Olivier
Dans le domaine du cancer du sein métastatique, une des questions qui va devenir la plus débattue dans les mois qui viennent est celle de la séquence de traitement au-delà de la 1re ligne par hormonothérapie et inhibiteur de CDK4/6. En effet, pour tous les carcinomes luminaux, cette 1re ligne de traitement permet de dépasser les 2 ans de survie sans progression. Actuellement, à la progression, les options de traitement se multiplient et vont être discutées en fonction des données histologiques et moléculaires des métastases. L’arrivée de nouveaux anti-estrogènes (notamment lors de mutation ESR1) et celle des nouveaux inhibiteurs de la voie PI3K/AKT (notamment lorsque cette voie est activée) ouvrent de belles perspectives. Néanmoins, il est probable que les anticorps conjugués (ADC) raflent tout sur leur passage. Une trentaine d’entre eux sont actuellement en cours de développement clinique dans le domaine du cancer du sein.
Le trastuzumab déruxtécan (T-DXd) est le premier exemple d’ADC qui pourrait s’imposer comme incontournable au début de la stratégie de traitement. Les données de l’étude DESTINY-Breast06 (présentées lors du dernier congrès de l’ASCO® et publiées très récemment dans le New England Journal of Medicine[1]) engagent la discussion autour de l’utilisation précoce de cet ADC. En comparaison avec des chimiothérapies standard (comme le paclitaxel ou la capécitabine), le T-DXd améliore la médiane de survie sans progression de 5 mois (médiane de 13,2 versus 8,1 mois pour la chimiothérapie, HR = 0,62 ; IC95 : 0,51-0,74). Ces données soulèvent deux questions distinctes. La première est celle de l’amplitude de ce bénéfice, qui est finalement assez proche de celui actuellement observé en ligne plus avancée. Les données de survie globale (pour l’instant immatures) devraient permettre de trancher cette question du positionnement du T-DXd dès la 1re ligne post-hormonothérapie.
La seconde question concerne la sélection des patientes qui pourront effectivement bénéficier du T-DXd précocement dans la stratégie thérapeutique. Ce sont des carcinomes HER2-faibles et ultra-faibles (cohorte exploratoire de cette étude DESTINY-Breast06) qui ont été inclus (figures A et B). Serait-ce à dire que l’évaluation du statut HER2 devient prépondérante dans les choix stratégiques ?
Frédérique
Bien sûr, plus que jamais ! À l’ESMO 2024, Beppe Viale a présenté des résultats de la DESTINY-Breast06 plus axés sur la problématique du testing HER2 dans cette étude [2].
La concordance entre les résultats centraux et locaux a été évaluée pour déterminer si les échantillons étaient HER2-faible ou non HER2-faible. Le pourcentage global d’accord a été calculé comme le nombre total d’échantillons concordants divisé par le nombre total de tests. Cela n’a pas été calculé pour HER2-ultra faible car les sites locaux n’étaient pas formés pour évaluer ce seuil et cette information ne leur était pas demandée. Ils devaient donc classer les tumeurs en HER2-faible (2+ non amplifié, ou 1+) et HER2 0 (négatif), qui inclut donc les ultra-faibles (marquage non nul). Les résultats montrent que :
- le pourcentage global d’accord pour HER2-faible entre les résultats locaux et centraux était de 78 % ;
- presque toutes les patientes (94 %) avec un score HER2-faible local ont été évaluées comme HER2-faible ou HER2-ultrafaible par les laboratoires centraux, et étaient donc éligibles pour participer à l’étude DESTINY-Breast06 ;
- une majorité (64 %) des patientes avec un score IHC 0 local ont été évaluées comme HER2-faible (24 %) ou HER2-ultrafaible (40 %) par les laboratoires centraux.
Les messages clés de la présentation sont :
- les patientes susceptibles de bénéficier du T-DXd peuvent être identifiées indépendamment du type d’échantillon (tumeur primaire ou métastase) ou du type de métastase biopsiée ;
- il est conseillé de réévaluer les patientes atteintes de cancer du sein métastatique RH+ qui ont été évaluées comme HER2 IHC 0 pour déterminer si elles peuvent être éligibles au traitement avec T-DXd. Dans 40 % des cas, on les reclasse en HER2-ultrafaible ;
- une sensibilisation accrue aux niveaux d’expression faibles de HER2 est souhaitable. À ce sujet des formations ciblées HER2-ultrafaible vont être prochainement proposées en France aux pathologistes, dans le cadre du programme HER2 FO’LOW.
L’aventure continue avec HER2 ! Cependant, les méthodes d’évaluation du score HER2 ont été au départ calibrées pour mettre en évidence les cas HER2 3+ et 2+. De nombreuses recherches sont en cours actuellement pour évaluer de nouvelles méthodes de détermination du statut HER2 dans les zones d’expression faible : score aidé par l’IA, couplé à des scores de proximité (Quantitative Continuous Score ou QCS)3, ARN messager, etc.
Enfin ce 3e numéro de l’année de Correspondances en Onco-Théranostic va vous emmener à la rencontre d’autres biomarqueurs utiles et indispensables dans la prise en charge de nos patients en oncologie, dans le champ des cancers de l’estomac, de l’endomètre et du sein.
Bonne lecture !