J'ai été particulièrement frappé cette année par l'initiative de la SFO qui a mis à l'honneur des communications sur la thématique du développement durable, relayées par d'autres sociétés (SAFIR, SFG, CSFR, SFRétine, SFOALC, SIFO, etc.) ainsi que par le SNOF.
L'ONU a défini des objectifs de développement durable afin de “promouvoir la prospérité tout en protégeant la planète”. La lutte contre le dérèglement climatique représente un enjeu parmi les autres objectifs visés par l'honorable institution. Ces principaux objectifs sont la lutte contre la pauvreté et contre la faim dans le monde, la bonne santé et le bien-être, l'éducation, l'égalité entre les sexes, l'accès à l'eau salubre et à l'assainissement, l'utilisation d'écoénergies, l'octroi d'un travail décent, la croissance économique, l'investissement dans l'infrastructure, la réduction des inégalités entre les pays et au sein des pays, la création de villes, de logements et de transports ouverts à tous, sûrs, résistants et durables, l'instauration de modes de consommation et de production durables, la limitation du changement climatique, la conservation et l'exploitation de manière durable des ressources marines, la préservation et la restauration des écosystèmes terrestres, la promotion de la paix et l'assurance de l'accès à la justice pour tous et le développement de partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile au service du développement durable (1).
À la lecture de ce numéro d'Images en Ophtalmologie, vous pourrez retrouver le compte-rendu des Drs Ailem et Chammas sur la présentation du Dr Ferrero, faite lors de la SFO, sur le bilan carbone d'une chirurgie de la cataracte dans un hôpital français : près de 49 000 km parcourus en moyenne par le matériel utilisé et 19,7 kg de CO2 produits.
Cela prête effectivement à réfléchir… tant nous sommes loin d'imaginer combien nous coûtons au quotidien à notre planète, alors que nous lui devons tout et qu'elle ne nous doit rien.
La prise de conscience de notre empreinte écologique s'est progressivement renforcée depuis la découverte du trou dans la couche d'ozone à la fin des années 1970, qui a conduit, à la fin des années 1980, à la création du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Cette conscience écologique globale est, somme toute, assez récente dans l'histoire de l'Humanité, quelques décennies tout au plus. Rappelons seulement que l'argument marketing des industriels lors du passage de la bouteille en verre (consignée) à la canette reposait sur l'idée d'une plus grande liberté. La canette pouvait facilement se jeter. Une publicité montrait un homme pêchant sur une barque balançant une canette vide dans un lac. Une telle publicité ferait maintenant fureur… sur les réseaux sociaux.
Tous les gestes, bien entendu, dans tous les domaines, à tous les niveaux, sont utiles pour limiter le contrecoup des activités humaines sur le dérèglement climatique. Pour cela, revenons rapidement sur le bilan carbone, qui est, en d'autres termes, une méthode d'évaluation des émissions de gaz à effet de serre. Un simple coup d'œil sur Internet suffit pour identifier facilement un site permettant d'évaluer l'impact d'un voyage en termes de bilan carbone (2).
Je choisis par hasard de calculer le bilan carbone d'un vol Paris-San Francisco : j'étouffe alors sous mes 4,05 tonnes de carbone. Un aller-retour Paris-Le Cap m'amène à produire 4,1 tonnes de CO2… Je me rassure avec un aller-retour Poitiers-palais des Congrès de Paris avec ma voiture : 160 kg de CO2. Il vaut quand même mieux prendre le train. À titre de comparaison, ma seule respiration produirait environ 1 kg de CO2 par jour.
Le terme de développement durable (“sustainable development”) est apparu pour la première fois en 1987 dans une communication intitulée “Notre avenir à tous” (rapport Brundtland). Selon Mme Gro Harlem Brundtland, alors Première ministre norvégienne (1987), le développement durable “répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins”. Ce rapport définit le développement durable comme un mode de développement économique intégrant des considérations écologiques et sociétales. Le terme “développement durable” a d'ailleurs fait l'objet d'une polémique, car, mieux accepté par les sociétés des pays développés, il est préféré à celui de “développement soutenable”, pourtant initialement adopté par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement à l'origine du rapport, comme si l'écrivain n'était plus maître de la traduction de son œuvre… Sans doute ce dernier terme est-il trop osé, peut-être ne faut-il pas trop effrayer les sociétés en faisant planer au-dessus d'elles le spectre de la restriction.
Cela en dit long sur les difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés, sur les paradoxes que nous avons à affronter : bien évidemment, chacun d'entre nous souhaite apporter sa contribution, aussi infime soit-elle, à la lutte contre le réchauffement climatique, en triant les déchets, en optant pour le covoiturage ou les transports en commun, en modifiant son alimentation pour favoriser les circuits courts… mais de là à changer profondément nos habitudes, limiter les transports en avion alors même qu'on observe une augmentation du trafic aérien (estimation d'une croissance de 4,5 à 6,0 % par an selon les industriels du secteur, avec une hausse plus importante encore dans les pays émergents), il y a un abîme difficile à franchir.
Voici notre paradoxe, alors que l'incendie fait rage dans la maison, nous cherchons à éteindre les flammèches dans les rideaux tandis que le plafond est en feu.II