L'analyse biologique des leucémies aiguës à la recherche de mutations acquises des cellules leucémiques a commencé avec l'étude du caryotype et la découverte du chromosome Philadelphie associé à la leucémie myéloïde chronique [1, 2]. Cette approche s'est révélée par la suite extrêmement fructueuse, même si aucun Ph2 n'a pu concurrencer le Ph1…, et a été suivie de la découverte de nombreuses autres anomalies chromosomiques acquises, récurrentes et souvent spécifiques d'un sous-type de leucémie. La détection de celles-ci a ensuite été facilitée par l'hybridation in situ avec révélation par fluorescence (FISH) et la mise en évidence de transcrits de fusion par RT-PCR. Les étapes ultérieures ont été moléculaires avec l'analyse des ARN et de l'ADN de la cellule leucémique, et les progrès de la génétique ont permis des approches de plus en plus exhaustives, allant de la recherche ciblée d'anomalies à l'étude de l'ensemble de l'exome puis du génome des cellules leucémiques. Ces différentes approches mises aujourd'hui à la disposition des cliniciens, localement ou via des plateformes dédiées, comme celles de Plan France médecine génomique 2025, permettent désormais de décrire le “paysage génomique” d'un type précis de leucémie [3]. Les résultats délivrés par ces approches génétiques se sont accompagnés d'une confrontation, parfois brutale, entre les hématologues cliniciens et la génétique fondamentale. L'interprétation de la valeur clinique d'un variant peut de fait impliquer, avec l'identification d'anomalies potentiellement constitutionnelles, non seulement le patient, mais aussi l'ensemble de ses apparentés.
L'objet de ce dossier est de faire le tour des différents aspects liés à ces analyses génétiques. Les 2 premiers articles reviennent sur l'ADN et la notion de génome. Pierre Sujobert revient sur la variabilité du génome dans les cellules d'un individu et la complexité des évolutions clonales qui concernent aussi bien les tissus sains que les cancers, nous ôtant, si besoin était, nos dernières illusions, sur l'unicité du génome chez un individu et sa stabilité dans les cellules normales. Les approches génétiques sont détaillées par Pierre Hirsch qui nous rappelle les avantages et limites des différentes techniques. Les approches génomiques non ciblées (WES et WGS) génèrent par ailleurs une masse de données telle que seule une analyse bio-informatique est capable de la traiter et d'en tirer des résultats utiles au clinicien ou à la recherche. Christophe Antoniewski et son équipe ont bien voulu se charger de nous expliquer les différentes étapes d'une analyse bio-informatique et nous apporter les données minimales nécessaires aux cliniciens pour pouvoir, au moins, discuter avec les bio-informaticiens. Le lexique, fourni gracieusement, facilite grandement la lecture de l'article et pourra être conservé précieusement…
Espérons que ces approches non ciblées nous permettront d'avancer dans la connaissance des événements génétiques associés à la progression leucémique et d'élucider enfin les cas non encore compris, soit en mettant en évidence de nouveaux types d'atteintes de l'expression des gènes, soit, en particulier pour les prédispositions génétiques, en démontrant l'implication de nouveaux gènes.
Enfin, il n'aurait pas été possible pour un numéro consacré à la génétique au sens large du terme de ne pas aborder les problèmes légaux et éthiques liés à ces approches. Merci à Alice Hallopeau et à Sandrine de Montgolfier de nous rappeler la loi et de discuter l'ensemble des enjeux éthiques.
Bonne lecture !