Dossier

Leucémie aiguë lymphoblastique


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Premiers résultats de l'étude EWALL-Ino

L'inotuzumab-ozogamicine (Ino) est un anticorps anti-CD22 couplé à la calichéamicine, dont l'efficacité a été initialement montrée dans l'étude TOWER chez des adultes atteints de leucémie aiguë lympho­blastique B (LAL-B) en rechute ou réfractaire (Kantarjian et al., N Engl J Med 2017). Depuis, les auteurs ont publié les résultats de leur étude de phase II dans le traitement de 1re ligne, associant mini-hyper-CVD + Ino, avec une médiane de survie sans progression (SSP) de 35 mois (Kantarjian et al., Lancet Oncol 2018). P. Chevallier et al. (abstr. 511) ont présenté les premiers résultats de l'étude EWALL-Ino du groupe GRAALL testant le schéma Ino à doses réduites + chimiothérapie sans anthracycline ni rituximab chez des patients de plus de 55 ans atteints de LAL-B CD22+ Ph− traités en 1re ligne. L'étude, menée avec un suivi minimal de 4 mois, incluait 90 patients d'âge médian de 69 ans ; 80 % d'entre eux ont reçu les 5 injections d'Ino prévues et 6 patients ont été allogreffés. Près de 89 % des patients ont obtenu une rémission complète (RC), dont 73 % qui présentaient une maladie résiduelle (MRD) < 10–4. La toxicité hépatique reste non négligeable, avec 9 % de grade 3-4 et 3 cas de syndrome d'obstruction sinusoïdale dont 2 pendant l'induction. La survie globale (SG) à 1 an est de 78 % (figure 1A). La rechute était majeure chez les patients LAL-B avec réarrangement de KMT2A (figure 1B). Ces résultats sont tout à fait intéressants. Les inclusions sont toujours en cours.

Quelle place pour la chimiothérapie traditionnelle dans la LAL Ph+ ?

Les résultats de l'étude GRAAPH-2005 avaient montré que la décroissance de la chimiothérapie associée à l'imatinib permettait d'abaisser la mortalité liée au traitement à l'induction. P. Rousselot et al. (abstr. 512) ont rapporté les résultats du protocole GRAAPH-2014, dont l'objectif principal était de montrer la non-infériorité de la diminution d'intensité de la chimiothérapie (absence de cytarabine) en association avec le nilotinib, par rapport à l'association chimiothérapie avec cytarabine haute dose + nilotinib. Pour valider cette hypothèse, au moins 125 patients devaient être inclus (figure 2A).

En septembre 2021, 156 patients étaient recrutés, randomisés entre 1 bras cytarabine (n = 77) et 1 bras sans cytarabine (n = 79). La ­mortalité liée au traitement était similaire dans les 2 bras et le taux de RC après l'induction était de 94 %. La MRD BCR-ABL ≤ 10–4 était de 71 % dans le bras cytarabine versus 77 % dans le bras sans cytarabine. Cependant, l'incidence cumulée de la rechute était significativement supérieure dans le bras sans cytarabine (p = 0,008) (figure 2B). La SG était comparable dans les 2 groupes, mais la survie sans rechute était nettement inférieure dans le bras sans cytarabine. La désescalade de chimiothérapie avec un ITK seul n'est donc pas une option valable pour la LAL Ph+ en 1re ligne chez le sujet jeune. Toutefois, la place et la dose de la chimiothérapie dans cette indication restent encore à définir avec l'introduction des autres immunothérapies, telles que les anticorps bispécifiques.

Place de la nélarabine dans la LAL-T de l'adulte

C. Rowntree et al. (abstr. 366) ont présenté les premières analyses de la phase III de l'étude UKALL14, utilisant la nélarabine chez des adultes atteints de LAL-T. L'action de la nélarabine et sa toxicité sur les lymphoblastes T in vivo et in vitro sont bien connues. Certaines études pédiatriques ont montré un impact positif de l'utilisation de la nélarabine, seule ou associée à la chimiothérapie, sur la survie ou la diminution du risque de rechute cérébrale (Berg et al., J Clin Oncol 2005 ; Dunsmore et al., J Clin Oncol 2020). Notons que les patients présentant une LAL avec atteinte du système nerveux central (SNC) n'étaient pas exclus de cette étude. Après une préphase de dexaméthasone et 2 phases d'induction par chimiothérapie, les patients étaient randomisés pour recevoir ou non la nélarabine, à la dose de 1,5 g/j à J+1, J+3 et J+5. La réalisation d'une allogreffe était décidée sur le risque cytogénétique et la MRD. L'analyse a concerné 144 patients : 75 dans le bras contrôle et 69 dans le bras nélarabine. Seuls 48 patients du groupe nélarabine ont reçu le traitement (décès précoce, neurotoxicité, etc.). Les courbes de SG à 3 et 5 ans sont super­posables dans les 2 groupes. Il n'y a pas de différence pour la survie sans leucémie (SSL), qui est de 55 % à 5 ans dans les 2 groupes (HR = 0,88 ; IC95 : 0,52-1,46 ; p = 0,61) (figure 3). Dans cette étude, la nélarabine n'apporte donc pas de bénéfice dans la prise en charge de la LAL-T de l'adulte.

Étude de l'impact de l'atteinte du système nerveux central dans la LAL de l'adulte traitée selon un schéma thérapeutique pediatric-like

En pédiatrie, l'atteinte du SNC est associée à une augmentation du risque de rechute (Winick et al., J Clin Oncol 2017). Chez l'adulte, peu de données sont disponibles sur l'utilisation du schéma thérapeutique pediatric-like. C. Orvain et al. (abstr. 215) ont étudié l'impact de l'atteinte du SNC chez les patients traités dans le GRAALL-2005 : 55 SNC+ et 729 SNC–. Finalement, la SG et la SSP étaient significativement inférieures chez les patients SNC+ et l'incidence cumulée de rechute était comparable entre les 2 groupes. Cependant, la mortalité liée au traitement était significativement supérieure dans le groupe SNC+. Dans cette cohorte, l'allogreffe n'avait pas d'impact sur le pronostic de l'atteinte du SNC.

Et si on utilisait 2 CAR-T cells différents en même temps ?

N. Frey et al. (abstr. 469) ont rapporté l'étude de l'université de Pennsylvanie sur la coadministration d'un CAR-T anti-CD22 (CART22-65S) et d'un CAR-T anti-CD19 humanisé (huCAR19) chez des adultes traités pour une LAL-B en rechute ou réfractaire (R/R). Les CAR-T anti-CD19 d'origine murine (CTL019) ont permis des taux de RC compris entre 69 et 90 %, mais avec des durées de réponse limitées, du fait principalement de rechutes CD19+ en lien avec la perte de la persistance des CAR-T, ou de rechutes CD19– dues à l'échappement anti­génique (Maude et al., N Engl J Med 2014 ; Frey et al., J Clin Oncol 2020). Par ailleurs, les CAR-T anti-CD22 ont montré leur efficacité chez ces patients (Fry et al., Nat Med 2018). Il s'agit d'une étude de phase I réalisée chez 13 patients qui recevaient, après une lymphodéplétion, une alternance d'injections de CART22-65S et de huCAR19 (figure 4).

L'âge médian était de 46 ans (extrêmes : 28-72). Huit patients avaient déjà reçu du blinatumomab, 8 avaient reçu de l'inotuzumab, 2 avaient reçu des CAR-T anti-C19, et 10 avaient été allogreffés. Deux patients sont décédés avant J28 (1 décès dû à la progression de la maladie et 1 décès lié au traitement : syndrome de relargage cytokinique (SRC), associé à une atteinte du SNC et un sepsis). 11 patients ont présenté un SRC de grade 1 ou 2, et 2 patients ont présenté un ICANS. La médiane d'expansion cellulaire différait pour les 2 CAR-T : J9 pour huCART19 et J16 pour CART22-65S. Un patient a présenté à J30 un syndrome d'hémophagocytose-­like en lien avec l'expansion des CAR-T 22, ne répondant pas à l'anakinra mais rapidement résolutif sous ruxolitinib. Sur 13 patients, 11 étaient évaluables à J28 : tous étaient en RC ou RC avec récupération hématologique incomplète (RCi) et MRD−. Avec un suivi médian de près de 1 an, 10 patients sont toujours en RC et on observe 1 rechute moléculaire. Ces réponses sont tout à fait impressionnantes. Il faudra bien sûr un suivi plus long pour savoir si ces réponses sont durables.

CAR-T anti-CD7 dans les LAL-T en R/R

Après avoir démontré l'efficacité des CAR-T cells anti-CD7 in vitro et in vivo dans un modèle murin, J. Yang et al. (abstr. 473) ont présenté les résultats concernant 14 patients traités pour une LAL-T en R/R. L'âge médian était de 17 ans ; 3 patients avaient déjà été allogreffés. Le suivi médian était de 210 jours. Trois doses de cellules (5 × 105, 1 × 106 et 2 × 106) ont été testées. À J28, 13 patients étaient en RC ou RCi, tous en MRD− ; 11 d'entre eux ont été allogreffés par la suite et 10 étaient encore en MRD− à plus de 6 mois. Concernant la tolérance, les 13 patients ont développé un SRC (12 de grade 0-2 et 1 de grade 3) et 1 patient a présenté aussi une neurotoxicité de grade 1. Le pic médian d'expansion était à J20. Ces résultats sont certes préliminaires, mais montrent que les CAR-T anti-CD7 pourraient constituer un bridge to transplant dans cette pathologie pour laquelle les thérapeutiques en situation de rechute sont très limitées.

Réinjection de CAR-T cells anti-CD19 chez les enfants et jeunes adultes atteints de LAL-B en R/R

R. Myers et al. (abstr. 474) ont réalisé une étude rétrospective évaluant l'intérêt de la réinjection de CAR-T anti-CD19 4-1BB chez des patients ayant rechuté après avoir eu une faible persistance de la 1re injection. Sur les 262 patients inclus, 81 ont reçu au moins une réinjection, 63 patients ont reçu une 2e injection “en prévention de la rechute” (en cas de facteurs de haut risque définis par un taux de CD19+ dans le sang supérieur à 3 % ou un taux d'hémato­gones médullaires supérieur à 1 %), 10 patients pour une MRD+ ou une rechute, et 8 patients pour échec de l'injection initiale de CAR-T anti-CD19. Les taux de réponse variaient selon l'indication : 50 % de réponses en cas de stratégie de prévention de la rechute, 50 % en cas de MRD ou de rechute, et 0 % en cas d'échec initial. Lors de la réinjection réalisée pour perte de l'aplasie B, la SSP à 24 mois était de 71 %, la réinjection peut donc être considérée comme une alternative de remplacement à l'allogreffe en cas de perte des CAR-T. En cas de rechute cytologique ou moléculaire, la réinjection peut permettre une réponse dans la moitié des cas mais avec une durée de rémission limitée si aucune thérapeutique ­additionnelle n'est ­réalisée. Pour les patients n'ayant pas répondu ­initialement, la ­réinjection ne semble donc pas être une option thérapeutique. Ces résultats permettent de mieux cibler en pratique clinique l'indication de ré­­injection de CAR-T anti-CD19.■

FIGURES

Leucémie aiguë lymphoblastique - Figure 1
Leucémie aiguë lymphoblastique - Figure 2
Leucémie aiguë lymphoblastique - Figure 3
Leucémie aiguë lymphoblastique - Figure 4

Liens d'intérêt

E. Brissot déclare avoir des liens d’intérêts avec Novartis, Astellas, Alexion, Jazz Pharma­ceuticals, Gilead, MSD, Keocyt et Amgen.

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