Le cru 2019 n'a pas comporté de scoop notable, mais on peut retenir le boom de l'immunothérapie dans le myélome multiple (MM). L'anticorps monoclonal anti-CD38 remonte en première ligne avec le daratumumab, premier représentant de cette classe, et est d'emblée développé en sous-cutané avec le TAK-079. Le CAR-T anti-BCMA JNJ-4528 a obtenu pendant l'ASH une approbation accélérée de la FDA pour “avancée notable”, et les anticorps bispécifiques sont très prometteurs, avec le CC-93269.
En première ligne, les quadruplettes ont le vent en poupe chez le sujet jeune. L'association daratumumab + VMP (bortézomib + melphalan + prednisone) améliore la survie globale (SG) chez le sujet âgé. En rechute, l'association daratumumab + Kd (carfilzomib + dexaméthasone) est efficace chez les patients réfractaires au lénalidomide, et le vénétoclax, chez les patients avec t(11;14).
Pour les autres maladies plasmocytaires, l'association KRd (carfilzomib + lénalidomide + dexaméthasone) est très prometteuse dans les leucémies à plasmocytes, et l'ixazomib associé à la dexaméthasone est efficace dans l'amylose AL.
Immunothérapie
Au cours des derniers mois, nous avons assisté à une explosion de nouvelles approches d'immunothérapie dans le MM, en dehors des anticorps monoclonaux anti-CD38 ou anti-SLAM-F7, avec les anticorps bispécifiques, les anticorps conjugués et, bien sûr, les CAR-T cells. Ces nouvelles approches ont représenté une part importante de l'actualité du MM lors de ce congrès de l'ASH.
TAK-079 : un nouvel anticorps anti-CD38 sous-cutané
Le terrain des anticorps monoclonaux anti-CD38 est déjà bien occupé par le daratumumab et l'isatuximab. Cependant, les résultats d'un nouveau venu dans cette catégorie, le TAK-079, sont intéressants à rapporter (Krishnan A et al., abstr. 140). Il s'agit d'un anticorps de type IgG1 λ ciblant le CD38 administré par voie sous-cutanée dans un petit volume de 2 mL. L'étude de phase Ib rapportée a évalué cette molécule en monothérapie chez des patients atteints d'un MM en rechute (n = 34). L'efficacité semble proche de celle obtenue avec les autres anticorps anti-CD38. Le point important est l'absence de réaction à l'injection, qui laisse envisager une possible administration à domicile par auto-injection.
CC-93269 : un bispécifique anti-BCMA extrêmement prometteur
Les anticorps bispécifiques reconnaissent un antigène sur la cible tumorale et le CD3 sur les lymphocytes T. Dans le MM, nous avions entendu, lors du dernier congrès de l'ASH, les résultats prometteurs de l'AMG-420, un bispécifique de type BiTE® (bispécifique scFv), ciblant à la fois le CD3 et le BCMA (B-cell maturation antigen), un antigène régulièrement exprimé par les plasmocytes (Topp et al., abstr. 1010, ASH 2018). Bien qu'ayant démontré des taux de réponses importants en phase I, cet anticorps présente 2 facteurs limitants : une administration en perfusion continue 4 semaines sur 6 (liée à son format de scFv), peu pratique pour les patients, et un risque infectieux, avec 2 décès (aspergillose et adénovirus). Cette année, L. Costa et al. (abstr. 143) ont présenté les résultats d'un essai de phase I ayant évalué le CC-93269, un anticorps monoclonal bispécifique humanisé avec 2 sites de reconnaissance du BCMA et un site de reconnaissance du CD3 (figure 1). Les résultats de la cohorte d'escalade de doses (n = 30) ont été présentés. Le CC-93269 était administré par voie intraveineuse 1 fois par semaine pendant 3 cycles, puis tous les 15 jours pendant 3 cycles, puis 1 fois par mois (cycles de 28 jours). Les patients de cet essai avaient reçu en médiane 5 lignes de traitement antérieures, et les deux tiers étaient réfractaires aux 3 classes approuvées : inhibiteurs du protéasome (IP), agents immunomodulateurs et anti-CD38. En termes de tolérance, les principales toxicités observées étaient hématologiques (43 % de neutropénies de grade > 3) et la survenue d'un syndrome de relargage cytokinique (SRC) (76 % des patients, dont seulement 1 cas de grade > 3). Enfin, 30 % des patients ont développé une infection de grade supérieur à 3 au cours de l'étude. En ce qui concerne l'efficacité, malgré un suivi court, les résultats sont très prometteurs. En effet, le taux de réponse globale (RG) est de 43 %, dont 17 % de réponses complètes (RC) (figure 2). Pour les patients ayant reçu la dose de 10 mg (n = 9), le taux de RG est de 88,9 %, dont 44,4 % de RC. Ces résultats confortent le grand intérêt des bispécifiques pour le traitement du MM avec, pour cette molécule, l'intérêt d'une meilleure pharmacocinétique.
JNJ-4528 : des données consolidées
Deux CAR-T ciblant le BCMA arrivent actuellement en essai de phase III pour le traitement du MM en rechute, le bb2121 et le JNJ-4528. Ce dernier est le même CAR que le JNJ-4528 (ou LEGEND), “molécule” chinoise dont les résultats avaient été rapportés à l'ASH 2018. Il s'agit d'un CAR avec 2 domaines de liaison au BCMA : un domaine de signalisation CD3ζ et un domaine de costimulation 4-1BB. B.Y. Wang a présenté cette année l'actualisation de l'essai LEGEND-2 de phase II avec un suivi médian de maintenant 25 mois (Wang BY et al., abstr. 579). Pas de nouveau signe de toxicité décrit, avec un SRC présent chez 90 % des patients, essentiellement de grade 1 ou 2. Concernant l'efficacité, la survie sans progression (SSP) médiane est de 19,9 mois, ce qui est encourageant pour des patients ayant reçu 3 lignes antérieures en médiane, et en majorité déjà exposés aux IP et aux IMiD (figure 3).
La version américaine de cette étude chinoise est l'étude de phase Ib/II CARTITUDE-1, rapportée lors de la même session (Madduri D et al., abstr. 577). Son objectif principal était d'évaluer la tolérance et de confirmer la dose préalablement établie par l'étude LEGEND. La population de l'étude (n = 29) était néanmoins différente, avec des patients ayant reçu en médiane plus de 5 lignes antérieures et dont 86 % étaient triple réfractaires (IP, IMiD et anti-CD38). Les patients ont reçu une dose médiane de 0,73 × 106 cellules T modifiées par kilogramme, après une lymphodéplétion par fludarabine et cyclophosphamide. Pas de scoop sur les données de tolérance, avec un SRC quasi constant survenant en médiane à J7, de grade 2 principalement. Il faut noter 1 décès attribué à un syndrome d'activation macrophagique, mais survenu dans un contexte de choc septique ayant conduit à une hospitalisation en réanimation. Seuls 3 patients ont présenté une neurotoxicité, dont 1 cas de grade supérieur à 3. Concernant l'efficacité, le taux de RG est de 100 %, dont 69 % de RC. Après un suivi médian de 6 mois, 27 patients sur 29 sont en vie sans rechute. Ces résultats sont donc très prometteurs. Le développement de ce CAR-T est très rapide, avec une deuxième phase II (CARTITUDE-2) démarrant aux États-Unis et pouvant s'étendre en Europe, et un essai de phase III (CARTITUDE-4) qui va débuter dans les prochains mois avec plusieurs centres en France.
Vers des CAR-T de nouvelle génération
Malgré les excellents résultats de ces CAR-T ciblant le BCMA (bb2121 et JNJ-4528), tous les patients semblent rechuter. Un des éléments favorisant la récidive serait l'absence de persistance des CAR-T après plusieurs semaines.
Différentes pistes sont actuellement à l'étude pour améliorer ce problème. La première est le développement de CAR-T totalement humains. En effet, un des mécanismes impliqués dans la non-persistance des CAR est l'apparition d'une réponse humorale dirigée contre ces CAR construits avec un scFv murin. C'est le principe du CT103A, un CAR-T anti-BCMA possédant un scFv fully human avec 4-1BB comme molécule de costimulation (Li C et al., abstr. 582). Ce CAR a été évalué dans un essai de phase I d'escalade de doses. Les résultats sont encore préliminaires, mais le taux de réponses est excellent. De manière intéressante, 4 patients de cette étude avaient reçu précédemment un traitement par CAR-T anti-BCMA murin. Or, ces 4 patients ont tous répondu, et 3 ont obtenu une rémission complète. Néanmoins, cette piste de l'humanisation du scFv pour améliorer la persistance du CAR doit faire ses preuves dans une pathologie caractérisée par une réduction de l'immunité humorale.
Une autre piste pour améliorer l'efficacité des CAR-T est de cultiver les cellules avec un inhibiteur de PI3K, afin d'augmenter la proportion de cellules T-mémoire, de manière à prolonger leur survie et améliorer la durée de la réponse. C'est le principe du CAR-T bb21217, même CAR que le bb2121, mais cultivé avec un inhibiteur de PI3K, le bb007 (Berdeja J et al., abstr. 927). Dans cet essai, l'enrichissement en cellules mémoire semblait en effet associé à une meilleure expansion des CAR et à un risque plus faible de progression à 6 mois. La cohorte d'extension avec une dose de 450 millions de cellules est en cours.
Enfin, après les CAR-T et les anticorps bispécifiques, il fallait s'attendre au développement des CAR-T bispécifiques. C'est chose faite avec la présentation par C. Li et al. (abstr. 930) des résultats d'un CAR-T ciblant à la fois le BCMA et le CD38. Le suivi médian est encore court, mais les résultats sont très encourageants : 91 % de RG et 12 patients sur 22 en rémission complète stringente. À 9 mois, la probabilité de SSP était de 79 %.
Progrès dans l'évaluation de la réponse
L'évaluation de la réponse dans le MM repose sur la quantification des plasmocytes médullaires et sur la quantification de la protéine monoclonale. Pour l'évaluation des plasmocytes tumoraux, la cytologie a été dépassée par les techniques de maladie résiduelle (MRD) par cytométrie en flux ou next-generation sequencing, permettant d'atteindre un seuil de détection de 10−6. Ces 2 techniques ont leurs limites : l'évaluation médullaire a pour limite son caractère focal, possiblement non représentatif de l'hétérogénéité de la maladie, alors que l'évaluation de la protéine monoclonale par immunofixation a pour limite son manque de sensibilité. Ces 2 écueils ont été abordés durant le congrès.
Au cours des dernières années, le TEP-scanner a démontré sa valeur pronostique dans le MM, à la fois au diagnostic et pour l'évaluation de la réponse. P. Moreau (abstr. 692) a présenté les résultats de l'étude CASSIOPET, étude compagnon de l'essai CASSIOPEIA qui a montré l'intérêt du daratumumab en première ligne dans le contexte de la greffe. Dans cet essai, 268 patients ont pu être évalués par TEP-scanner, avant traitement et à la fin de la consolidation. La première conclusion est que les patients ayant une TEP négative au diagnostic (20 %) ont une meilleure SSP. Cette étude confirme également la valeur pronostique négative de la présence d'une maladie extramédullaire, mais aussi paramédullaire, sur la TEP initiale. Au seuil de 10−5, une concordance faible entre la MRD et la réponse TEP est retrouvée. Enfin, les patients à la fois MRD négatifs et TEP négatifs ont une meilleure SSP. Cet essai confirme la valeur pronostique du TEP-scanner dans le MM, de manière complémentaire à la MRD.
En ce qui concerne l'évaluation de la réponse biochimique, N. Puig (abstr. 581) a présenté des données sur la spectrométrie de masse, une technique permettant d'identifier la protéine monoclonale de manière très spécifique et très sensible. Cette technique a été évaluée de manière prospective dans le cadre de l'essai GEM-CESAR, essai espagnol dédié aux patients atteints de MM indolent. Les résultats ont montré que la technique est faisable et plus sensible que l'immunofixation classique. L'évaluation par spectrométrie et MRD en cytométrie en flux (seuil : 10−5) était discordante chez près d'un tiers des patients. Le recul de l'essai est encore trop court pour évaluer le pouvoir prédictif de la spectrométrie sur la SSP.
Traitements de la rechute
Chez les patients en rechute après lénalidomide : excellents résultats du daratumumab + Kd
En rechute, le carfilzomib et le daratumumab sont actuellement remboursés en association (KRd et Kd, daratumumab + Rd et daratumumab + Vd (bortézomib + dexaméthasone)). L'association daratumumab + Kd avait montré des résultats prometteurs en SSP dans l'étude de phase Ib, notamment dans le sous-groupe des patients réfractaires au lénalidomide. Clôturant la session des late-breaking abstracts, S.Z. Usmani (LBA-6) a présenté les résultats de l'étude de phase III CANDOR comparant le DKd (daratumumab + carfilzomib + dexaméthasone) (n = 312) au Kd (carfilzomib + dexaméthasone) (n = 154) chez les patients en rechute après 1 à 3 lignes de traitement. L'objectif principal était la SSP, avec une analyse de la MRD à 12 mois (figure 4). Après un suivi médian de 17 mois, la SSP médiane n'est pas atteinte dans le bras DKd, versus 15,8 mois dans le bras Kd (HR = 0,63 ; p = 0,0014) chez tous les patients. Chez les patients réfractaires au lénalidomide, la SSP n'est pas atteinte, versus 11,1 mois (HR = 0,45) (figure 5). Les taux de réponse sont plus importants avec le DKd, et en particulier la MRD 10−5 (17,6 versus 3,9 %). La toxicité est celle attendue avec le carfilzomib, notamment sur le plan cardiaque (3,9 % d'insuffisances cardiaques de grade 3 dans le bras DKd et 8,5 % dans le bras Kd) et infectieux (28,9 et 15,7 % d'infections respiratoires de grade 3, respectivement). Il faut noter 5 décès, dont 1 arrêt cardiorespiratoire dans le bras DKd, et 4 infections. Ce traitement de rechute efficace est attendu chez les patients exposés ou réfractaires au lénalidomide, mais sa toxicité, connue, nécessite un suivi cardiovasculaire particulier et une prophylaxie anti-infectieuse systématique.
Vénétoclax : première thérapie ciblée ?
Le vénétoclax est le premier BH3-mimétique s'opposant à la protéine antiapoptotique BCL2. Son efficacité a été démontrée dans le MM en rechute en monothérapie, surtout chez les patients avec t(11;14) et un haut rapport BCL2/Bcl-XL. Les IP inhibant, via NOXA, la MCL-1, autre protéine antiapoptotique, l'association vénétoclax + bortézomib a été testée dans l'étude de phase III BELLINI. Présentée à l'IMW 2019, l'étude a fait l'objet d'une actualisation en poster (Moreau P et al., abstr. 1888) et d'une présentation orale pour l'analyse des sous-groupes t(11;14)/BCL2 élevé (Harrison S et al., abstr. 142). 194 patients ont été randomisés dans le bras vénétoclax, et 97 dans le bras placebo. Une t(11;14) était présente chez 13 % des patients, et 79 % avaient un taux de BCL2 élevé en immunohistochimie. Avec un suivi médian de 22,7 mois, la SSP médiane est de 22,9 mois dans le bras vénétoclax, contre 11,5 mois (HR = 0,59 ; p = 0,001), et des taux de réponse supérieurs dans le bras vénétoclax avec un taux de MRD 10-5 négative de 13 % contre 1 %. La SG est en faveur du placebo (HR = 1,47) en raison de la surmortalité infectieuse dans le bras vénétoclax (14/51 décès liés au traitement, contre 1/19 (20 %), dans le bras placebo). Si l'on considère uniquement les patients avec une t(11;14) : la SSP médiane est non atteinte versus 9,3 mois et la SG est en faveur du vénétoclax. La population t(11;14) fait donc actuellement l'objet d'études de phases I/II d'escalade de doses pour les associations vénétoclax + dexaméthasone (Ven-d) (Kaufman J et al., abstr. 926), Ven-d + daratumumab avec ou sans bortézomib (Bahlis N et al., abstr. 925). Les patients porteurs d'une t(11;14) pourront bénéficier prochainement du traitement par vénétoclax dans le cadre d'une ATU.
Traitements de première ligne
Sujets non éligibles à la greffe
L'association daratumumab + VMP améliore la SG
L'étude ALCYONE, publiée dans le New England Journal of Medicine(Mateos MV et al. N Engl J Med 2018) avec un suivi médian de 16,5 mois, montrait une amélioration de la SSP par l'adjonction du daratumumab au schéma bortézomib + melphalan + prednisone. Son actualisation présentée par M.V. Mateos (abstr. 859) montre, pour la première fois, des résultats de SG. Pour rappel, l'étude a inclus 706 patients, randomisés entre 9 cycles de VMP (n = 356) et 9 cycles de daratumumab + VMP (n = 350) suivis de daratumumab mensuel jusqu'à progression. Le critère principal était la SSP. L'actualisation avec un suivi médian de 40 mois a confirmé l'avantage en taux de réponses et de MRD négative et la réduction du risque de rechute (SSP médiane : 36,4 versus 19,3 mois ; HR = 0,42 ; p < 0,0001). Surtout, elle a montré une réduction du risque de décès de 40 % dans le bras daratumumab + VMP (HR = 0,60 ; p = 0,0003) avec une tolérance équivalente dans les 2 bras, sans toxicité supplémentaire avec l'entretien. La SG estimée à 42 mois est de 75 % dans le bras daratumumab + VMP versus 62 % dans le bras VMP.
L'actualisation de l'étude jumelle MAIA (daratumumab + Rd versus Rd), publiée elle aussi dans le New England Journal of Medicine(Facon T et al. N Engl J Med 2019), a été présentée en poster (Bahlis N et al., abstr. 1875) avec un suivi médian de 36,4 mois. L'avantage en SSP se confirme, avec une médiane qui n'est pas atteinte dans le bras daratumumab + Rd et de 33,8 mois dans le bras Rd (HR = 0,56 ; p < 0,001), et un taux de MRD 10−5 négative persistante de 15 versus 4 % à 6 mois et de 11 versus 2 % à 1 an. La médiane de SG n'est pas atteinte dans le bras daratumumab-Rd, et elle est de 47,3 mois dans le bras Rd (HR = 0,69 ; p = 0,0079), qui est un excellent bras de référence. En rechute, la mise à jour de l'étude POLLUX (Kaufman JL et al., abstr. 1866) a été présentée en poster avec un suivi médian de 51,3 mois. La SSP est de 45,8 mois dans le bras daratumumab + Rd contre 17,5 (HR = 0,43) dans le bras Rd pour l'ensemble des patients ; elle est de 53,3 mois contre 19,6 (HR = 0,43) pour les patients en première rechute. L'association daratumumab + Rd en première ligne vient d'obtenir l'AMM européenne ; au vu des résultats, gageons que son remboursement permettra de la préférer à l'association daratumumab + VMP.
Un traitement de première ligne adapté à la fragilité ?
Les arrêts de traitement dus aux effets indésirables sont responsables d'une survie inférieure chez les sujets fragiles. L'étude de phase II du HOVON, présentée par S. Zweegman et al. (abstr. 695) comportait 9 cycles d'induction associant ixazomib 4 mg à J1, J8 et J15, daratumumab selon le schéma classique, et dexaméthasone administrée avec le daratumumab (20 mg à C1 et C2 puis 10 mg à partir de C3), suivis d'un entretien avec ixazomib et daratumumab + dexaméthasone pendant au maximum 2 ans. Les résultats de cette deuxième analyse intermédiaire chez les 23 premiers patients sur les 66 inclus dans chaque bras (unfit et frail) ont montré un taux de RG, après induction, comparable dans les 2 populations. En revanche, la SSP médiane (avec un suivi médian de13 mois) est de 23 mois chez les sujets unfit et de 12 mois chez les sujets frail (figure 6). La toxicité de grade 4 est surtout hématologique. On note en revanche 8 décès (9 %) chez les sujets frail et 1 seul décès précoce, par progression, chez les sujets unfit. Ces résultats semblent confirmer l'intérêt de diminuer, voire de supprimer, la dexaméthasone chez les patients âgés fragiles, ce que va tester l'étude IFM 2017-03 qui compare lénalidomide + dexaméthasone à daratumumab + lénalidomide dans cette population.
Sujets éligibles à la greffe
Les quadruplettes bientôt disponibles en induction ?
L'association daratumumab + VTD a prouvé sa supériorité dans l'étude CASSIOPEIA récemment publiée (Moreau P et al. Lancet 2019), et, après l'approbation de la FDA, elle vient d'obtenir un avis positif du CHMP en Europe ouvrant la voie à une AMM pour l'induction et la consolidation dans le contexte de l'autogreffe. L'étude de phase II GRIFFIN, présentée par P. Voorhees et al. (abstr. 691), a randomisé 207 patients pour une induction par 4 cycles de VRD (n = 103) ou de daratumumab + VRD (n = 104), suivie par une consolidation (2 cycles de VRD ou de daratumumab + VRD) et un entretien par lénalidomide avec ou sans daratumumab pendant 2 ans (figure 7). L'actualisation des premiers résultats présentés à l'ASH 2018, avec un suivi médian de 22,1 mois, a montré un taux de RC stringente postconsolidation (critère principal) de 42,4 % dans le bras daratumumab + VRD versus 32 % dans le bras VRD (p = 0,068), un taux de RG de 99 versus 94 % (p = 0,016) et de RC ou mieux de 51,5 versus 42,3 % et un taux de MRD minimale (MRD 10−5) négative de 51 contre 20,4 % (62 et 32,2 % chez les patients en RC) (figure 8). La SSP et la SG sont excellentes dans le bras daratumumab + VRD (96 % à 2 ans). Le nombre médian de cellules souches collectées est le même dans les 2 bras, ainsi que le délai médian de sortie d'aplasie. La tolérance est celle attendue, avec plus de neutropénies, de thrombopénies et d'infections respiratoires dans le bras daratumumab + VRD, mais un taux d'infections de grade 3-4 identique dans les 2 bras. Les résultats de la phase III PERSEUS de l'EMN (European Myeloma Network), dont les inclusions sont terminées et qui évalue la même quadruplette, sont donc très attendus.
L. Costa et al. (abstr. 860) ont présenté les résultats de l'association daratumumab + carfilzomib + lénalidomide + dexaméthasone (daratumumab + KRd), dont l'objectif principal était l'obtention d'une MRD 10−5 négative. Sur les 67 patients analysables, le taux de MRD négative est de 40 % chez les 67 patients qui ont complété l'induction et de 82 % chez les 38 patients en post-consolidation, ce qui confirme l'effet sur l'amélioration de la réponse moléculaire par l'adjonction d'un anti-CD38 aux triplettes associant IP, IMiD et dexaméthasone.
KRd : un traitement efficace et relativement bien toléré dans la leucémie à plasmocytes
Les leucémies à plasmocytes sont des maladies rares de très mauvais pronostic, avec une survie médiane de 36 mois avec les traitements actuels. Dans l'étude de phase II EMN12/HOVON 129, les patients de moins de 65 ans recevaient 4 cycles de KRd classique (carfilzomib 20/27 mg/m2), 2 autogreffes (ou un tandem auto/allo pour les patients éligibles), une consolidation par KRd et un entretien par carfilzomib 27 mg/m2 J1 et J2, J15 et J16 et lénalidomide 10 mg J1-J21, par cycles de 28 jours. Les patients de 66 ans ou plus recevaient 8 cycles de KRd puis le traitement d'entretien. N. Van De Donk et al. (abstr. 693) ont présenté les résultats de la première analyse intermédiaire chez les 15 premiers patients de moins de 65 ans inclus en 3 ans et demi (21 ≤ 65 ans et 12 ≥ 66 ans). Il s'agissait de maladies agressives avec une atteinte osseuse (67 % des patients), un ECOG à 3 (27 %), un ISS3 (67 %), une atteinte extramédullaire (20 %) et une cytogénétique de haut risque (del(17p), del(1p) et amp(1q) chez la moitié des patients). Un seul patient n'a pu recevoir les 4 cycles d'induction, en raison d'une progression après C3. La réponse après induction comporte 5 RC stringentes (33 %), 12 ≥ TBRP (80 %) et 14 ≥ RP (93 %) (figure 9). La toxicité était observée essentiellement au cours du premier cycle : une infection de grade 3, un infarctus de grade 3 et une insuffisance cardiaque de grade 2. Il n'y a pas eu d'arrêt de traitement pour toxicité ni de décès. Ce schéma s'avère rapidement efficace et diminue les décès précoces dans cette maladie ; il est donc très prometteur chez les patients éligibles à un traitement intensif.
Et si on parlait d'amylose ?
Ixazomib : l'autre inhibiteur du protéasome de l'amylose AL ?
Aucune molécule n'a l'AMM dans l'amylose AL, mais la maladie a bénéficié de l'apport majeur du bortézomib, utilisé dans le cadre d'une RTU en première ligne et, plus récemment, du daratumumab en rechute, pour lequel les résultats de l'étude de phase II AMYDARA ont été rapportés à l'ASH 2017.
L'étude TOURMALINE-AL1, présentée cette année (Dispenzieri A et al., abstr. 139), a randomisé des patients souffrant d'une amylose cardiaque et/ou rénale après 1 à 2 lignes de traitement entre un schéma ixazomib (4 mg J1, J8 et J15) + dexaméthasone (20 mg hebdomadaire) (n = 85) et un traitement au choix de l'investigateur (lénalidomide + dexaméthasone : 47, M-Dex (melphalan + dexaméthasone) : 24, cyclophosphamide + dexaméthasone : 10, thalidomide + dexaméthasone : 2). Avec un suivi médian de 45 mois, l'objectif principal n'est pas atteint, puisque le taux de RG est identique dans les 2 bras (53 versus 51 %). En revanche, il y a plus de RC (26 versus 18 %) et la durée de la réponse est plus longue (46,5 versus 20,2 mois) dans le bras ixazomib (figure 10). Surtout, il y a plus de réponses d'organes (OR = 4,23 et p = 0,008 pour le cœur ; OR = 5,05 et p = 0,0004 pour le rein), et la détérioration survient plus tardivement (34,8 versus 26,1 mois).
Cette étude pose toutefois la question du bras de référence, non optimal, et de la tolérance du traitement, avec 82 % d'événements indésirables, dont 60 % de grade 3 ou plus (asthénie, œdèmes des membres inférieurs, rash, nausées, diarrhée et insomnies).
Daratumumab : un excellent traitement de l'amylose AL
Le daratumumab donne un taux de RG de 55 % (dont 47,5 % de TBRP) chez des patients plus avancés et est très bien toléré dans l'étude AMYDARA. Cela se confirme dans l'étude rétrospective chez 84 patients rapportée par l'équipe de Stanford en poster (Chung A et al., abstr. 1828). Le daratumumab peut par ailleurs être interrompu chez les patients en RC hématologique sans risque majeur de rechute, d'après les mêmes auteurs, et être repris avec efficacité si nécessaire (Chung A et al., abstr. 1884). Les résultats de l'étude de phase III ANDROMEDA, qui compare VCd (bortézomib + cyclophosphamide + dexaméthasone) à VCd + daratumumab, sont donc attendus avec impatience.■