Les recommandations de prise en charge des cancers bronchopulmonaires avancés ou métastatiques évoluent. Nos algorithmes de prise en charge ont été modifiés avec la mise à disposition de l'immunothérapie, en situation métastatique pour les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et à petites cellules (CBPC) en association avec la chimiothérapie dès la 1re ligne thérapeutique. Cet article propose de discuter de ces nouveaux algorithmes thérapeutiques de 1re ligne sur la base des recommandations récemment mises à jour de l'European Society of Medical Oncology [1] prenant en compte les AMM et les remboursements octroyés dans notre pays.
CBNPC : 1re ligne en situation métastatique
Pour les CBNPC métastatiques, le choix de la 1re ligne thérapeutique repose toujours principalement sur l'histologie tumorale. En situation d'histologie non épidermoïde, la recherche d'altérations oncogéniques ciblables constitue la 1re étape, avec au minimum la nécessité d'un génotypage de l'EGFR, et la recherche de réarrangements d'ALK et de ROS1.
Altérations oncogéniques
- En cas de mutation de l'EGFR (figure 1), la prescription d'un inhibiteur de tyrosine kinase est le standard de 1re ligne. Si les données de l'essai FLAURA [2] montrent que l'osimertinib apporte un bénéfice de survie sans progression (SSP) et de survie globale (SG) par rapport aux inhibiteurs de 1re génération, avec l'attribution récente d'une amélioration du service médical rendu (ASMR) III par la commission de la transparence [3], le remboursement de l'osimertinib n'est pas acquis à la date de la publication de cet article.
- En cas de réarrangement d'ALK (figure 1), les inhibiteurs de 2e génération sont utilisés dès la 1re ligne. Les résultats de l'essai ALEX justifient la prescription préférentielle de l'alectinib, avec un bénéfice en SSP par rapport au crizotinib [4]. Une alternative, à ce jour non évaluée par la commission de la transparence en France, est le brigatinib, sur la base de l'essai ALTA-1L [5]. Les données du céritinib, comparé à la chimiothérapie, montrent des résultats de SSP inférieurs à ceux rapportés avec ces 2 inhibiteurs [6].
- En situation de réarrangement de ROS1 (figure 1), la prescription de crizotinib est basée sur les données d'essais de phase I/II non comparatifs [7, 8]. Un avis de la commission de la transparence permet l'accès au crizotinib sous réserve de la réalisation d'études comparatives, en 1re ou 2e ligne thérapeutique [9].
En situation de mutation de BRAF de type V600 (figure 1), l'association dabrafénib + tramétinib vient d'être évaluée favorablement par la commission de la transparence, avec une ASMR V conditionnée à l'obtention de données de vie réelle, mais uniquement en 2e ligne thérapeutique [10].
Absence d'altération oncogénique
En l'absence d'altération oncogénique (figure 2), les facteurs décisionnels sont l'état général, les comorbidités et l'âge du patient. Le biomarqueur clé est l'expression de PD-L1 par les cellules tumorales. Pour les patients avec un index de performance ECOG 0-1, 2 stratégies sont possibles :
- l'immunothérapie par pembrolizumab en monothérapie est un standard thérapeutique en cas d'expression de PD-L1 par au moins 50 % des cellules tumorales, sur la base des résultats des essais KEYNOTE-024 et 042 [11, 12] ;
- l'association sel de platine + pémétrexed + pembrolizumab est un standard quel que soit le niveau d'expression de PD-L1, sur la base des résultats de l'essai KEYNOTE-189 [13] ;
- le choix entre les 2 stratégies, en situation d'expression de PD-L1 ≥ 50 %, est fondé sur l'évaluation du risque de toxicité additionnel de la chimiothérapie. L'association apporte une protection contre le risque de progression précoce durant les premiers mois de traitement ; la survie à long terme est identique dans les 2 stratégies. L'association chimiothérapie + pembrolizumab pourrait être réservée aux patients ayant un volume tumoral important, ou porteurs de lésions menaçantes en cas de progression tumorale.
Chez les patients dont l'état général est altéré, avec un indice de performance ≥ 2, peu de données sont disponibles avec l'immunothérapie en 1re ligne. Ces patients n'ont pas été inclus dans les essais thérapeutiques princeps. La chimiothérapie seule, à base de carboplatine, souvent associé au pémétrexed, constitue le traitement standard. De même, en cas de contre-indication de l'immunothérapie ou de métastases cérébrales symptomatiques, la chimiothérapie seule sera préférée. En l'absence de traitement par immunothérapie et de contre-indication, le bévacizumab peut être ajouté à la chimiothérapie, de type carboplatine + paclitaxel ou cisplatine + gemcitabine.
Carcinomes épidermoïdes :
1re ligne en situation métastatique
En situation de carcinome épidermoïde métastatique (figure 3), la recherche d'altérations oncogéniques n'est pas pertinente, sauf pour les patients non fumeurs. Le traitement repose, pour les patients avec un indice de performance ECOG 0-1, dans le cadre des remboursements effectifs à la date de publication de cet article, sur le pembrolizumab en monothérapie en cas d'expression de PD-L1 par au moins 50 % des cellules tumorales, sur la base des résultats des essais KEYNOTE-024 et 042 [11, 12]. Si l'expression de PD-L1 est plus faible, la chimiothérapie reste le standard, avec les associations de sels de platine et de gemcitabine, paclitaxel, voire vinorelbine en fonction des comorbidités et de l'âge du patient.
L'essai KEYNOTE-407 a démontré le bénéfice de l'association d'une immunothérapie par pembrolizumab à une chimiothérapie par carboplatine + paclitaxel chez des patients avec un indice de performance ECOG 0 ou 1 dans cette situation [14]. Si une ASMR III a été donnée à cette association par la commission de la transparence [15], le remboursement n'était pas acquis à la date de publication de cet article.
CBNPC localement avancé non résécable
En situation de CBNPC localement avancé non résécable, la stratégie thérapeutique repose sur une chimioradiothérapie, préférentiellement concomitante, avec plusieurs protocoles de chimiothérapie possibles, associant sels de platine et étoposide, vinorelbine ou paclitaxel, et avec une dose totale de radiothérapie comprise entre 54 et 66 Gy [16]. Chez les patients dont la maladie ne progresse pas, en bon état général et avec des toxicités résiduelles de faible grade, le durvalumab en traitement de consolidation pendant 1 an reste le standard thérapeutique, sur la base des résultats de l'essai PACIFIC [17]. Une restriction de l'AMM du durvalumab conduit à exclure les patients dont la tumeur n'exprime pas le PD-L1 de cette stratégie [18] ; une recommandation temporaire d'utilisation pourrait être ouverte afin de leur permettre d'accéder à un traitement par durvalumab.
CBNPC : 1re ligne
La majorité des patients atteints de CBPC sont diagnostiqués à un stade métastatique (figure 4). Dans cette situation, l'immunothérapie, par atézolizumab ou par durvalumab, associée à la chimiothérapie à base de sels de platine et d'étoposide, a montré un bénéfice en SG, au travers des résultats des essais IMpower 133 [19] et CASPIAN [20]. Ce nouveau standard est restreint aux patients éligibles à l'immunothérapie et en bon état général. Lors de la publication de cet article, l'association atézolizumab + carboplatine + étoposide est disponible dans le cadre d'un programme post-ATU ; l'association durvalumab + étoposide + cisplatine ou carboplatine est disponible dans le cadre d'une ATU.
Pour les patients atteints de CBPC localement avancé (figure 4), le traitement recommandé est une chimioradiothérapie concomitante, avec l'association sels de platine + étoposide.■