Covid-19, où en est-on sur le plan ORL ?
Alors que nous avons aujourd'hui vaincu la plupart des bactéries classiques après la découverte de la pénicilline par Fleming, les traitements antiviraux restent encore très insuffisants, laissant la population démunie face aux épidémies qui se propagent rapidement. Depuis début 2020 et probablement fin 2019, le SARS-CoV-2, l'agent pathogène du Covid-19 (figure 1), a entraîné une pandémie mondiale qui a tourneboulé la planète et encore aujourd'hui a changé notre façon de vivre au quotidien. Rapidement, devant ce virus respiratoire et la forte contamination aéroportée, il était logique d'observer des lésions des voies aériennes supérieures. Ainsi, les ORL ont été confrontés à des symptômes ou manifestations potentiellement associés au Covid-19. Le plus souvent, les complications ORL surviennent dans le cadre d'une infection systémique. Les manifestations ORL du Covid-19 rapportent des maux de gorge avec érythème pharyngé, une congestion nasale avec obstruction, une toux, une rhinorrhée, une infection des voies respiratoires supérieures, une congestion des amygdales, souvent comme premiers symptômes de la maladie. Les pathologies de l'oreille moyenne sont observées, d'une fréquence très variable, avec otite moyenne et surdité de transmission [1]. Cependant, le signe ORL le plus caractéristique de cette infection virale est l'anosmie due à une atteinte du neuroépithélium olfactif (et/ou l'agueusie) [2]. L'anosmie touche 48 à 85 % des patients, dont 1 à 10 % développent une anosmie longue supérieure à 6 mois. Un traitement par injection de plasma enrichi en plaquettes semble avoir démontré des résultats encourageants 1 mois après l'injection. Non rapportés initialement, des cas de neuropathie vestibulaire aiguë ont été rapportés avec le Covid-19. Lors de Covid long, des dysfonctionnements auditifs, vestibulaires, olfactifs et gustatifs peuvent persister pendant une période prolongée, dont les spécialistes ORL doivent être conscients.
Monkeypox, des complications oculaires encore rares
Avec près de 15 000 cas dans le monde (70 pays) dont près de 1 500 cas en France en juillet 2022, l'infection à monkeypox, ou variole du singe, n'inquiète pas seulement nos épidémiologistes. Le monkeypox est une zoonose du genre Orthopoxvirus (figure 2), cliniquement similaire à la variole chez l'homme, qui est éradiquée depuis 1980. La variole du singe, plus bénigne, évolue le plus souvent favorablement et peut être prévenue à 85 % par l'immunité croisée induite par la vaccination antivariolique. Cette infection virale a été détectée pour la première fois dans certaines parties de l'Afrique du Nord dans les années 1970. En 2003, le virus monkeypox (MPXV) a été accidentellement introduit aux États-Unis via le commerce des animaux de compagnie et a été associé au rat gambien (Cricetomys gambianus). Lorsque l'épidémie de monkeypox, ou variole du singe, ou encore MPXV, est apparue, les experts estimaient pouvoir la contrôler facilement [3]. En effet, des tests et des vaccins étaient déjà disponibles, donc limitant théoriquement la propagation. Mais loin de contrôler ce virus, ce dernier est devenu rapidement un problème préoccupant aux États-Unis, car les experts pensent que le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé. Il s'étend aussi aujourd'hui à 70 pays, dont la France (figure 3). L'incubation de la maladie peut aller de 5 à 21 jours. La phase de fièvre dure environ 1 à 3 jours. L'infection provoque des symptômes pseudogrippaux et des éruptions vésiculaires cutanéomuqueuses. La maladie guérit le plus souvent spontanément, au bout de 2 à 3 semaines, mais parfois 4 semaines. L'infection est plus grave chez les enfants et les patients immunodéprimés. Une vaccination préventive doit être proposée aux groupes les plus exposés au virus. En Europe, aucun décès n'a été rapporté. En France, la déclaration de la maladie est obligatoire. La contamination par le virus de la variole du singe peut se faire par contact direct avec les lésions cutanéomuqueuses d'une personne atteinte, ou de façon aéroportée par les gouttelettes de salive ou les éternuements. Les rapports sexuels exposent très directement au virus, ce qui explique probablement la fréquence très élevée observée chez les patients homosexuels masculins, dont un bon nombre présentent une association avec une infection par le virus du sida. Le virus a été isolé dans le sperme de patients et le monkeypox est à considérer comme infection sexuellement transmissible endémique. Pour améliorer les soins, il faut développer une meilleure compréhension des diverses manifestations cliniques. Il faut aussi mieux appréhender les complications et les séquelles caractéristiques de la maladie pouvant préjuger de la gravité de celle-ci. Les caractéristiques de cette maladie sont mal définies, mais elles comportent des conséquences sur la peau et les muqueuses. Il paraît donc évident qu'il survienne des manifestations touchant les muqueuses du tractus aérodigestif supérieur comme dans la variole classique, avec une éruption vésiculopustuleuse pharyngolaryngée. Parmi les symptômes et signes cliniques, les douleurs à la déglutition semblent fréquentes. Dans l'étude anglaise de Patel, sur 197 patients, un peu moins de 20 % présentaient une pharyngite, plus de 13 % avaient des lésions buccales et près de 5 % avaient une atteinte amygdalienne [4]. L'article du New England Journal, de JP Thornhill et al., décrit 528 cas de variole du singe, d'avril à juin 2022 : 21 % des patients présentaient une pharyngite avec des troubles de la déglutition, dont 26 avaient présenté des signes oropharyngés inauguraux [5]. Pharyngite, odynophagie, épiglottite et/ou lésions buccales ou amygdaliennes ont été observées comme signes cliniques oropharyngés. Chez quelques rares patients, les lésions buccales se sont présentées de façon isolée, sans autres signes. Des traitements antiviraux, comme le cidofovir et le técovirimat, ont été étudiés et utilisés en essais cliniques avec des résultats favorables. Les immunoglobulines antivirales ont aussi été utilisées avec succès chez certains patients à type de prophylaxie post-contact. Il existe une véritable flambée de cette maladie virale dont nous devrons préciser les contours, ce qui ne manquera pas si cette évolution épidémique n'est pas contrôlée, malgré un vaccin accessible.