“La médecine comprend peu de choses qu'on sait, peu de choses qu'on croit savoir (probablement à tort), et beaucoup de choses qu'on ne sait absolument pas (1)”.
Autrefois les traitements s'appuyaient sur la physiopathologie des symptômes ou de l'affection diagnostiquée, en sélectionnant les médications permettant d'enrayer ou de modifier le facteur physiopathologique en cause. Mais cela n'est pas suffisant. Il faut tenir compte de l'efficacité clinique réelle sur les patients, ainsi que des effets adverses (2).
Le terme “Evidence-Based Medicine” a été inventé dans les années 1980 au Canada par Gordon Guyatt (in 3), à la faculté de médecine McMaster, pour désigner une pratique que les cliniciens avaient développée depuis plus d'une dizaine d'années. Sackett et al. en ont donné la définition suivante : utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures preuves existantes dans la prise de décision concernant la prise en charge de chaque patient, avec intégration de l'expertise clinique du praticien aux meilleures données cliniques externes issues de recherches systématiques (4).
Le principe est de répondre à une question posée, diagnostique, pronostique ou thérapeutique non pas selon sa propre opinion d'expert, mais à partir de ce qui a été publié dans la littérature sur le sujet et du sérieux des articles relevés. Les preuves proviennent d'études cliniques systématiques, telles que des essais contrôlés randomisés en double aveugle, des méta-analyses, éventuellement des études transversales ou de suivi bien construites. Un essai clinique randomisé a plus de poids qu'un essai ouvert qui a lui même plus de poids qu'une opinion d'expert (tableau). Cependant, la validité et l'utilité des résultats doivent être évaluées de manière critique. La force des recommandations est appréciée selon le niveau de preuve scientifique et sur l'interprétation des experts. Le grade des recommandations est néanmoins à distinguer de la force de celles-ci. En effet, il peut exister des recommandations de grade C ou fondées sur un accord d'experts qui sont fortes malgré l'absence d'appui scientifique. Dans certaines pathologies, en particulier les pathologies bénignes courantes ou les affections rares, il n'a pas été (encore) réalisé d'essais cliniques et il faut alors se contenter d'essais moins performants. De même, dans certaines circonstances il n'est pas envisageable de faire un essai randomisé car le pronostic vital est engagé à court terme (4).
Certes l'exercice de la médecine reste un art, mais il doit être aussi rationnel que possible. Il n'est pas licite de proposer un traitement parce que l'on a “toujours fait comme cela”. Certains traitements proposés autrefois s'avèrent inutiles, ou pire, dangereux. Il est bon aussi de se tenir au courant des nouveaux traitements.
Cependant, tout nouveau traitement annoncé avec plus ou moins de publicité, n'est pas forcément adéquat. Les essais cliniques effectués sur des groupes de patients aussi homogènes que possible permettent de minimiser les biais. Certains essais ont comparé un traitement à un placebo, d'autres, un traitement nouveau à un traitement plus ancien. Leurs résultats permettent de proposer au patient le ou les traitements les plus appropriés, les plus efficaces et les plus sûrs en fonction des “données actuelles de la science”. Néanmoins, les essais cliniques sont de qualité inégale, et il faut toujours les lire avec un minimum d'esprit critique.