Éditorial

“Publish or perish”, puissance x


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John P.A. Ioannidis, professeur de médecine au Meta-Research Innovation Center at Stanford (Metrics), s'est intéressé, en collaboration avec R. Klavans et K.W. Boyack, aux auteurs scientifiques les plus prolifiques de ces dernières années.
J.P.A. Ioannidis est connu pour ses recherches, souvent provocatrices, sur les études scientifiques, dont la plus célèbre a donné lieu à la rédaction d'un article intitulé “Why most published research findings are false” (“Pourquoi la plupart des découvertes publiées sont fausses”, publié en 2005 dans la revue PLoS). Cette fois-ci, J.P.A. Ioannidis et al. ont cherché, dans la base de données Scopus, les auteurs définis comme hyperprolifiques, c'est-à-dire ayant publié plus de 72 articles par an entre 2000 et 2016, soit 1 article tous les 5 jours pendant au moins 1 année calendaire. De cette étude a été exclue la physique, où l'on retrouve 86 % des auteurs hyperprolifiques, mais dont les publications listent souvent plus de 1 000 auteurs. Il a également été fait abstraction de 909 auteurs chinois et coréens, la base Scopus ne permettant pas de distinguer individuellement les auteurs portant un même patronyme. Tout compte fait, 265 auteurs ont été listés, le nombre d'auteurs hyperprolifiques ayant été multiplié par 20 entre 2001 et 2014, tandis que le nombre total d'auteurs était seulement multiplié par 2,5. Si on ne tenait pas compte des conférences, environ deux tiers des auteurs hyperprolifiques (86/131) publiaient en médecine et en sciences de la vie.

And the winner is… Akihisa Inoue, dont la production a été hyperprolifique pendant 12 années entre 2000 et 2016, avec 1 680 articles, et dont 2 566 articles sont indexés dans Scopus depuis 1976. Cet auteur, ancien président d'université à Tokyo, travaille dans le domaine de la science des matériaux et notamment du verre métallique. Deux auteurs français étaient dans la liste des auteurs hyperprolifiques pour des publications en médecine entre 2000 et 2016 : Maxime Dougados, rhumatologue à Paris (647 articles publiés), et Didier Raoult, microbiologiste, fondateur de l'IHU Méditerranée infection à Marseille (1 205 articles publiés). Les États-Unis fournissent le plus gros contingent d'auteurs hyperprolifiques, avec un pourcentage voisin de celui des articles scientifiques publiés, tandis que l'Allemagne et le Japon sont surreprésentés. Un pourcentage disproportionné d'auteurs est retrouvé en Malaisie et en Arabie saoudite, fait attribué par J.P.A. Ioannidis à la pratique des “cash rewards” utilisée pour inciter à publier des articles scientifiques. Certaines institutions sont retrouvées fréquemment, comme l'université Erasmus à Rotterdam, et les grandes enquêtes épidémiologiques couvrant plusieurs décennies sont à l'origine de nombreuses publications émanant d'auteurs travaillant pour des institutions (cas de l'European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition [EPIC]). La cardiologie est la spécialité médicale qui comporte le plus d'auteurs hyperprolifiques, tandis que l'hépatologie et la gastroentérologie ne sont pas représentées parmi les 265 auteurs.

Cela pose la question des critères permettant de définir un auteur de publication. Les critères habituels sont ceux qui ont été établis à Vancouver en 1988 : un auteur doit satisfaire à 4 obligations, à savoir jouer un rôle dans l'établissement du protocole ou la réalisation ou l'établissement des résultats, aider à écrire ou réviser le manuscrit, approuver la version publiée, assumer la responsabilité du contenu de l'article. Ces 4 critères ne sont pas toujours remplis, et certains responsables d'institutions figurent parmi les auteurs en ayant simplement obtenu le financement de l'étude.

Les auteurs hyperprolifiques listés par J.P.A. Ioannidis et al. ont été interrogés sur les moyens leur ayant permis de publier autant. Plusieurs d'entre eux invoquent des équipes de recherche formées de nombreux chercheurs. Si Raoult n'a pas répondu, Dougados explique qu'il fait de la recherche clinique, domaine où une question aboutit à une réponse qu'elle soit positive ou négative. Il a par ailleurs été inclus dans des études épidémiologiques européennes, dont une sur la spondylarthrite qui a donné lieu à 50 publications. Enfin, il a été coauteur de nombreuses publications de l'industrie pharmaceutique concernant des essais de nouvelles molécules. L'impact des citations est généralement élevé pour ce type d'auteurs, avec une médiane de 19 805 citations par auteur, mais avec une variabilité importante allant de 380 à 200 439 citations. Quant à la signature des articles, les auteurs hyperprolifiques occupent la première place dans 7,1 % des cas, la dernière dans 42,5 %. Une place en position moyenne est occupée dans 51,0 % des cas, mais avec des extrêmes allant de 2,1 à 98,5 % !

Il est certain que parmi ces auteurs hyperprolifiques figurent de remarquables scientifiques, mais cette étude ne permet pas de préjuger de la qualité réelle de la recherche. La question d'une définition consensuelle et universelle de ce qu'est un auteur reste donc entière.

En complément, notons que, d'après son profil sur le site de Stanford, J.P.A. Ioannidis, 53 ans, est crédité de 1 038 publications. Quant à Laurent Peyrin-Biroulet, 45 ans, corédacteur en chef de La Lettre de L'Hépato-gastro-entérologue, il a été hyperprolifique, avec 84 documents retrouvés dans la base Scopus, dont 78 publications mais en 2017, la recherche de Ioannidis s'arrêtant en 2016. Avec 641 papiers référencés dans PubMed à la date du 11 mai 2019, tous les espoirs lui sont permis !

Références

Ioannidis JPA, Klavans R, Boyack KW. Thousands of scientists publish a paper every five days. Nature 2018;561:167-9.


Liens d'intérêt

M.A. Bigard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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