Éditorial

La variole du singe, une nouvelle émergence, de nouveaux enjeux


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Après l'apparition en mai 2022 de plusieurs cas de transmission interhumaine du virus monkeypox (variole du singe) en dehors des zones de circulation endémique, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) considérait le 23 juin 2022 l'infection à monkeypox comme une menace évolutive d'une préoccupation de santé publique modérée. Un mois plus tard, le 23 juillet, le directeur de l'OMS déclenchait l'alerte maximale, considérant que l'épidémie représentait une urgence de santé publique de portée internationale.

L'alerte maximale correspond à un événement extraordinaire, avec un risque pour la santé publique dans d'autres États, en raison du risque de propagation internationale pouvant nécessiter une action coordonnée des différents États.

À la date du 27 juillet 2022, plus de 18 000 cas ont été déclarés dans 78 pays. Dix pour cent des malades ont été hospitalisés et 5 décès ont été recensés. 98 % des cas concernent des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, les sujets les plus à risque étant ceux qui ont une sexualité active et des partenaires multiples [1].

À la suite de l'éradication de la variole et de l'arrêt des campagnes de vaccination, des infections humaines à virus monkeypox sont apparues dans les années 1970, en très grande majorité dans les régions rurales et les zones de forêts tropicales humides du bassin du Congo, et l'ensemble de l'Afrique centrale et de l'Ouest, affectant plus de 11 pays (données OMS). En 2017, le Nigeria a connu une épidémie de grande ampleur et de nombreux cas continuent d'être régulièrement identifiés depuis.

La circulation du virus hors de cette zone d'endémie n'est toutefois pas nouvelle. Depuis 2003 et jusqu'en 2021, des cas ou des épidémies limitées ont été observées aux États-Unis, en Israël, au Royaume-Uni, à Singapour, soit chez des individus en provenance du Nigeria, soit à la suite de contaminations par des animaux importés infectés. Les analyses des génomes viraux ont permis de mettre en évidence des dérives génétiques par rapport aux virus isolés dans les années 1970 [2]. Leur adaptation progressive à l'homme et leur impact sur la physiopathologie ne sont pas connus.

Cette épidémie révèle de nouvelles données et de nouveaux enjeux.

La présentation clinique

Les présentations cliniques des cas identifiés en 2022 diffèrent de celles précédemment rapportées sur le continent africain. Les éruptions sont dans la majorité des cas très localisées avec moins de 10 lésions, le plus souvent au niveau anogénital, et peuvent être limitées, dans environ 10 % des cas, à une ulcération génitale isolée. Ces présentations peuvent poser des difficultés diagnostiques et être confondues avec d'autres infections sexuellement transmissibles. Elles doivent faire évoquer le diagnostic d'infection à monkeypox aussi au-delà des groupes considérés aujourd'hui à risque.

Les modes de contamination

Bien que la transmission sexuelle sous-entendue par les sécrétions génitales ne soit pas établie, les cas décrits montrent bien que les facteurs de risque incluent les rapports sexuels. La transmission par contact est privilégiée. Des données récentes montrent aussi que la majorité des fluides séminaux des individus testés positifs contiennent de l'ADN viral, suggérant une transmission possible par le sperme, même si l'infectiosité à ce niveau reste encore à démontrer. Cette nouvelle épidémie élargit donc les différents modes de contamination déjà connus comprenant, dans les transmissions interhumaines, le contact avec des gouttelettes respiratoires, des lésions cutanées ou des fluides biologiques contaminés et, dans les transmissions zoonotiques, le contact direct avec des animaux infectés ou avec leurs fluides corporels ou le sang et la consommation de ces animaux. Des cas de transmission nosocomiale ont été rapportés et récemment, des virus infectieux ont été détectés sur les surfaces et dans l'air des chambres accueillant des malades infectés [1, 2]. De nouvelles investigations devraient être conduites pour vérifier si une contamination par l'air est possible.

Les outils de surveillance et de contrôle de l'épidémie

De nombreux efforts d'information, de prévention, de diagnostic doivent être désormais entrepris pour circonscrire l'épidémie. Des campagnes d'information sur les réseaux sociaux et sur les sites des institutions publiques ont rapidement été mises en place. La vaccination devient plus facilement accessible. L'épidémie de Covid-19 a montré le bénéfice des mesures barrières et de la distanciation physique et sociale sur la réduction de la diffusion de l'infection. L'élargissement des indications de la vaccination à la prévention chez les populations à risque, et non plus seulement aux cas contacts, devrait permettre également de prévenir les infections et d'en réduire l'incidence. En France, la réglementation MOT (micro-organismes et toxines) impose que les prélèvements de patients suspects d'infection à monkeypox soient uniquement analysés dans les établissements disposant de laboratoires de sécurité de niveau 3 et après autorisation de l'ANSM. Ces dispositions limitent les capacités de diagnostic de l'infection à monkeypox, mais aussi des autres infections sexuellement transmissibles dont sont aussi atteints près d'un tiers des individus infectés par le virus monkeypox. Le maintien de mesures de sécurité (limitation des cultures virales, destruction des échantillons positifs) ne doit pas entraver le diagnostic biologique. Il est possible dans de nombreux autres pays : il doit l'être aussi en France. Point rassurant à ce jour, le R0 est inférieur ou égal à 1 selon les souches, et n'est donc pas favorable au maintien de la transmission interhumaine [2]. Les études épidémiologiques et la surveillance génomique permettront de voir si la transmissibilité n'évolue pas et si des variants n'émergent pas.

La recherche

Bien que le virus monkeypox circule depuis des décennies dans des régions où il est traditionnellement endémique, la recherche a été négligée
et sous-financée. Ce nouvel épisode souligne une fois de plus l'attention que nous devons porter aux infections endémiques, quel que soit le territoire. L'infection est désormais largement répandue. Elle ne touche certes pas toute la population dans les nouveaux pays concernés, mais ce risque ne doit pas être exclu. Il existe dans les zones d'endémie, il n'y pas de raison qu'il n'existe pas ailleurs. La surveillance de la circulation du virus doit donc être élargie à d'autres groupes incluant les femmes et les enfants, en particulier ceux présentant des lésions cutanées. Elle doit aussi inclure les animaux de compagnie et les animaux sauvages, en particulier les rongeurs, qui peuvent constituer un réservoir, comme c'est le cas en Afrique centrale et de l'Ouest. Des transmissions anthropozoonotiques sont aussi possibles et l'homme représente aujourd'hui un risque d'infection des populations animales [3, 4]. L'agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales et les maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) a d'ores et déjà lancé des appels d'offres pour des projets de recherche. Une place importante doit être, et sera faite, aux projets transdisciplinaires pour appréhender cette épidémie dans son ensemble. L'approche globale “One Health” sera majeure. Cette émergence est la résultante d'une disparition de l'immunité dans la population humaine et des échanges des infections entre les hommes et les animaux. Surveiller et protéger les populations animales des infections virales humaines sera un enjeu supplémentaire à prendre en compte dans la lutte contre l'émergence de nouvelles maladies infectieuses.

Références

1. Thornhill JP et al. ; SHARE-net Clinical Group. Monkeypox virus infection in humans across 16 Countries - April-June 2022. N Engl J Med 2022. doi: 10.1056/NEJMoa2207323.

2. Alakunle E et al. Monkeypox virus in Nigeria: infection biology, epidemiology, and evolution. Viruses 2020;12(11):1257.

3. Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de ­l’environnement et du travail portant sur des recommandations ­relatives à la réduction du risque de diffusion du virus Monkeypox aux animaux en France. https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2022SA0102.pdf

4. Seang S et al. Evidence of human-to-dog transmission of monkeypox virus. Lancet 2022;400(10353):658-9.


Liens d'intérêt

J. Le Goff déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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