En février 2022, une équipe néerlandaise a publié dans Science un article [1] qui relatait l'identification d'un nouveau variant du VIH-1 de sous-type B, plus virulent et plus transmissible (variant appelé VB).
Rappelons que les virus de l'immunodéficience humaine sont classés en 2 types : VIH-1 et VIH-2. Il existe 4 groupes de VIH-1 : le groupe M, le groupe O, le groupe N et le groupe P. Les VIH-1 du groupe M sont responsables de la pandémie : à ce jour, 10 sous-types ont été caractérisés (A, B, C, D, F, G, H, J, K, L) et plus de 100 formes recombinantes entre ces sous-types (CRF) ont été identifiées.
Le sous-type B est majoritairement retrouvé dès l'origine de l'épidémie aux États-Unis et en Europe, mais il ne représente que 12 % des cas à l'échelle mondiale. Les autres sous-types sont regroupés sous la dénomination de VIH-1 non B et sont à l'origine de plus de 90 % de la pandémie. L'évolution de la maladie en l'absence d'un traitement antirétroviral ne semble pas différente en fonction du sous-type viral bien que quelques exceptions aient pu être observées, notamment pour le sous-type D.
L'identification par l'équipe néerlandaise du variant VB a eu lieu pour la première fois au sein de la cohorte BEEHIVE qui regroupe des patients d'Europe et d'Ouganda, puis au sein de la cohorte néerlandaise ATHENA. Ce variant a été retrouvé chez 109 patients (dont 1 patient inclus dans la cohorte suisse et 1 autre dans la cohorte belge). D'après des calculs d'horloge moléculaire, il est apparu dans les années 1990 à Amsterdam, puis s'est propagé pour atteindre un pic de circulation entre 2008 et 2013. Les caractéristiques clinicovirologiques de ces patients ont été comparées à celles d'un groupe de 6 604 patients de la cohorte ATHENA, infectés par un variant B “classique”, sachant que l'âge au diagnostic, le mode de transmission (80 % d'hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes) et l'origine des patients (Europe de l'Ouest) sont identiques dans les 2 groupes. Ce travail de comparaison a montré que ce variant VB est associé à des charges virales 3,5 fois plus élevées (+0,54 log10 copies/ mL) et une pente de décroissance des CD4 2 fois plus rapide que celles constatées chez des patients infectés par un virus de sous-type B “classique”. Pour les hommes infectés entre 30 et 39 ans, le modèle de prédiction utilisé montre que le seuil de 350 CD4/mm3 pourrait être atteint en 9 mois (IC95 : 2-17) contre 36 mois (IC95 : 33-39) pour les patients infectés par un virus B “classique”.
Le déclin des CD4, 2 fois plus rapide que dans le modèle habituel du VIH, suggère une virulence accrue. Ce variant apparaît, en outre, plus transmissible, comme le révèle l'analyse des séquences des différents virus au cours du temps. Celles-ci étaient en effet très similaires, suggérant que le virus n'avait pas eu le temps d'accumuler beaucoup de mutations avant de se transmettre rapidement d'une personne à l'autre. Malgré sa transmissibilité plus importante, ce virus VB n'est pas devenu prédominant probablement parce que les patients qu'il a infectés ont été traités rapidement, ralentissant ainsi la chaîne de transmission. Les traitements actuels restent efficaces contre ce variant, mais celui-ci pourrait entraîner une hausse des cas de sida dans les régions où les personnes à risque sont moins suivies.
Ce travail montre que des souches plus virulentes de VIH peuvent émerger, mais faut-il s'en inquiéter ? Probablement pas si l'on est capable de les identifier rapidement et d'empêcher leur diffusion. Pour cela, il est nécessaire d'avoir, d'une part, un accès rapide au dépistage, afin de permettre un diagnostic précoce, suivi d'un traitement instauré rapidement. Puis, d'autre part, il est impératif de maintenir une veille viroépidémiologique qui utilise les outils d'analyses phylogénétiques. L'analyse des séquences virales permet de détecter des nouveaux virus qui peuvent présenter une physiopathologie différente, mais aussi des réseaux de transmission et des populations à risque au sein desquelles une souche se diffuserait plus rapidement.