Ce numéro est entièrement consacré aux perspectives et aux applications multiples offertes par l'analyse de la maladie circulante. Comme toujours, les progrès technologiques ouvrent la voie à de nouvelles investigations, que nous nous approprions petit à petit afin de tester l'intérêt de ces nouveautés pour la prise en charge de nos patients. La détection de cellules micrométastatiques dans la moelle osseuse nécessitait des prélèvements compliqués à accepter par les patientes atteintes de cancer du sein. La méta-analyse de Stephan Braun publiée dans le New England Journal of Medicine en 2005 venait pourtant renforcer notre conviction de l'importance de détecter la maladie micrométastatique pour affiner la définition du pronostic. Mais la pratique de ponctions-aspirations de la moelle osseuse en peropératoire n'était pas facile à diffuser (1). Quelques années plus tard, détecter la maladie circulante par une simple prise de sang allait ouvrir d'innombrables perspectives, tout d'abord avec la détection de cellules circulantes, puis avec celle d'anomalies moléculaires par analyse de la séquence de l'ADN tumoral circulant. Les tumeurs hématologiques et pédiatriques avaient amplement ouvert la voie : un marqueur de chaque maladie, ou presque, avec les identifications de translocations spécifiques faisait rêver les oncologues pour adultes.
Un nouvel espoir
Le séquençage parallèle massif et la description de la survenue de mutations récurrentes dans les tumeurs solides primaires et secondaires permettaient enfin de s'approprier la recherche de mutations dans le sang pour les tumeurs solides. La description de la survenue de mutations dans le gène ESR1 dans les cancers du sein métastatiques, sous la pression de sélection des inhibiteurs des aromatases prescrits en adjuvant, offrait un formidable outil pour le suivi de la maladie métastatique et devenait un marqueur de résistance aux hormonothérapies.
Dans ce numéro, le Pr Jean-Yves Pierga, véritable “Jedi” de la maladie circulante, et son équipe nous proposent un état des lieux de l'intérêt de la détection de la maladie circulante dans les cancers du sein. La biopsie liquide, comme aiment l'appeler les médias grand public, permet dans certaines circonstances de pallier l'absence de tissu tumoral suffisamment abondant pour réaliser les analyses nécessaires à la prise en charge du patient, comme les analyses du récepteur de l'EGF (EGFR) pour la prise en charge chez les patients atteints d'un cancer du poumon.
La détection précoce des cancers est toujours souhaitable, surtout ceux de mauvais pronostic. L'université Johns Hopkins (Baltimore, Maryland, États-Unis) a ouvert la voie à l'utilisation d'un test sanguin pour la détection de 8 cancers parmi les plus mortels : ovaires, pancréas, foie, estomac, côlon-rectum, œsophage, poumon et sein avec le test CancerSEEK, complémentaire des autres moyens de détection, bien évidemment (2). Utiliser la détection de l'ADN du papillomavirus (HPV) dans le sang des patients atteints de cancers ORL, du canal anal ou du col, dont la rechute est parfois délicate à identifier sur les seuls examens radiologiques, est une méthode élégante et prometteuse. Le métabolome n'en est qu'à ses débuts, très encourageants. Olivier Trédan expose ici les grands principes de cette approche complémentaire de l'analyse de l'ADN et les possibilités qu'elle offre. Enfin, ne l'oublions pas, l'analyse des altérations moléculaires via la séquence de l'ADN tumoral circulant permet de décrire l'hétérogénéité intratumorale : la guerre des clones est donc déclarée.
Bonne lecture. Que la force soit avec vous !