Chaque année en France, 1 700 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez les enfants, et 800 chez les adolescents. Ces cancers rares représentent la première cause de décès par maladie chez les enfants. Tout le monde se souvient du film de Valérie Donzelli, en 2011, reprenant l'histoire de Gabriel, le fils qu'elle a eu avec Jérémy Elkaïm, ce combat familial contre une tumeur du cerveau diagnostiquée à l'âge de 18 mois chez Gabriel. Ce film chantait aussi les louanges de l'hôpital public et des centres de lutte contre le cancer, qui assurent la prise en charge de ces pathologies graves et rares ainsi que les activités de recours.
Vous pourrez constater, dans ce numéro 2 de l'année 2017 de Correspondances en Onco-Théranostic, au dossier thématique coordonné par F. Bourdeaut et J.F. Émile, à quel point le démembrement moléculaire des tumeurs pédiatriques a progressé, ce qui permet une meilleure nosologie et le développement des thérapies ciblées. Le temps du grand fourre-tout diagnostique des “ugly blue cells” est révolu. Derrière la majorité de ces tumeurs peu différenciées se découvrent aujourd'hui des altérations moléculaires relativement simples comparativement aux tumeurs de l'adulte, ou des dérèglements épigénétiques, ciblables.
Les espoirs sont donc immenses de guérir encore plus d'enfants atteints de cancer, à l'instar du petit Gabriel. Mais, comme le soulignent J.F. Émile et F. Bourdeaut, l'accès des enfants aux nouvelles molécules est compliqué, d'une part en raison du caractère de “pathologies de niche” des tumeurs pédiatriques, mais aussi du fait d'incertitudes concernant les effets à long terme de certains traitements. Néanmoins, en France, il est facilité par le programme “AcSé-ESMART”, unique au monde, dont l'enjeu est d'accélérer l'accès aux innovations pour les enfants et les adolescents dans un contexte d'échec thérapeutique lors d'un cancer ou d'une leucémie. Cet essai, troisième de la série des essais AcSé, promu par l'institut Gustave-Roussy dans les 6 CLIP2 (Centres labellisés INCa de phase précoce) pédiatriques, a pour objectif de tester 10 molécules innovantes (thérapies ciblées, immunothérapies, seules ou en association). Grâce au plan Cancer III, qui a fait du cancer pédiatrique une priorité, à l'INCa qui finance et au soutien des associations, des organismes caritatifs et des firmes pharmaceutiques associées qui fournissent les molécules, la France est le leader en Europe pour le développement des innovations thérapeutiques en oncologie pédiatrique.
Face à la rareté de ces cancers, nous avons choisi d'illustrer ce numéro, à la rubrique “Vocabulaire”, par le mot “niche”. Enfin, vous pourrez découvrir un cas clinique édifiant, portant sur une pathologie rare parmi celles associées à ALK : la tumeur myofibroblastique inflammatoire, rédigé par N. Labaied et al. (on aura déjà pu s'informer sur le neuroblastome dans le dossier “Tumeurs pédiatriques”), ainsi qu'une fiche à l'attention des pathologistes sur la standardisation de l'évaluation de la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante dans les cancers du sein par le Residual Cancer Burden (RCB), rédigée par A. Maran-Gonzalez et al.
Je profite de cette occasion pour saluer l'arrivée de la Pr Agnès Buzyn au ministère de la Santé. C'est grâce à son enthousiasme et à sa détermination, lorsqu'elle était présidente de l'INCa, que les programmes AcSé ont pu voir le jour. Sa connaissance du monde de la cancérologie en particulier, et de la médecine en général, est un atout majeur pour ce ministère si important.
Bonne lecture !