À ce jour, aucune molécule antivirale n'a fait la preuve de son efficacité sur l'infection à Covid-19, en particulier chez les patients nécessitant une hospitalisation. Les stratégies mises en place pour limiter la transmission sont l'identification rapide des cas, l'isolement, la recherche des contacts et la mise en quarantaine des contacts exposés pour une période de 14 jours. Comme dans le VIH, l'intérêt d'une stratégie de traitement prophylactique post-exposition est séduisant, mais encore faut-il pouvoir disposer de molécules efficaces et bien tolérées. La majorité des études sur la chloroquine ou l'hydroxychloroquine ont porté sur des patients hospitalisés, avec des résultats décevants.
Pour mettre en place une étude post-exposition, il est nécessaire de pouvoir connaître le risque de cas secondaires lors de contacts de personnes partageant le même domicile. Ce risque est estimé à 10-15 %.
Des études à faibles effectifs, non contrôlées et non randomisées suggèrent un effet protecteur de l'hydroxychloroquine dans ce contexte.
Les auteurs ont donc cherché à évaluer si l'hydroxychloroquine pouvait réellement être une stratégie de traitement post-exposition [1].
Pour ce faire, ils ont réalisé une étude randomisée, en double aveugle contre placebo. Cette étude a été menée aux États-Unis et en partie au Canada. Pour être inclus, les patients devaient avoir eu un contage à domicile ou professionnel avec une personne pour laquelle le diagnostic d'infection à Covid-19 avait été confirmé. Ce contact devait être à une distance de moins de 6 pieds (1,8 m) pendant plus de 10 minutes sans port de masque ou de visière (haut risque), ou avec un masque mais sans visière (risque modéré). Dans les 4 jours suivant le contact, les patients étaient randomisés pour recevoir le placebo ou l'hydroxychloroquine (800 mg J1 suivi de 600 mg dans les 6 à 8 heures puis 600 mg/j pendant 4 jours). Le critère principal de jugement était l'incidence de survenue d'une infection à Covid-19 (documentée) ou d'une infection dont les symptômes étaient compatibles avec ceux d'une infection à Covid-19 dans les 14 jours. Les critères secondaires incluaient l'incidence d'hospitalisation pour infection à Covid-19 et la survenue d'un décès. L'apparition d'effets indésirables était également recueillie. Le calcul d'effectif a été fait sur la base de 10 % de contamination en cas de contact, et en se fondant sur un effet protecteur du traitement dans 50 % des cas. Avec une puissance à 90 %, il était nécessaire d'inclure 621 personnes dans chaque groupe.
Pour prendre en compte les éventuels perdus de vue, 750 patients devaient être inclus dans chaque groupe.
Lors d'une analyse intermédiaire, le calcul d'effectif a été revu à la baisse (956 patients au total pour les 2 groupes) permettant, avec une puissance de 90 %, de mettre en évidence un effet protecteur dans 50 % des cas, cela à cause d'un pourcentage plus élevé que prévu de contamination dans le groupe contrôle.
Au total, 821 patients asymptomatiques ont été inclus et 719 ont rapporté un contact à haut risque. L'incidence de survenue d'une infection à Covid-19 ne diffère pas significativement sur le plan statistique entre les patients recevant l'hydroxychloroquine (49/414, 11,8 %) et le groupe contrôle (58/407, 14,3 %). Les effets indésirables étaient plus fréquents dans le groupe hydroxychroloquine (40 versus 16 %), mais aucun cas sévère n'a été rapporté.
La majorité des cas déclarés positifs l'étaient sur une association de symptômes (diagnostic compatible) en raison d'une faible disponibilité des tests aux États-Unis.
Commentaire
Cet essai ne démontre pas d'effet préventif significatif de l'hydroxychloroquine lorsqu'elle est utilisée en post-exposition.
Il appelle cependant plusieurs remarques :
– l'effectif recruté est inférieur à celui envisagé, y compris après réévaluation des effectifs après analyse intermédiaire ;
– la majorité des diagnostics ne reposent pas sur des tests biologiques (PCR ou sérologie) ;
– cet essai ne répond pas à l'éventuel intérêt de l'hydroxychloroquine en pré-exposition dans des populations à risque, ou très exposées. Des essais sont en cours dans cette problèmatique ;
– mais surtout le traitement post-exposition est instauré en moyenne 3 jours après l'exposition, alors que les études animales qui suggèrent un effet de cette stratégie soulignent l'intérêt d'une administration la plus rapide possible après le contact ;
– l'accumulation négative sur l'efficacité des antiviraux lors du traitement préventif ou curatif de l'infection à Covid-19 rend encore plus cruciale la mise à disposition d'un vaccin.