À l'occasion du choix de la spécialité, il est fréquent que l'on hésite entre la dermatologie et la rhumatologie. Il s'agit de 2 spécialités dans lesquelles l'examen clinique fin est important et se caractérise par un cheminement diagnostique quelquefois complexe et beaucoup de maladies rares ou de formes frontières. Dans les 2 spécialités, la part des maladies inflammatoires et/ou auto-immunes est considérable. Le développement des immunothérapies et thérapies ciblées depuis le début du siècle est spectaculaire et a transformé la prise en charge des patients. Ainsi, la dermatologie et la rhumatologie sont 2 disciplines sœurs. D'ailleurs, nombreux sont les patients suivis dans l'une de ces spécialités à souffrir d'une atteinte relevant du domaine de l'autre, du fait de la pathologie elle-même ou de ses traitements. Ce lien explique que beaucoup d'entre nous aient passé au moins 1 semestre de leur internat dans l'autre spécialité. Les discussions entre nous sont fréquentes et peuvent aller jusqu'aux consultations conjointes et aux réunions de concertation pluridisciplinaires.
Le regard de chacune des spécialités sur les maladies à composante cutanéoarticulaire peut être singulier, du fait de formations ou de modes de recrutement différents. L'utilisation des traitements peut aussi varier, parce que leur gamme n'est pas tout à fait la même ou que les conditions d'utilisation d'un médicament sont différentes, liées à des posologies ou des comorbidités (et donc des précautions d'emploi) particulières. Les habitudes peuvent également être différentes : l'exemple le plus commun est celui du méthotrexate, très souvent associé à une biothérapie en rhumatologie et exceptionnellement en dermatologie. La gestion des effets indésirables se fait aussi en fonction de notre expérience : un dermatologue sera très à l'aise face à une toxidermie ou un cancer cutané, alors qu'il sera un peu désemparé face à des arthralgies… et réciproquement. Au cours du psoriasis, le diagnostic dermatologique est en général très facile, alors que le diagnostic d'un rhumatisme psoriasique est bien plus difficile à affirmer. L'examen clinique est en général suffisant en dermatologie, puisque les lésions sont visibles, tandis qu'il faut faire des examens complémentaires en rhumatologie, puisque les lésions ne le sont évidemment pas. Pour suivre l'efficacité des traitements, les scores sont conçus de manière bien différente, ce qui peut laisser penser (souvent à tort) que les nouveaux traitements sont moins efficaces concernant l'atteinte ostéoarticulaire que l'atteinte cutanée. Toutefois, ce peut être réellement le cas, car les possibilités de réparation de la peau sont bien plus grandes que celles du système osseux.
Ce dossier spécial de rhumatodermatologie est l'occasion d'avoir un regard croisé des 2 spécialités sur quelques pathologies et nous espérons qu'il sera très enrichissant pour les lecteurs. Vous trouverez ainsi des articles sur les cancers cutanés, dont le développement est favorisé par des immunomodulateurs, sur le rhumatisme psoriasique et les connectivites, notamment le syndrome de Sjögren ou le lupus, ainsi que sur l'association purpura et arthrite.
Parmi les autres sujets que l'on aurait pu inclure dans ce dossier, il y a bien sûr les toxidermies consécutives aux traitements rhumatologiques, les effets indésirables rhumatologiques des traitements dermatologiques, les manifestations ostéoarticulaires des vascularites, la sarcoïdose, les maladies infectieuses, etc. Ce sera peut-être l'occasion de renouveler cette fructueuse coopération avec nos amis rhumatologues !
Pour terminer, je tiens à remercier tout particulièrement Alain Saraux, mon collègue rhumatologue de Brest, qui m'a proposé de coordonner avec lui ce dossier, ainsi que tous les auteurs pour la clarté et les superbes illustrations de leurs articles.
Bonne lecture !