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Éditorial

Et si la Covid-19 venait au secours de l'olfaction ?


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Au printemps 1999, un banal rhume m'a privé de l'odorat pendant 1 mois qui m'a paru interminable. Je mesurai alors le handicap que ressentent des millions de patients souffrant de ce trouble sensoriel, trop souvent considéré comme mineur comparativement à la cécité ou la surdité. Les patients qui souffrent de polypose nasosinusienne, pathologie affectant 2 à 3 % des populations occidentales, restent les plus touchés par les troubles de l'odorat, dont le contrôle thérapeutique (médicamenteux ou chirurgical) est particulièrement difficile (à lire l'article de O. Malard, p. 19). Alors que ma rhinite avait guéri en 1 semaine, mon environnement était brutalement devenu plat comme un air d'altitude, mes proches n'avaient plus leur parfum rassurant du quotidien, tous mes repères olfactifs avaient disparu. Plus déstabilisante encore était la perception des saveurs, réduite aux goûts de base, sucré, salé, acide ou amer. Le poisson et la viande avaient le même goût insipide, le vin celui de l'eau, et le chocolat me faisait penser à la guimauve. Le retentissement des troubles de l'odorat sur les comportements alimentaires et la qualité de vie a été parfaitement documenté [1] ; il affecte le bien-être, en particulier chez les patients fragiles. Ainsi, il est essentiel de prendre en compte l'impact des traitements anticancéreux sur l'odorat, dont l'altération majore le retentissement psychologique et la dénutrition liés à la prise en charge de la maladie (à lire l'article de S. Bouhir et al., p. 10). Mon moral commençait à décliner lorsque, à force d'entraînement, je détectai les premières fragrances d'un flacon de clous de girofle. Sans autre traitement qu'un loto des odeurs, une renaissance progressive, mais complète, de mon odorat et de mes sensations gustatives s'ensuivit. Bien qu'elle soit relativement élémentaire, la rééducation olfactive est depuis de nombreuses années un pivot de la prise en charge ayant un impact significatif sur la récupération (à lire la fiche technique de N. Tran Khai, p. 37).

L'odorat, ce sens parfois qualifié de vestigial et relégué au rang de canal secondaire, a pourtant été décisif dans notre survie au cours de l'évolution. “Les cellules olfactives sont les témoins d'une longue marche de l'Évolution débutée dans l'océan primitif il y a plus de 3 milliards d'années pour arriver à l'Homme.” [2]. La capacité à sentir est un sens unique dans sa physiologie et son anatomie, véritable porte d'entrée du système nerveux central, donnant à notre environnement et à notre alimentation une couleur invisible et inaudible. Avec une vitesse et une précision sidérantes, les parfums stimulent autant notre sensation de plaisir que notre mémoire des situations ou des personnes. Qui n'a pas ressenti cette volupté mirifique, cette vaste nostalgie ou ce dégoût à la dégustation d'un mets ou à la perception d'un effluve ? L'odorat est aussi discret qu'essentiel dans nos rapports humains, allant peut-être jusqu'à guider nos choix de partenaires grâce aux phéromones (à lire l'article de M. Humbert et al., p. 14).

Alors que l'odorat était un thème qui n'intéressait guère que quelques équipes mondiales renommées, en 2020 la presse scientifique se déchaîna à son sujet, à l'occasion de la pandémie d'anosmie accompagnant l'infection à SARS-CoV-2 à l'origine de la Covid-19, multipliant par 10 le nombre d'articles qu'elle avait coutume de consacrer à l'anosmie (à lire la revue de presse de J.W. Hsieh et B.N. Landis, p. 6). Avec une prévalence de 70 à 85 %, les troubles de l'olfaction sont un symptôme de grande valeur diagnostique et un critère de bon pronostic de la Covid-19 (à lire l'article de J.R. Lechien, p. 24). Les mécanismes de cette dysfonction restent à préciser, mais il semble qu'ils touchent tout particulièrement l'épithélium olfactif (à lire l'article de J.F. Papon et C. Blanchard, p. 28).

De par sa physiologie et son anatomie complexes, l'olfaction est loin d'avoir livré tous ses secrets. L'olfactométrie est la méthode d'exploration de référence, permettant de caractériser quantitativement et qualitativement la perte d'odorat (à lire la fiche technique de C. Eloit et al., p. 35). Bien que cet examen souvent long n'ait aucune cotation dans la CCAM, il a une place essentielle lors de la prise en charge des patients hyposmiques. De plus, l'olfactométrie pourrait aider à quantifier le préjudice au cours d'une procédure d'expertise médicolégale d'un trouble de l'odorat ou du goût post-traumatique (à lire le cas clinique de D. Bouccara, p. 40). La chirurgie de l'otospongiose représente, à ce titre, un excellent exemple de procédure à risque de trouble du goût (à lire l'article de I. Mosnier, p. 32).

À une époque où l'audition et la vision représentent l'essentiel de nos systèmes de communication et où les interactions avec notre environnement se résument à des réunions virtuelles, la place et l'avenir de notre sens le plus ancestral sont préoccupants. Toutefois, il est possible d'espérer que les nombreux projets de recherche, nés de la pandémie de Covid-19, permettront d'accélérer les progrès diagnostiques et thérapeutiques portés par des médecins
et des chercheurs passionnés.

Je tiens à remercier très chaleureusement les auteurs des articles de ce numéro thématique captivant, et j'espère qu'ils vous auront convaincus que la vie sans odorat n'est pas une finalité pour l'homme.

Bonne dégustation !

Références

1. Kershaw JC, Mattes RD. Nutrition and taste and smell dysfunction. World J Otorhinolaryngol Head Neck Surg 2018;4(1):3-10.

2. Gudin C. Une histoire naturelle du poil. Éditions du Panama, 2007.


Liens d'intérêt

J.F. Papon déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.

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