L'hépatologie, auréolée de la victoire des traitements contre le virus de l'hépatite C, voyait comme une proie facile la stéatohépatite non alcoolique (NASH), ce foie mou, dont l'incidence ainsi que celle de ses complications vont augmenter dans les années à venir, dans le sillage de l'obésité et du diabète de type 2. En fait, la bataille s'annonce plus dure que prévu, comme le montre le nombre de molécules prometteuses… éliminées en phase tardive de développement. Ainsi, encore récemment, une vaste étude de phase III n'a pas réussi à démontrer la supériorité de l'élafibranor sur le placebo, qui présentait quant à lui un bénéfice histologique en termes de réduction de la fibrose de l'ordre de 20 à 25 % [1]. Ces difficultés, en dehors du manque d'efficacité de certaines molécules en phase II ou III de développement, sont liées à la pathologie elle-même.
Rappelons qu'il existe déjà des traitements non médicamenteux efficaces, au moins préventivement, du syndrome métabolique et donc de la NASH. On connaît déjà l'efficacité sur l'insulinorésistance du changement à la fois quantitatif et qualitatif des habitudes alimentaires ainsi que de la pratique régulière d'une activité sportive adaptée. Pour aller plus loin, rappelons qu'une étude prospective, mais sans groupe contrôle, combinant ces 2 approches associées à une aide psychologique, a montré une résolution de la stéatohépatite chez 25 % et une diminution de la fibrose chez 20 % des patients après 1 an [2]. De manière plus probante encore, une étude prospective du groupe de Lille vient de démontrer que la chirurgie bariatrique en cas de NASH associée à une obésité sévère permettait à 5 ans une résolution de cette pathologie chez plus de 8 patients sur 10 ainsi qu'une régression de la fibrose dans la grande majorité des cas [3]. En dehors de ces interventions “lourdes”, des approches plus “légères” chez des personnes ayant une stéatose hépatique ont été proposées, comme des programmes adaptés d'activités sportives sur le web permettant une amélioration des capacités physiques, de la qualité de vie et du bilan hépatique… et tout cela en seulement 8 semaines [4] ! Une sorte de “Gym tonic” à la Véronique et Davina pour les plus anciens, revu et corrigé par les outils modernes !
Une autre difficulté vient sans doute du pronostic des patients atteints de NASH qui ont un sur-risque certes hépatique, mais surtout cardiovasculaire et oncologique. En fait, la surmortalité hépatique ne devient vraiment significative que pour les patients ayant une maladie évoluée du foie [5, 6], même si l'on peut penser que réduire l'inflammation par un traitement mis en place le plus tôt possible devrait diminuer le risque de développer une fibrose extensive ou une cirrhose. Ainsi, pour une molécule en phase III, comme l'acide obéticholique qui a pourtant obtenu des résultats histologiques hépatiques supérieurs à ceux du placebo à l'analyse intermédiaire des 18 mois [7], la Food and Drug Administration a récemment rejeté la demande de mise sur le marché et a préconisé de poursuivre l'étude sur le long terme, comme prévu initialement, pour pouvoir juger d'un éventuel bénéfice clinique et être sûr de l'absence d'effet délétère, notamment cardiovasculaire, avant la validation de la molécule dans cette indication [8].
Nous sommes donc loin de l'hépatite C, où la guérison virologique, ce critère intermédiaire rapidement obtenu dans les études, a été validée par les agences d'enregistrement, car elle permettait une amélioration à terme du pronostic clinique des patients. Dans la NASH, l'amélioration de l'histologie hépatique est considérée comme un critère intermédiaire certes nécessaire, mais insuffisant pour affirmer un bénéfice clinique sur le long terme, en tout cas chez les patients non cirrhotiques !