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Éditorial

Covid et œil


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Nous vivons une époque étrange en cette période de pandémie virale à SARS-CoV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2) qui provoque la maladie dite Covid-19 (Coronavirus disease). Le rythme de pénétration du virus dans les ­populations mondiales et l'évolution quotidienne des publications scientifiques conduisent à des incertitudes aggravées par l'écho que les médias leur ont donné et qui rendent la situation difficile à interpréter.

Quid de ce virus et de l'atteinte oculaire ?

Vu le polymorphisme des atteintes systémiques de ce virus, il eût été étonnant de ne pas observer d'atteinte oculaire. Il ne faut pas oublier que le lanceur d'alerte, le Dr Li ­Wenliang, décédé le 7 février 2020, était ophtalmologiste. D'après l'étude de W.J. Guan et al. [1], ­l'atteinte conjonctivale serait présente chez plus de 2 % des patients sévèrement infectés par le Covid-19. Notre équipe [2] a décrit l'atteinte oculaire inaugurale ­annonçant une atteinte pulmonaire sévère (figure). Depuis, de multiples ­manifestations oculaires ont été décrites telles que d'autres atteintes de la surface ­oculaire, comme un chémosis, une épisclérite, des sécrétions conjonctivales, y compris une kérato­conjonctivite. Il existe de façon évidente un tropisme potentiel du SARS-CoV-2 pour la conjonctive avec ­présence de matériel génétique viral dans les sécrétions conjonctivales et les larmes des patients développant un Covid-19. Les atteintes rétiniennes décrites par P.M. Marinho dans le Lancet semblent malheureusement très controversées au vu de la publication de J.B. Miller et al. dans la revue Eye [3]. D'autres atteintes, encore non ­prouvées, pourraient se révéler ­tardivement comme des syndromes inflammatoires postviraux polymorphes qui se ­manifesteraient sous forme d'uvéite, de neuropathie optique, ou ­de lésions ­rétiniennes et/ou choroïdiennes, tels des syndromes des taches blanches. Des cas d'atteintes ­pédiatriques tardives pourraient aussi émerger. L'histoire des pathologies ­oculaires liées au SARS-CoV-2 est loin d'être relatée en totalité [4].

Pourquoi notre sidération devant le coronavirus ?

Parce que nous avons choisi l'oubli, parce que nous n'avons pas pris le soin de nous y préparer. Avec une population mondiale de près de 8 milliards d'individus, les fluctuations des populations sont inévitables au fil du temps. Tout d'abord, les guerres sont remarquablement meurtrières avec 22 millions de morts pour la Première Guerre mondiale et 60 millions pour la Seconde. Dans les années 1950, la guerre de Corée a fait près de 900 000 morts. Entre 1955 et 1975, environ 2 ­millions de Vietnamiens et 60 000 soldats américains sont morts. Au moins 800 000 Tutsi ont été tués en 3 mois, en 1994. La liste est hélas inépuisable. Les maladies infectieuses ne sont pas en reste : au Moyen Âge, en 1347, la peste bubonique se propageant par la route de la soie a emporté environ un tiers de la population européenne, soit près de 25 millions d'âmes, la “grippe ­espagnole” (en réalité toujours d'origine incertaine, asiatique, européenne, américaine) de 1918 a fait plus de 50 millions de morts de 1918 à 1920. En France, on a recensé 10 000 morts d'une nouvelle grippe asiatique en 1957 et 40 000 en 1968. Beaucoup plus récemment, le redoutable virus Ebola a tué plus de 15 000 personnes depuis 1976. En 2009, partie du Mexique, la grippe porcine H1N1 aurait fait entre 100 000 et 400 000 morts et a touché surtout les adultes jeunes. Parti d'Arabie saoudite, en 2012, le MERS a fait 850 morts et 2 500 malades. Selon l'état actuel des connaissances, la pandémie de Covid-19 est venue de la Chine, qui compte 1,4 milliard d'habitants. La ­propagation du virus tient à ce que de nos jours nous voyageons tous. La nature fait également des efforts remarquables pour ce qui s'apparente à un contrôle de la population des êtres vivants sur terre. Elle a créé les virus, qui sont de remarquables organismes : parfois indispensables, souvent de ­parfaits tueurs en série.

Comment vivre avec ce nouveau virus et comment s'y adapter ?

La pandémie de Covid-19 due au virus SARS-CoV-2 aurait débuté à Wuhan en novembre 2019, dans la province de Hubei (en Chine centrale), avant de se propager dans le monde. La ­propagation initiale se serait faite par les animaux vertébrés sous la forme d'une zoonose. Ce virus a déjà fait plus de 1,4 million de morts (25 novembre) dans le monde et plus de 53 ­millions de personnes ont été contaminées d'après l'institut Johns Hopkins de ­Baltimore, mais pour autant comment réagir et se protéger ? La 2e vague est bien ­présente. Il faut savoir garder le bon sens médical pour comprendre. Le SARS-CoV 2 est un virus sphérique spiculé, du sous-genre Sarbecovirus. Son génome, stable, est constitué d'un ARN simple brin à polarité positive. Il survit difficilement au-dessus de 30 °C, semble ­saisonnier et chaque degré Celsius paraît avoir réduit de 13 % la ­contagiosité, mais cette hypothèse reste à confirmer. Le virus se manifeste entre autres par les signes suivants : fièvre, toux sèche, fatigue, dyspnée, expectorations, diminution du goût, perte d'odorat, céphalées, ­douleurs ­musculaires. Cette présentation polymorphique en fait ­l'originalité car elle le rend parfois difficile à diagnostiquer. La propagation se fait ­­essentiellement par les gouttelettes aéroportées. Une propagation peut aussi être manuportée par le contact direct. La distanciation est la clé du système avec le port du masque. En 1619, Charles Delorme, médecin des rois, pour combattre la peste inventa un vêtement qui, ajouté au masque à bec d'oiseau, protégeait le médecin des pieds à la tête, mais il ignorait que la maladie était transmise par les piqûres des puces du rat. En 1850, le médecin ­hongrois Ignace Semmelweis démontra à Vienne l'intérêt du lavage des mains pour diminuer ­significativement les risques d'infection du post-partum. Tous les deux furent ­largement décriés mais ils avaient pressenti que l'hygiène était capitale. Cette crise nous fait ­brutalement redécouvrir la vulnérabilité de notre condition. Nos gouvernements sont apparus incohérents, imprévoyants et inexpérimentés : la gestion du chaos est un art difficile mais nous devons réagir. Cependant, selon des études rigoureuses, le masque permet de diminuer la propagation des gouttelettes infectantes et réduire la charge virale est l'objectif. Un lavage au savon ou au gel hydroalcoolique permet ­d'éliminer la charge infectante sur les mains. Toutes ces mesures ­atténueront la charge virale infectante en cas de contact avec le virus. Il est montré que les formes sévères sont associées à une charge virale élevée. Casser toutes les chaînes de ­transmission est l'unique issue à la crise sanitaire.

Les manifestations ophtalmologiques sont essentiellement observées au niveau de la surface oculaire et sont parfois même inaugurales ; elles doivent alors être identifiées comme une manifestation du Covid-19.

Notre bon sens clinique doit primer et nous devons rester humbles face aux difficultés rencontrées dans la ­compréhension de cette pandémie évolutive. Un nouveau vivre-­ensemble sera notre façon de survivre. Ne l'oublions pas trop vite, la crise passée.II

FIGURES

Covid et œil - Figure

Références

1. Guan WJ et al. Clinical characteristics of coronavirus disease 2019 in China. N Engl J Med 2020;382(18):1708-20.

2. Daruich A et al. Ocular manifestation as first sign of coronavirus disease 2019 (Covid-19): interest of ­­telemedicine during the pandemic context. J Fr Ophtalmol 2020;43(5):389-91.

3. Vavvas DG et al. Concerns about the interpretation of OCT and fundus findings in COVID-19 patients in recent Lancet publication. Eye (Lond). 2020;34(12):2153-4.

4. Rousseau A et al. SARS-CoV-2, COVID-19 et œil : le point sur les données publiées. J Fr Ophtalmol 2020;43(7):642-52.


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