Éditorial

Infection VIH : encore plus l’ère de la prévention ?


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En attendant les recommandations nationales d’experts, dont on espère la mise à disposition prochaine (cela fait quand même très longtemps qu’on les attend…), ce numéro spécial consacré à l’infection par le VIH a plutôt choisi une orientation sur la prise en charge préventive de l’infection ou de ses complications.

C’est une évidence : l’espérance de vie des patients porteurs du VIH étant proche de celle de la population générale, la population prise en charge vieillit. En 2020 en France, 24,5 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) suivies dans les COREVIH avaient 60 ans ou plus [1]. Des modèles montrent que le nombre de patients devrait doubler d’ici à 2030 [2]. L’article très didactique de Pascale Leclercq proposé dans ce numéro met ainsi en exergue les différents défis pour mieux appréhender leur prise en charge, en particulier l’impact de la fragilité dans cette population, évaluée à 76,8 % de patients fragiles ou préfragiles chez les plus de 70 ans [3]. Beaucoup de comorbidités (cancer, maladies cardiovasculaires, troubles cognitifs, etc.) étant associées à l’âge, il est indispensable de les dépister, de les prendre en charge, mais aussi de les prévenir en amont. On sait par exemple que le risque cardiovasculaire (CV) est multiplié par 2 chez les PVVIH et l’on ne disposait pas dans cette population d’études d’envergure sur la prévention primaire du risque CV par l’utilisation d’une statine chez les patients à risque CV faible ou modéré. L’article venant d’être publié par S.K. Grinspoon et al. [4] dans le New England Journal of Medicine apporte des éléments de réponse. Dans cet essai de phase III, 7 769 patients infectés par le VIH, avec un risque CV faible ou modéré, traités pour le VIH, ont été randomisés en 2 groupes, l’un interventionnel avec la prescription de pitavastatine à la dose de 4 mg/j, l’autre avec un placebo. Le critère principal de jugement était la survenue d’un événement CV majeur (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde, syndrome coronarien aigu, AVC, AIT, ischémie artérielle périphérique, nécessité d’une revascularisation, ou décès de cause indéterminée). L’âge médian de la population était de 50 ans, les CD4 médians à 621/ mm3 et la CV, indétectable pour 87,5 % des patients. L’étude a été réalisée sur 145 sites dans 12 pays. La valeur médiane du LDL cholestérol à l’inclusion était de 108 mg/ dL. La valeur médiane du score de risque CV à 10 ans était de 4,5 % et la durée de suivi médiane, de 5,1 années. L’analyse intermédiaire réalisée a entraîné l’interruption de l’essai en raison d’un bénéfice significatif observé dans le groupe interventionnel.

L’incidence d’un événement CV majeur a été observée chez 4,81/1 000 personnes-année dans le groupe pitavastatine, versus 7,32/ 1 000 personnes-année dans le groupe placebo.

Dans le groupe statine, 2,3 % des patients ont présenté des douleurs musculaires versus 1,3 % dans le groupe placebo, alors que la survenue d’un diabète était de 5,3 versus 4 %. Cette étude apporte donc une pierre supplémentaire à l’édifice d’une utilisation en prévention primaire d’une statine chez les PVVIH à risque CV faible ou modéré. Bien entendu, le contrôle du diabète, de l’HTA et du tabagisme, autres facteurs de risque CV majeurs, ne doit pas être oublié. Ce numéro fait aussi le point sur les stratégies de PrEP, et en particulier la place que le cabotégravir injectable pourrait prendre. Comme souligné par le Pr Jade Ghosn dans son article, il persiste encore trop d’interrogations pour en faire aujourd’hui une arme de 1re intention. L’arrivée de nouvelles molécules nécessite toujours une mise au point sur les interactions attendues ou non, comme cela est détaillé dans la mise au point du Dr Gilles Peytavin.

La tri-infection VIH, hépatite B et hépatite Delta représente un défi complexe de santé publique. Néanmoins, il existe aujourd’hui des armes thérapeutiques contre l’hépatite Delta, associée à une morbimortalité importante, et la mise au point faite par le Dr Yasmine Abi Aad permet de mieux connaître les indications et les modalités d’utilisation du bulévirtide. Enfin, une mise au point bibliographique sur les virus JC, CMV et les nouvelles actualités thérapeutiques dans la tuberculose, complète ce numéro.

Références

1. ISPLEP. Indicateurs de prise en charge des PVVIH dans les COREVIH en France en 2020. https://anrs-co4.fhdh.fr/psl36/wp-content/uploads/2022/02/Rapport-Indicateurs-de-prise-en-charge-des-PVVIH-
dans-les-COREVIH-en-France-en-2020.pdf

2. Smit M et al. Future challenges for clinical care of an ageing population infected with HIV: a modelling study. Lancet Infect Dis 2015;15(7):810-8.

3. Allavena C et al. Prevalence and risk factors of frailty among adults living with HIV aged 70 years or older. AIDS 2023;37(1):183-9.

4. Grinspoon SK et al. Pitavastatin to prevent cardiovascular disease in HIV infection. N Engl J Med 2023;389(8):687-99.

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