Le cyclophosphamide postallogreffe dans la greffe haplo-identique : toujours et encore mais à doses réduites
L'utilisation du cyclophosphamide postallogreffe (CyPA) comme prophylaxie de la maladie du greffon contre l'hôte (GVH) a permis l'important développement de la greffe haplo-identique au cours de cette dernière décennie. La dose standard de 50 mg/kg/j et son timing à J+3 et J+4 ont été extrapolés des données obtenues à partir des modèles de greffe de peau et confortées par les études cliniques en phase précoce (Berenbaum M et al., Nature 1963 ; Mayumi et al., Transp Proc 1986 ; Luznik et al., BBMT 2008). Récemment, la dose intermédiaire de 25 mg/kg/j à J+3 et J+4 ou uniquement à J+4 dans des modèles murins montrait de meilleurs résultats en termes de réduction de survenue d'une GVH (Wachsmuth et al., JCI 2019 et BBMT 2020). M. McAdams et al. (abstr. 101) ont présenté les résultats d'une étude de phase I-II du National Institutes of Health (NIH) testant différentes doses de CyPA en prophylaxie de la GVH dans la greffe haplo-identique : la 1re cohorte recevait la dose standard de 50 mg/kg/j à J+3 et J+4, la 2e cohorte recevait la dose réduite de 25 mg/kg/j à J+3 et J+4, et la 3e cohorte recevait une seule dose à 25 mg/kg à J+4. Aucun cas de GVH de grade 3-4 n'a été observé dans les 2 cohortes expérimentales. La cohorte 2 a été choisie pour réaliser la phase II, en raison d'une meilleure prise de greffe et de la moindre intensité des épisodes de fièvre liée à la prise de greffe. 20 patients ont reçu le CyPA à 25 mg/kg/j à J+3 et J+4. L'incidence cumulée de GVH aiguë (GVHa) était de 10 % seulement à J+200 et de grade 1 uniquement. L'incidence cumulée de GVH chronique (GVHc) était de 27 %. Finalement, 12 % des patients ont eu besoin d'un traitement systémique (figure 1).
La prise de greffe était plus rapide dans la cohorte 2 (14 versus 19 jours dans la cohorte 1). Il y a eu un échec de greffe dans la cohorte 2. Les transfusions en culots globulaires et en concentrés plaquettaires étaient moins fréquentes avec la dose réduite de CyPA, et les mucites étaient moins intenses et moins longues. Durant cette phase II, 4 patients ont rechuté et 2 sont décédés de toxicité. La désescalade de dose du CyPA est donc praticable et semble constituer un schéma très prometteur pour réduire la toxicité précoce.
JAK1, inhibiteur pour la prophylaxie de la GVH et du syndrome de relargage cytokinique dans la greffe haplo-identique
La greffe haplo-identique avec des cellules souches périphériques (CSP) comme source du greffon peut s'accompagner d'un syndrome de relargage cytokinique (SRC). R. Abboud et al. ont décrit que 10 % des patients présentaient des SRC sévères, associés à une moins bonne survie (Abboud R et al. Bone Marrow Transplant 2021;56(11):2763-70). L'hypothèse de cette étude pilote (abstr. 100) était que l'inhibition de l'interleukine 6 (IL-6) et de l'interféron γ par le signal JAK1 pouvait réduire l'incidence de GVHa et de SRC dans ce contexte. L'itacitinib était administré à la dose de 200 mg/j de J–3 à J+100 puis diminué progressivement sur 2 mois. Le reste de la prophylaxie de la GVH associait CyPA, mycophénolate mofétil et tacrolimus. L'étude a inclus 21 patients. L'incidence cumulée de GVHa à 6 mois était d'environ 20 % avec uniquement le développement de GVH de grade 1-2 ; 90 % des patients ont développé un SRC de grade 1 au maximum. La tolérance au traitement était satisfaisante. Ces résultats sont certes préliminaires et concernent un nombre très limité de patients, mais l'absence de GVH de grade 3-4 fait de l'itacitinib un bon candidat à suivre.
L'intensité du conditionnement chez le patient drépanocytaire
L'expérience française rapportée par Bernaudin et al. (Haematologica 2020) chez les patients drépanocytaires avec un conditionnement myéloablatif (MAC) par busulfan/cyclophosphamide avec un donneur géno-identique montrait une survie sans événement (SSE) à 5 ans de 97 %, avec une mortalité liée au traitement de 3 % et une incidence cumulée de GVHc de 2,5 %. Cependant, dans cette cohorte et dans les autres études internationales, seuls 20 % des patients avaient plus de 15 ans ; 20 à 30 % des patients de plus de 15 ans développaient une GVHc et la SSE diminuait à 80 % à 4 ans (Gluckman et al., Blood 2017 ; Capelli et al., Haematologica 2019). Il était donc nécessaire de développer un conditionnement d'intensité réduite (RIC) permettant d'assurer la prise de greffe tout en réduisant la mortalité liée à cette greffe, et permettant d'éviter la GVH chez ces patients allogreffés pour une drépanocytose sévère avec un donneur géno-identique. N. Dhédin et al. (abstr. 909) ont rapporté une étude rétrospective de la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (SFGM-TC) comparant, chez les patients de plus de 15 ans, un MAC par busulfan/cyclophosphamide principalement (+ sérum antilymphocytaire) à un RIC par alemtuzumab et irradiation corporelle totale 3 Gy. Le MAC concernait 20 patients, qui recevaient un schéma ciclosporine + méthotrexate ou mycophénolate mofétil en prophylaxie de la GVH ; la source de greffon était la moelle osseuse. Le RIC concernait 14 patients, qui recevaient du sirolimus en prophylaxie de la GVH ; le greffon provenait des CSP. Concernant les caractéristiques des cohortes, les patients ayant reçu un MAC étaient statistiquement plus jeunes et présentaient moins d'antécédents cérébraux. Il n'y a eu aucun échec de prise de greffe (tableau). La survie globale (SG) et la SSE étaient comparables, avec une SG de 95 % dans le groupe MAC et de 100 % dans le groupe RIC ; 1 patient est décédé de GVH dans le groupe MAC (figure 2).
À 2 ans, la survie sans maladie et sans GVH était de 100 % dans le groupe RIC et de 70 % dans le groupe MAC. Les 2 approches semblent donc satisfaisantes dans cette population. Un suivi plus long permettra d'évaluer la stabilité du chimérisme et l'impact sur la fertilité.
Ruxolitinib et myélofibrose : avant, pendant et après la greffe ?
G. Hobbs et al. (abstr. 169) ont présenté les résultats d'une étude de phase II testant le ruxolitinib à la dose de 5 mg × 2/j de J–14 à J+30, augmentée à 10 mg × 2/j à partir de J+30 selon la reconstitution hématopoïétique. L'hypothèse était que l'utilisation du ruxolitinib avant/pendant/après la greffe permettrait d'éviter le rebond de la myélofibrose à la greffe et diminuerait le risque de GVH. Le conditionnement associait fludarabine (30 mg/m2/j pendant 5 jours) et melphalan (100 ou 140 mg/m2 × 1/j), et la prophylaxie de la GVH du méthotrexate et du tacrolimus. L'étude incluait 26 patients (âge médian : 66 ans), dont 22 présentaient une splénomégalie ; 19 n'avaient aucune anomalie cytogénétique. Les données post-allogreffe ont été analysées pour 24 patients. À J+30, 23 patients sur 24 avaient un taux de polynucléaires supérieur à 500/mm3 et à J+60, les 24 patients présentaient ce taux ; toujours à J+30, 13 patients avaient un taux de plaquettes supérieur à 20 G/L. La SG à 1 an était de 77 % et la SSE, de 71 %. Les incidences cumulées de la rechute et de la mortalité liée au traitement étaient de 13 % et 17 % respectivement. L'incidence cumulée de GVHa était de 35 % à 6 mois, et l'incidence cumulée de GVHc était de 14 % à 1 an. Ces résultats montrent la faisabilité de l'utilisation du ruxolitinib pendant la procédure de greffe. L'excellente prise de greffe dans cette série nécessite d'être confirmée dans une plus large cohorte.■