XVIIe siècle par Thomas Boyle, qui postulait la présence dans le sang de cellules permettant la coagulation, ce n'est qu'au XVIIIe siècle − grâce aux progrès continus de la microscopie optique − que différents auteurs décrivent pour la première fois les plaquettes sanguines, néanmoins non reconnues en tant que telles, et présentées comme des leucocytes ou des globules rouges “dégénérés”, des caillots de fibrine, voire des micro-organismes. Alfred Donné (1801-1878), à l'Hôtel-Dieu, rapporte, dès 1842, une description des plaquettes, qu'il appelle “globulins du chyle” et qu'il qualifie de troisième type de particules du sang mais sans convaincre la communauté scientifique et sans envisager leur rôle dans l'hémostase (1). Georges Hayem, quant à lui, publie entre 1877 et 1879 plusieurs articles décrivant de manière précise les plaquettes, mais il les considère comme des précurseurs des globules rouges et les nomme “hématoblastes”.

C'est finalement à Giulio Bizzozero (1846-1901) que l'on attribue aujourd'hui l'identification des plaquettes en tant que nouvel élément figuré du sang et la compréhension de leur rôle dans l'hémostase. Médecin italien formé à Pavie, où il étudie la microscopie, il devient à 26 ans, après des voyages d'études à Zurich et à Berlin, professeur de pathologie générale à l'université de Turin où il reste jusqu'à sa mort. En 1881, il fait une description précise des plaquettes comme des éléments systématiques du sang, différents des globules rouges et des globules blancs : il les décrit comme des corpuscules discoïdes, constitués d'une membrane et d'un cytoplasme, sans noyau mais pourvus de granules, et ne contenant jamais d'hémoglobine. Il les appelle piastrine (“petites plaques” en italien) et rapporte ses travaux sous la forme de 3 articles publiés en italien, en français et en allemand. Plus tard, il décrit leur rôle dans la formation du caillot (2).

La mégacaryopoïèse n'a été comprise que beaucoup plus tard grâce aux progrès des cultures de méga­caryocytes et, plus récemment, grâce à l'identification des gènes mutés chez les patients atteints de thrombopénie constitutionnelle. F. Lanza et al. (p. 303) viennent à point nommé nous faire la synthèse des connaissances dans ce domaine.

La meilleure connaissance de ce processus et celle des gènes impliqués dans la formation des plaquettes ont conduit à 2 types de connexion entre mégacaryopoïèse et leucémogenèse. D'une part, les leucémies aiguës qui se développent à partir des précurseurs de progéniteurs mégacaryoblastiques. C. Lopez et al. illustrent (p. 330) la variété des modèles de leucémogenèse et de présentation des LAM7 observées chez les enfants comme chez les adultes. D'autre part, le risque augmenté de survenue d'une hémopathie maligne, principalement de type LAM, observé chez les patients ayant une thrombopénie constitutionnelle, en particulier quand le gène muté code pour un facteur de transcription avec comme principal modèle les mutations d'AML1/RUNX1. R. Favier et H. Raslova (p. 319) font le point sur ces pathologies qui soulèvent de nombreux problèmes, non réglés à ce jour, quant à la prise en charge des patients.

Ces connexions doivent impliquer la reconnaissance, par tout hématologue, de ces thrombopénies constitutionnelles en sachant que, malheureusement, celles associées aux hémopathies malignes ne sont pas les plus faciles à identifier du fait d'une numération plaquettaire peu inquiétante et d'un aspect normal des plaquettes au frottis. Vous pouvez compter sur M.F. Hurtaud-Roux et al. (p. 311) pour vous aider dans cette démarche.

Enfin, l'article de P. Sié et R. Favier (p. 336) fait le point sur les agonistes du récepteur à la thrombopoïétine (AR-TPO). Après l'échec du développement de la thrombopoïétine recombinante, ces nouveaux agents ont un développement rapide et croissant initialement dans les thrombopénies immunologiques mais aussi pour de nombreux autres types de thrombopénies. Leur utilisation, plus récente, dans le traitement des aplasies médullaires ouvre des perspectives fascinantes sous réserve que leur utilisation ne soit pas associée à une augmentation de l'incidence des évolutions clonales.

Bonne lecture à tous, et toutes mes excuses aux hémo­stasiens qu'il n'a pas été possible d'associer à ce dossier !

Références

1. Donné A. De l’origine des globules du sang, de leur mode de formation et de leur fin. Comptes rendus de l’Académie des Sciences. Paris 1842;14:366-168.

2. Mazzarello P, Calligaro AL, Calligaro A. Giulio Bizzozero: a pioneer of cell biology. Nat Rev Mol Cell Biol 2001;2(10):776-81.


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T. Leblanc n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.

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