Il y a des années qui marquent… On aime plutôt y associer des événements heureux (naissance, rencontre, millésime d'un vin…). Malheureusement, 2020 est une année marquée par la pandémie de Covid-19 avec ses lourdes conséquences sur la morbimortalité et une crise socioéconomique qui sera longue et difficile à résorber. Même si la mortalité liée à la Covid-19 est parfois considérée comme faible, on déplore à ce jour plus de 100 millions de cas déclarés et plus de 2 millions de décès. En France, nous sommes à plus de 70 000 décès, et les données comparatives de mortalité montrent une augmentation de 9 % en France en 2020 par rapport aux années précédentes. Si elle est stable sur la tranche d'âge 25-49 ans, elle augmente de 4 % chez les 50-64 ans, 14 % chez les 65-74 ans, 18 % chez les 75-84 ans et de plus de 20 % au-delà (données INSEE). Cette hausse de la mortalité s'accompagne d'une morbidité non négligeable. Certaines études suggèrent en effet que les séquelles qui affectent la qualité de vie pourraient être plus importantes que ce que l'on envisageait. Ainsi, la prévalence de symptômes résiduels après infection par le SARS-CoV-2 est variable selon la sévérité de la maladie, mais elle est tout de même de l'ordre de 35 % chez des patients ambulatoires et plus de 80 % chez les patients hospitalisés. Dyspnée et fatigue sont les symptômes le plus fréquemment rapportés [1-3].
Nul n'aurait imaginé pareils scénario et impact sur le monde il y a 1 an, lors de la description des premiers cas à Wuhan.
Alors forcément, actualités obligent, la Covid-19 représente une partie conséquente de ce numéro best of biblio de La Lettre de l'Infectiologue.
Si l'on veut être pragmatique, en matière de publications marquantes sur la Covid-19, force est de constater qu'il n'y a pas, à ce jour, de médicaments antiviraux efficaces. La molécule qui a montré un réel bénéfice sur la mortalité et qui est largement utilisée est la dexaméthasone qui réduit significativement la mortalité chez les patients hospitalisés nécessitant un support en oxygène [4]. Chez les patients ayant reçu du rituximab, et pour qui la clairance spontanée du virus est longue et la symptomatologie, prolongée par l'incapacité à développer une réponse anticorps, la perfusion de plasma de patients convalescents a pu permettre une amélioration très significative chez certains patients [5]. A contrario, l'administration de plasma de patients convalescents 8 jours après l'apparition des symptômes, dans une population sans immunodépression documentée, n'entraîne pas de réduction significative de la mortalité à J30 [6]. Cette voie de l'immunisation passive fait d'ailleurs l'objet de publications récentes, en particulier sur le niveau d'anticorps neutralisants et le délai d'administration. Ainsi, chez des patients hospitalisés pour Covid-19 et ayant reçu du plasma convalescent, une diminution significative de la mortalité n'est observée que chez ceux ayant reçu du plasma avec un haut titre d'anticorps (22,3 versus 27,4 %). Ce bénéfice n'est plus observé chez les patients qui étaient sous ventilation mécanique, ce qui témoigne probablement de l'avantage à suivre cette stratégie en amont de la présentation clinique [7].
Dans cette approche, qui consiste à penser que la transfusion de plasma serait plus efficace, si administrée précocement, R. Libster et al. ont évalué, dans un essai randomisé en double aveugle, le bénéfice d'une transfusion de plasma avec un titre élevé d'anticorps, dans les 72 heures qui suivent l'apparition de symptômes modérés chez des patients âgés (76 ± 8 ans, 50 % > 75 ans). Il est observé, chez 160 patients randomisés, un bénéfice sur l'évolution vers une forme sévère (16 versus 31 %) [8]. De ce fait, la mise à disposition des anticorps monoclonaux suscite de grandes attentes, en sachant qu'à ce jour on ne dispose que de données parcellaires, essentiellement sur des cinétiques virales dont on sait qu'elles évoluent à la baisse chez la majorité des patients sans intervention thérapeutique. La quantité d'anticorps neutralisants est importante à considérer pour ne pas prendre le risque de sélectionner des mutants, en sachant que l'arrivée des variants ajoute un autre paramètre susceptible d'en diminuer l'efficacité [9, 10].
À l'heure actuelle, la meilleure arme disponible contre la Covid-19 est assurément la vaccination. Il est d'ailleurs tout à fait remarquable de pouvoir en bénéficier aussi rapidement. Les 2 premiers vaccins enregistrés avec la nouvelle technique du mRNA sont associés à une efficacité remarquable, supérieure à celle du premier vaccin à vecteur adénovirus d'AstraZeneca.
Pourtant, alors que l'on n'a pas cessé de dire qu'il faut arrêter de jouer aux apprentis sorciers et qu'aucune donnée solide n'existe sur des schémas espacés (98 % des participants de l'essai Pfizer/BioNTech et 92 % des participants à l'essai Moderna ont reçu les 2 doses, respectivement, à 3 et 4 semaines), nous avons failli basculer dans une stratégie recommandée par la HAS d'espacement de la deuxième dose à J42, mettant ainsi en péril la protection de la population que l'on souhaitait protéger le plus rapidement, à savoir les soignants, qui ont déjà payé un lourd tribut à cette pathologie, et les patients âgés de plus de 75 ans.
Les premières données récentes de 200 000 personnes de plus de 60 ans, vaccinées en Israël, montrent d'ailleurs une efficacité de seulement 30 % après la première dose [10], alors que l'efficacité après la deuxième dose semble proche de celle observée dans les essais vaccinaux. Heureusement, à l'encontre des recommandations de la HAS, le choix de la prudence et des données validées a été fait, ce dont on peut se féliciter. Lorsque l'on dispose d'une thérapeutique efficace, il convient de l'utiliser à bon escient en fonction de données scientifiques étayées.
À côté de la place prépondérante prise par la Covid-19, dans la recherche et dans la pratique clinique, le comité de rédaction de La Lettre de l'Infectiologue a également sélectionné des articles d'infectiologie générale qui ont retenu son attention. Par exemple, en microbiologie, ces dernières années ont été marquées par la mise à disposition de tests rapides d'identification et de détermination de l'antibiogramme. Ainsi, l'essai RAPIDO, rapporté par O. Barraud, a comparé la mortalité selon que l'identification bactérienne était réalisée via les techniques conventionnelles ou MALDI-TOF (technique largement utilisée aujourd'hui dans les laboratoires de microbiologie). Sur le critère de jugement (mortalité), aucun bénéfice n'a été mis en évidence, mais il est probable que l'identification et la détermination rapides de la résistance pourraient permettre un usage plus raisonné et adapté des antibiotiques à large spectre, ce qui paraît être un critère de jugement plus pertinent.
Le diagnostic présomptif de l'agent infectieux responsable d'une encéphalite aiguë reste difficile, et l'étude rapportée par D. Lebeaux confirme que c'est indiscutablement les données radiologiques et microbiologiques qui permettent d'adapter le traitement mis en œuvre.
Quoi qu'il en soit, cette année si particulière a été marquée par une pandémie qui nous paraissait impensable. Espérons que le large accès à la vaccination puisse en être la porte de sortie. Gardons présent à l'esprit que les vaccins doivent également être alloués aux pays du Sud, car n'oublions pas que la pandémie est mondiale.
Si tel n'est pas le cas, nous pourrions nous attendre à vivre alors d'autres années bien particulières…
En attendant, nous vous souhaitons une bonne lecture de ce numéro best of.