Le cyclophosphamide postallogreffe est partout, même en plénière !
Le cyclophosphamide postallogreffe (PTCy) s'est imposé comme la prophylaxie majeure de la réaction du greffon contre l'hôte (GVH) dans les greffes haplo-identiques. Ses mécanismes d'action sur les différentes sous-populations cellulaires, tels que l'élimination des lymphocytes T alloréactifs ou ses effets sur les lymphocytes T régulateurs CD4+FOXP3+, font l'objet de nombreuses recherches [1].
C. De Jong et al. (abstr. 1) ont mené une étude de phase III, prospective et multicentrique, comparant ciclosporine A (CsA) + PTCy versus CsA + mycophénolate mofétil (MMF) chez des patients ayant un donneur géno-identique ou un donneur fichier 10/10 (figure 1). Il faut noter que l'administration du sérum antilymphocytaire (SAL) était un facteur d'exclusion de l'étude. Au total, 160 patients ont été randomisés, avec un ratio 2:1. Les pathologies étaient diverses, le conditionnement était principalement d'intensité réduite, et la source du greffon était en majorité des cellules souches périphériques (CSP). L'incidence cumulée (IC) de GVH de grade 2-4 à 6 mois était de 32 % dans le groupe PTCy, versus 48 % dans le groupe MMF (HR = 0,52 ; IC95 : 0,31-0,87 ; p = 0,014), et, pour les GVH de grade 3-4, de 6 versus 12 % (figure 2, A). De façon très intéressante, l'IC de GVH chronique extensive était significativement diminuée dans le groupe PTCy : 19 % versus 50 % dans le groupe MMF (HR = 0,38 ; IC95 : 0,21-0,67 ; p = 0,001) (figure 2, B). La survie sans maladie était similaire, l'IC de rechute/progression et la survie globale (SG) étaient comparables dans les 2 bras (figure 2, C et D). En analyse multivariée, le PTCy était un facteur favorable de survie sans GVH et sans rechute (GRFS) quel que soit le type de donneur. Dans les effets indésirables à 6 mois, il n'a pas été noté plus d'événements cardiaques dans le bras PTCy (1 %) que dans le bras CsA + MMF (4 %). Ainsi, le PTCy montre encore une fois son effet bénéfique sur la GVHa grave et sur la GVHc, sans altérer l'effet GVL (effet allogénique contre la maladie).
Cependant, nos pratiques diffèrent de celles du groupe hollandais par l'utilisation du SAL : quid alors du PTCy versus SAL ? Des éléments de réponse ont été apportés par une étude rétrospective de l'EBMT (Battipaglia G et al., abstr. 148) qui a comparé, chez des patients adultes ayant eu une première allogreffe pour une leucémie aiguë myéloblastique (LAM) avec un donneur géno-identique, 2 prophylaxies de la GVH : 1 913 patients avaient reçu du SAL, et 197, du PTCy. Ces prophylaxies pouvaient être associées à d'autres traitements. Il y avait plus de conditionnements myéloablatifs dans le groupe PTCy (59 %) que dans le groupe SAL (48 %) (p < 0,01). Concernant la GVHa, les IC à J100 étaient comparables. En revanche, les IC de GVHc et de GVHc extensives étaient significativement diminuées dans le groupe SAL (tableau et figure 3). Pour ce qui est de la SG, de la survie sans maladie et de l'IC de rechute, les résultats étaient comparables. Deux points sont à soulever : d'une part, il est nécessaire d'attendre les résultats d'études prospectives en cours pour confirmer ces résultats et, d'autre part, la place du SAL dans les greffes géno-identiques est à rediscuter au vu de ces résultats.
Greffe haplo-identique dans l'aplasie médullaire
A. DeZern et al. (abstr. 147), de l'université Johns Hopkins, ont présenté une étude de phase II analysant les patients ayant une aplasie médullaire acquise (AA) soit naïfs de traitement, soit en rechute/réfractaires (R/R). Une première cohorte de 16 patients en R/R avait été précédemment publiée [2], et une deuxième cohorte de patients naïfs de traitement a débuté en août 2016. Les critères d'exclusion étaient un donneur géno-identique, une anémie de Fanconi, une monosomie 7 et un taux élevé d'anticorps spécifiques d'antigènes du donneur (DSA). Le conditionnement associait fludarabine et irradiation corporelle totale (ICT) (figure 4). La prophylaxie de la GVH comprenait du SAL à fortes doses, du PTCy, du MMF jusqu'à J35 et du tacrolimus jusqu'à 1 an. La source des greffons était exclusivement de la moelle osseuse. Au total, 20 patients ont été allogreffés avec un donneur haplo-identique. La médiane d'âge était de 29 ans (extrêmes : 5-69). La sortie d'aplasie était en médiane de 17 jours, et il y a eu au total 2 rejets primaires. L'augmentation de l'ICT de 2 à 4 Gy a permis de ne plus avoir de rejets de greffe. La SG était de 100 % chez les patients en R/R (médiane de suivi : 50 mois) et de 86 % pour les patients naïfs de traitement (médiane de suivi : 19 mois). À la fin de l'étude, 91 % des patients étaient sans immunosuppresseurs. L'essai multicentrique est en cours.
La claudine 3 sérique : un nouveau biomarqueur de GVH digestive ?
Prédire le risque individuel, avant allogreffe, de GVH digestive et de mortalité non liée à la rechute (NRM) à 1 an serait presque un rêve pour un allogreffeur… S. Holtan et al. (abstr. 39) ont mesuré différents biomarqueurs sériques déjà connus et d'autres molécules potentiellement intéressantes, telles que l'amphiréguline (AREG), l'epidermal growth factor (EGF), le regenerating islet-derived 3a (REG3a), le suppressor of tumorigenicity 2 (ST2), la claudine 3, la citrulline et le T-cell immunoglobulin and mucin-domain containing-3 (TIM-3) avant allogreffe chez 528 patients. Il existait une grande hétérogénéité concernant la population, les pathologies, les conditionnements et les types de donneurs. Avant la greffe, seule la claudine 3 était associée à un risque élevé de GVH digestive (OR = 1,16). Le taux de claudine 3 était aussi associé à la NRM, avec une NRM à 24 % versus 12 % chez les patients au-dessus de 27,1 pg/mL. Des taux élevés de REG3a (OR = 1,04) et de TIM-3 (OR = 1,59) étaient aussi associés à la NRM. La claudine est une protéine des jonctions serrées dont la fonction principale est d'assurer l'étanchéité des épithéliums. Ces résultats nécessitent d'être évalués de manière prospective et validée dans d'autres cohortes pour déterminer si la claudine 3 est un biomarqueur de la GVH digestive qui serait, alors, enfin un biomarqueur avec un intérêt en pratique clinique.
Le microbiote intestinal… ne pas sous-estimer les antibiotiques, le régime alimentaire et la pomme de terre…
Plusieurs études ont montré le lien entre microbiote intestinal et sévérité de la GVH aiguë [3]. La manipulation du microbiote et de ses métabolites, comme les acides gras à chaînes courtes, permet de moduler la GVH dans les modèles murins [4]. Dans le cadre d'une étude pilote menée par M. Riwes (abstr. 3276), de l'amidon résistant de pommes de terre (RPS) a été administré oralement, 20 g/j les 3 premiers jours, puis 2 fois/j jusqu'à J100. Huit patients sur 10 ont pris plus de 70 % de la dose de RPS. L'étude des selles a été réalisée à J−7, J5, J14 et J100. Il n'a pas été noté d'effets indésirables particuliers. Un patient a développé une GVHa de grade 2. L'étude du microbiote a retrouvé plus de bactéries ayant la capacité de dégrader l'amidon et de bactéries productrices de butyrate. Les échantillons ont été comparés à ceux de patients témoins. Le niveau de butyrate était significativement plus élevé chez les patients ayant pris du RPS. La phase II est en cours et a pour objectif de rechercher une diminution de la GVH en modifiant le microbiote intestinal et ses métabolites par l'apport de RPS.
Une étude du MSKCC a évalué l'impact de l'exposition aux antibiotiques et du régime alimentaire sur le microbiote de 1 076 patients allogreffés (Nguyen C et al., abstr. 597). Sur 7 930 échantillons de selles, 10 clusters de bactéries ont pu être identifiés (figure 5). Tout d'abord, il a été montré que l'exposition à l'association pipéracilline + tazobactam entraînait la disparition de différents clusters de bactéries et augmentait la transition vers le cluster Streptococcus. Puis une enquête nutritionnelle approfondie évaluant le nombre de calories, de protéines et de lipides a été réalisée chez 46 patients, et un total de 242 échantillons de selles a pu être analysé. Finalement, la consommation de protéines était associée à une diminution de la diversité des clusters, alors que la prise de lipides stabilisait leur forte diversité. Cet important travail renforce l'importance de la composition du régime alimentaire, des effets des antibiotiques sur le microbiote intestinal et des conséquences de ces approches thérapeutiques sur le devenir des patients.
Les papy-boomers sont-ils aptes à l'allogreffe ?
L'âge reste une composante majeure dans la décision de réaliser une allo-CSH, en raison de la mortalité liée à la transplantation augmentée dans les populations plus âgées. Il est plus juste de parler d'“âge physiologique”, même si cette donnée reste dépendante de l'évaluateur. N. Polverelli et al. (abstr. 41) ont testé le score Lymphoma Italian Foundation (FIL), une approche multidimensionnelle intégrant un score de comorbidité gériatrique et un score évaluant les activités du quotidien, chez 228 patients de plus de 60 ans, allogreffés entre 2009 et 2018. La médiane d'âge était de 64 ans (extrêmes : 60-76). La moitié des patients étaient traités pour une leucémie aiguë, et l'autre moitié étaient en rémission complète. À 2 ans, la NRM, l'incidence à la rechute et la SG étaient respectivement de 25, 36 et 49 %. Le score FIL a été mesuré chez 215 patients, permettant de les classer en “aptes” (58 %) ou “inaptes” (42 %). Le score de Sorror (HCI-CI) était disponible chez 222 patients (97 %). De façon intéressante, le score de Sorror ne permettait pas de déterminer le devenir des patients, alors que le score FIL était associé, chez les patients aptes, à une amélioration de la SG (respectivement 66 et 59 % à 2 et 5 ans), tandis que les patients considérés comme inaptes avaient, à ces mêmes échéances, une SG de 32 et 30 % (p < 0,0001) (figure 6). L'IC de la rechute était comparable dans les 2 groupes, alors que la NRM à 2 ans était significativement augmentée dans le groupe inapte (28 %) comparativement au groupe apte (13 %) (p < 0,0001). Cet outil, déjà validé dans d'autres pathologies, semble tout à fait intéressant dans la pratique clinique pour aider à la décision d'allogreffe chez les sujets âgés.■