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Dossier

Première ligne : patients éligibles à l'autogreffe


(pdf / 200,44 Ko)

Étude STaMINA : actualisation des résultats, intérêt de la double autogreffe chez les patients à haut risque cytogénétique, des interrogations sur la durée d'entretien par lénalidomide

H. Parameswaran et al. (abstr. 8506) ont présenté une actualisation de l'étude STaMINA (Stem Cell Transplantation for Multiple Myeloma Incorporating Novel Agents). Cette étude américaine a inclus 758 patients éligibles à un traitement intensif. Ils étaient inclus dans le protocole après le traitement d'induction, qui était libre. Tous étaient traités par une autogreffe conditionnée par melphalan 200 mg/m2 puis randomisés en 3 bras :

  • pas de consolidation (bras lénalidomide, n = 257) ;
  • 4 cycles de consolidation par bortézomib + lénalidomide + dexaméthasone (bras VRd, n = 254) ;
  • 2e autogreffe (bras double auto, n = 247).

Tous les patients recevaient un traitement d'entretien par lénalidomide pendant 3 ans. Un amendement déposé en 2014 a autorisé la poursuite du lénali­domide jusqu'à progression. Les premiers résultats, qui avaient été présentés au Myeloma Workshop de Delhi en 2017 et publiés en 2019 [1], ne montraient pas de différence de survie sans progression (SSP) à 38 mois entre les 3 bras de traitement sur l'analyse en intention de traiter (ITT). L'actualisation avec 6 ans de recul confirme ces résultats négatifs et l'absence de différence de SSP et de survie globale (SG) sur l'analyse en ITT. La SSP à 6 ans est de 40,9 % (bras lénalidomide), 39,7 % (bras VRd) et 43,9 % (bras double auto) (figure 1). La survie à 6 ans est respectivement de 76,4 %, 74,9 % et 73,1 %. Les résultats négatifs de l'étude STaMINA s'expliquent probablement par plusieurs caractéristiques de cette étude. Les modalités du traitement d'induction étaient libres. La durée du traitement d'induction était très hétérogène, avec des extrêmes allant de 2 à 12 mois. Il est probable que l'impact du traitement de consolidation soit négligeable après un traitement d'induction prolongé. Les analyses de sous-groupes en fonction de la durée du traitement d'induction n'ont pas été présentées. Par ailleurs, une des difficultés de cette étude est que le respect des ­procédures de traitement du protocole était moins optimal dans les bras double auto et VRd : 32 % des patients (n = 80) du bras double auto n'ont pas pu recevoir la deuxième autogreffe et 11,8 % des patients du bras VRd n'ont pas pu recevoir les 2 cycles de VRd. D'autre part, le traitement d'entretien n'a pu être instauré que chez 83,4 % des patients du bras double auto et 83,1 % des patients du bras VRd, alors qu'il a pu être instauré chez 94,6 % des patients du bras lénalidomide. L'impact de ces différences de respect des procédures est illustré par les résultats de l'analyse per protocole, qui montrent une tendance à une meilleure SSP à 5 ans dans le bras double auto (53,6 %) par rapport au bras lénalidomide (42,3 %) et au bras VRd (44,3 %) (figure 2).

Cette étude est toutefois intéressante, et 2 résultats méritent d'être soulignés. Les analyses de sous-groupes confirment l'impact positif de la double autogreffe chez les patients à haut risque. Ainsi, en analyse per protocole (analyse ne prenant en compte que les patients ayant effectivement reçu le traitement prévu par la randomisation), le bénéfice de la double autogreffe n'est observé que dans le sous-groupe des patients à haut risque. La SSP est supérieure dans le bras double auto (43,7 %) comparativement au bras lénalidomide (32 %) et au bras VRd (37,3 %) (p = 0,03). Ces résultats confirment les données de l'étude EMN02/HO95 MM [1], dont une analyse de sous-groupes montrait également un bénéfice de la double autogreffe chez les patients à haut risque. L'autre résultat intéressant de cette actualisation concerne la durée d'entretien par lénalidomide. Initialement, la durée de traitement d'entretien prévue était de 38 mois. Compte tenu des résultats du CALGB-100104, les investigateurs ont décidé de déposer un amendement pour que le lénalidomide puisse être administré jusqu'à progression à partir de 2014. Le suivi prolongé permet d'obtenir des données sur l'évolution à long terme de 215 patients ayant poursuivi le lénalidomide jusqu'à progression et de 207 patients ayant stoppé le lénalidomide après 38 mois. L'analyse multivariée trouve un impact négatif de l'arrêt du lénalidomide sur la SSP, avec un hazard-ratio de 3,82 (IC95 : 2,8-5,1 ; p < 0,0001). La SSP à 6 ans est supérieure chez les patients ayant poursuivi le lénalidomide (79,5 contre 61,0 %) (figure 3). L'analyse de sous-groupes montre que ce bénéfice de SSP n'est observé que chez les patients à risque standard (n = 303 ; SSP : 86,3 contre 66,7 % ; p < 0,001) et qu'il n'y a pas de différence significative chez les patients à haut risque (n = 117 ; SSP médiane : 67,8 contre 86,7 % ; p = 0,2). Autre information importante, le traitement prolongé par lénalidomide ne s'accompagne pas d'une augmentation des cas de cancer secondaire.

Étude CONCEPT : l'association isatuximab + carfilzomib + lénalidomide + dexaméthasone est très efficace en induction chez les patients à haut risque cytogénétique

L'association anti-CD38 + carfilzomib + lénalidomide + dexaméthasone semble très efficace en induction, comme l'ont montré les résultats présentés par O. Landgren et L.J. Costa à l'ASH en 2019 avec le daratumumab [3, 4]. Elle paraît donc être un candidat de choix pour le traitement d'induction des patients à haut risque cytogénétique. Les résultats préliminaires de l'étude CONCEPT ont été présentés par K. Weisel (abstr. 8508). Il s'agit d'une étude de phase II dédiée aux patients à haut risque cytogénétique. 117 patients éligibles à un traitement intensif ont été inclus. Le schéma de traitement associait 6 cycles d'induction par isatuxi­mab + carfilzomib + lénalidomide + dexaméthasone (Isa-KRd), une autogreffe, 4 cycles de consolidation par Isa-KRd puis un entretien par Isa-KR. Les résultats présentés concernent l'évaluation après induction chez les 50 premiers patients inclus (46 patients éligibles). 26 patients (52 %) avaient une del(17p), 21 patients (42 %), un gain 1q21 et 19 patients (38 %), une t(4;14). Le taux de réponse est de 100 %, avec 90 % de très bonne réponse partielle (TBRP) et 46 % de réponse complète (RC). La maladie résiduelle (MRD) a été évaluée après le traitement d'induction chez 33 patients (cytométrie en flux avec une profondeur de 10−5). La MRD est négative chez 20 patients (60 %). Les données de tolérance sont satisfaisantes. On retiendra notamment des réactions à la perfusion observées chez 16 patients (32 %), une hypertension artérielle chez 6 patients (12 %), une insuffisance cardiaque chez 2 patients (4 %) et une neuropathie périphérique chez 8 patients (16 %). En ce qui concerne le recueil de cellules souches, une mobilisation par cyclophosphamide/G-CSF était prévue. Sept patients ont dû recevoir du plérixafor, et la mobilisation a été difficile chez 4 patients. Les auteurs indiquent que pour la suite du protocole, la mobilisation de cellules souches sera prévue après le 3e cycle.

Commentaire

Les données s'accumulent en faveur d'une double autogreffe chez les patients à haut risque. Il est difficile de comparer les résultats des différentes études, car les critères de haut risque diffèrent en fonction des proto­coles. Néanmoins, les résultats de l'étude STaMINA confirment ceux de l'étude EMN02/HO95 MM et suggèrent le bénéfice d'une double autogreffe chez les patients à haut risque. En pratique quotidienne, il paraît donc aujourd'hui légitime d'envisager une double autogreffe chez nos patients à haut risque. Reste à bien définir le risque cytogénétique. Quelles anomalies doivent être recherchées en routine ? Peut-on se contenter de la présence d'une t(4;14) pour considérer un patient à haut risque ? A. Perrot a récemment publié au nom de l'Intergroupe francophone du myélome (IFM) une proposition de nouveau score cytogénétique [5]. Dans ce score, le poids de la t(4;14) est faible et une t(4;14) isolée n'est plus considérée comme un critère suffisant de haut risque. Cela promet de belles discussions en RCP…

Bien entendu, le bénéfice de la double autogreffe chez les patients à haut risque cytogénétique devra être remis en question avec l'amélioration des traitements d'induction, notamment avec l'arrivée (nous l'espérons prochaine) des quadruplettes anti-CD38/inhibiteurs du protéasome/IMiD/dexaméthasone. Ainsi, les résultats de l'étude CONCEPT montrent que le traitement d'induction par Isa-KRd donne d'excellents résultats chez les patients à haut risque. Avec un traitement d'induction aussi efficace, le bénéfice de la double autogreffe sera-t-il toujours présent ? Seul l'avenir nous permettra de répondre à cette question.

Les résultats du suivi à long terme de l'étude STaMINA interrogent sur la durée d'entretien par lénalidomide. La recommandation de l'IFM est de prescrire le lénalidomide en entretien pendant 2 ans [6]. Faut-il reconsidérer cette recommandation ? Les données présentées, même si elles sont intéressantes, ne sont pas suffisantes pour remettre en cause les recommandations de l'IFM. La sous-analyse portant sur la durée du lénalidomide n'était pas prévue initialement dans le protocole. Il s'agit d'une étude observationnelle, ouverte, sans randomisation des patients. Nous n'avons pas eu d'informations sur les caractéristiques des patients des 2 groupes comparés (en dehors des données sur le risque cytogénétique). Par ailleurs, même si cela relève d'une analyse très subjective, lorsque l'on regarde les données de l'étude IFM 2009 [7], il ne semble pas y avoir d'inflexion de la courbe de SSP à l'arrêt du traitement d'entretien, qui était administré pendant 1 an. Les résultats de l'étude jumelle du protocole IFM 2019, menée par le Dana-Farber Cancer Institute, seront intéressants, car, dans ce protocole américain, l'entretien par lénalidomide était prévu jusqu'à progression (alors qu'il était arrêté après 1 an dans l'étude IFM 2009). La comparaison des données de SSP et de SG entre ces 2 études jumelles sera très intéressante, car les traitements d'induction sont totalement identiques et la seule différence sera la durée du traitement d'entretien par lénalidomide.

Les résultats de l'étude CONCEPT montrent la faisabilité et la très grande efficacité d'un traitement par Isa-KRd. Ces résultats sont rassurants pour l'IFM qui a fait le choix de cette quadruplette pour son futur grand essai dédié aux patients éligibles à la greffe.
Une des questions posées sera celle de l'intérêt du maintien de l'autogreffe dans ce contexte de traitement d'induction très efficace.■

AVIS D'EXPERT

Il paraît légitime de discuter une deuxième autogreffe chez nos patients à haut risque.

Pour le moment, sous réserve des résultats à venir, le traitement d'entretien par lénalidomide peut être maintenu sur une durée fixe de 2 ans, comme recommandé par l'IFM.

L'IFM semble avoir fait le bon choix avec l'Isa-KRd comme traitement d'induction pour son futur essai “sujets jeunes”.

FIGURES

Première ligne : patients éligibles à l’autogreffe - Figure 1
Première ligne : patients éligibles à l’autogreffe - Figure 2
Première ligne : patients éligibles à l’autogreffe - Figure 3

Références

1. Stadtmauer EA et al. Autologous transplantation, consolidation, and maintenance therapy in multiple myeloma: results of the BMT CTN 0702 trial. J Clin Oncol 2019;37(7):589-97.

2. Cavo M et al. Double autologous stem cell transplantation significantly prolongs progression-free survival and overall survival in comparison with single autotransplantation in newly diagnosed multiple myeloma: an analysis of phase 3 EMN02/HO95 study. Blood 2017;130(1):401.

3. Landgren O et al. Weekly carfilzomib, lenalidomide, dexamethasone and daratumumab (wKRd-D) combination therapy provides unprecedented MRD negativity rates in newly ­diagnosed multiple myeloma: a clinical and correlative phase 2 study. Blood 2019;134. doi: https://doi.org/10.1182/blood-2019-126378

4. Costa LJ et al. Daratumubab, carfilzomib, lenalidomide and dexamethasone (Dara-KRD) induction, autologous transplantation and post-transplant, response adapted measurable residual disease (MRD)-based Dara-Krd consolidation in patients with newly diagnosed multiple myeloma (NDMM). Blood 2019;134(Supplement_1):860.

5. Perrot A et al. Development and validation of a cytogenetic prognostic index predicting survival in multiple myeloma.
J Clin Oncol 2019;37(19):1657-65.

6. Macro M. Recommandations de l’Intergroupe francophone du myélome sur le traitement d’induction et l’entretien des patients éligibles au traitement intensif. Hématologie 2019;25:30-40.

7. Attal M et al. Lenalidomide, bortezomib, and dexamethasone with transplantation for myeloma. N Engl J Med 2017;376(14):1311-20.


Liens d'intérêt

Olivier Decaux déclare avoir des liens d’intérêts avec Janssen, Celgene, Amgen, Takeda, GSK, AbbVie, Novartis, Roche, The binding site, Siemens et Sebia.

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