Ce qui est incroyable dans cette épidémie du nouveau coronavirus, le COVID-19, issue de Chine, c'est que elle va non seulement faire progresser la science, améliorer l'alerte épidémiologique dans plusieurs parties du monde, permettre de tester de “nouvelles” approches préventives et de contrôle, booster la recherche vaccinale et antivirale, mais aussi nous apprendre à mieux gérer les… fake news. Impossible d'en faire une liste exhaustive, mais, comme une petite leçon de choses à destination de mes collègues infectiologues, en voici une sélection partielle et partiale. Comme un top 10 des fausses informations, parfois aux relents complotistes.
Fake news number 1 : non, le coronavirus COVID-19 n'a pas été créé (ni breveté) aux États-Unis ! À l'origine de cette rumeur, la copie d'un brevet déposé aux États-Unis en 2007, portant sur une souche humaine de coronavirus (SRAS), qui arriverait à expiration le 23 janvier 2020 ! D'où la porte ouverte à un délire complotiste selon lequel les États-Unis auraient tout intérêt à lancer un vaccin anticoronavirus avant que le brevet n'expire. Voire en pleine épidémie…
No 2 : non, le COVID-19 n'est pas sorti du laboratoire P4 de virologie accrédité par la France en 2017. Rumeur devenue virale parce que, dans l'invitation du cabinet du Premier ministre de l'époque, figure [1], logiquement, le directeur de l'Inserm de l'époque, Yves Lévy, qui n'est autre que le mari de… La boucle est bouclée. Rien ne prouve que ce laboratoire P4 travaillait sur le coronavirus jusqu'à ce jour. La Direction générale de la santé (DGS) a dû indiquer qu'“aucun élément ne permet d'accréditer les allégations liant la crise sanitaire en cours à l'existence à Wuhan d'un laboratoire P4”. Et puis, sur le fond, la séquence virale, au-delà de son analogie à 80 % avec le SRAS-CoV, présente 96,3 % de similitude génomique avec la séquence du BatCoV RaTG13 [2]. Ce qui en fait un virus circulant et non le fruit d'une récente recombinaison, a fortiori de laboratoire.
No 3 : non, contrairement à ce qui se trouve relayé sur WhatsApp et Facebook, le fenouil (Foeniculum vulgare), quel que soit son mode d'administration, n'est pas “le médicament idéal pour se protéger contre (et même soigner !) le coronavirus chinois”. Un “médecin infectiologue brésilien” recommande même 2 tisanes de fenouil par jour pour bloquer la progression du virus (figure 1). Comme les Mexicains l'avaient fait, sans trembler, pour la tuberculose multirésistante [3]. Idéal paraît-il pour stimuler la digestion, limiter les ballonnements et soulager la constipation, mais totalement infondé quant à des vertus préventives ou curatives contre les coronavirus. Au Cap-Vert et au Brésil, des maraîchers se seraient retrouvés en rupture de stock… de fenouil ! On peut rajouter à ce candidat anti-COV : l'ail, les solutions salines, l'huile de sésame, les bains de bouche et même la cocaïne.
No 4 : non, la fondation de Bill et Melinda Gates n'a pas prédit “jusqu'à 65 millions de décès” liés à la souche chinoise de coronavirus. Point de départ de cette rumeur, le fait que la fondation aurait financé en partie un exercice de modélisation, intitulé Event 201, qui a été réalisé conjointement avec le Forum économique mondial et l'école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg. Le centre Johns Hopkins a bien mené un exercice théorique de simulation en octobre 2019, mais celui-ci ne portait pas sur la souche de coronavirus qui frappe actuellement la Chine. “Bien que notre exercice sur table ait inclus un nouveau coronavirus fictif, les données que nous avons utilisées pour modéliser l'impact potentiel de ce virus fictif ne sont pas similaires au nCoV-2019”, a précisé le centre dans un communiqué [4].
No 5 : non, le coronavirus n'est pas transmis par la nourriture chinoise, rumeur si virulente que beaucoup d'établissements en France se sont vidés de leur clientèle. Lorsque les aliments sont cuits, notamment la viande, les coronavirus ne résistent pas à la température de la cuisson. Même si, concernant les voyageurs ou personnes en transit dans les zones touchées par le virus, le ministère recommande tout de même d'éviter : tout contact avec des animaux, vivants ou morts ; de se rendre sur les marchés où sont vendus des animaux vivants ou morts ; de consommer la viande non ou peu cuite.
No 6 : non, il n'y a pas de risque avec les colis envoyés de Chine. Beaucoup de consommateurs achètent en ligne des produits venant de Chine. “Compte tenu des temps et conditions de transport avec la Chine, le risque d'être infecté par le nCoV en touchant un objet importé de Chine est considéré comme extrêmement faible”, confirme le ministère de la Santé. Très peu d'articles démontant ces fake news précisent au passage que les coronavirus sont sensibles à l'hypochlorite de sodium à 0,1 %, aux composés organochlorés à 0,1 %, à l'éthanol à 70 % et au glutaraldéhyde à 2 %.
No 7 : non, l'épidémie ne se propage pas (NDLR : au 19 février 2020) dans les hôpitaux français. Plusieurs établissements hospitaliers l'ont démenti (figure 2).
No 8 : non ce n'est pas que la faute de la chauve-souris, et encore moins de la soupe de chauve-souris. Il y a encore beaucoup à découvrir des hôtes intermédiaires, comme ce fut le cas pour le SARS-CoV et le MERS-CoV. Qui plus est, les premiers cas de COVID-19 décrits n'ont pas fréquenté le fameux marché de Wuhan [5-7](figure 3).
No 9 : non, aucune modélisation ne permet à ce jour de miser sur des millions de cas comme le font nombres d'internautes, sans doute avec une simple règle d'écolier (exemple : 38 millions de cas au 22 février 2020 !) (figure 4).
No 10 : non, aucun établissement scolaire français n'a fermé ses portes. Un montage grossier diffusé sur Snapchat montrait en effet un faux tweet supposé émaner du compte Twitter de l'Éducation nationale indiquant qu'un lycée de Reims était fermé pour cause de coronavirus. Démenti du rectorat : “L'académie de Reims dément formellement cette information et tient à rassurer les familles. Dans ce type de situation, l'établissement et le rectorat, en lien avec l'agence régionale de santé (ARS), se chargent de transmettre les informations.”
Comme quoi l'épidémiologie, comme l'information, c'est un métier.