Échanges interactifs de pratiques en laryngologie et en cancérologie entre différentes équipes ORL
Après Paris en 2017, et le retrait de Vancouver en raison du Covid, ce congrès mondial d’ORL en format présentiel a été un beau succès. De très nombreux experts mondiaux ont animé des cours et des tables rondes sur de très nombreux sujets actuels dans de nombreuses salles en parallèle.
La YO-IFOS (réseau international des jeunes ORL), après sa création à Paris en 2017, était très présente et dynamique. De nombreuses séances de cours, de sessions vidéo, de rencontres avec les leaders des différentes spécialités ORL (otologie, rhinologie, laryngologie, etc.) se sont déroulées et j’ai eu l’occasion de partager mon parcours et mes connaissances au cours d’une session pendant laquelle j’ai exposé les intérêts de la chirurgie minimale invasive au laser et au robot en cancérologie ORL.
De très nombreux aspects de la laryngologie et de la cancérologie ORL ont été abordés au cours de ce congrès. Nous avons fait un cours sur les indications actuelles de la chirurgie robotique dans les cancers du larynx.
Plusieurs équipes ont discuté de la prise en charge des sténoses laryngotrachéales, notamment celles liées à l’intubation prolongée en cas d’infection Covid sévère, dont les différentes stratégies chirurgicales ont été très discutées.
Comme lors du congrès européen à Milan en novembre 2022, de nombreuses équipes ont montré l’intérêt des interventions chirurgicales en “laryngology in office” ou fibroscopie interventionnelle en laryngologie, dont l’objectif est de réaliser différents types d’interventions chirurgicales au niveau du larynx, du pharynx et de l’œsophage sous anesthésie locale avec sécurité, efficacité, moins de morbidité (pas d’anesthésie générale) pour les patients et de réduire les coûts de la prise en charge des patients.
Les professeurs Thomas Caroll (Harvard Medical School, États-Unis) et Jérôme Lechien (hôpital Foch, université Paris-Saclay, France ; centre hospitalier EpiCURA, université de Mons, Belgique) ont rapporté les recommandations pour le diagnostic, la prise en charge du reflux laryngopharyngé et les perspectives d’avenir, notamment le rôle probable du microbiote.
L’implant cochléaire à l’honneur au congrès mondial de l’IFOS 2023
Table ronde : “The international classification of functioning, disability and health (ICF) in people with cochlear implant”
A. Kurz, A. Lorens, V. Dayse Tavora, G. Mertens, I. Anderson
Lors de cette session organisée sous la forme d’une table ronde, 5 présentations se sont succédé afin d’exposer les résultats de l’adaptation de la classification internationale du fonctionnement (CIF) pour les patients avec surdité, et plus particulièrement pour les patients porteurs d’un implant cochléaire. La CIF a été développée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1980, avec comme objectif de décrire des situations relatives au fonctionnement humain et aux restrictions qu’il peut subir en cas de déficience [1]. Sont ainsi décrites des déficiences correspondant aux conséquences physiques d’une maladie (dans notre cas, la surdité), des restrictions de participation à des activités comme conséquence de la déficience, et des facteurs contextuels environnementaux et personnels permettant de s’adapter ou non aux déficiences.
Le groupe de travail a ainsi défini les différentes déficiences en rapport avec la surdité, en proposant pour chacune une évaluation standardisée en 5 stades, de l’absence d’anomalie (0) à un déficit complet (5). On y retrouve :
- la détection sonore, évaluée par la perte auditive moyenne ;
- la discrimination sonore, évaluée par un test phonémique ;
- la localisation sonore [2] ;
- l’intelligibilité ;
- et les déficiences associées que sont les vertiges et les acouphènes.
La 2e étape consiste à définir les activités et les restrictions de participations. Le groupe de travail a proposé les activités suivantes en rapport avec la surdité : écouter, communiquer, commencer et maintenir une conversation, activités de la vie quotidienne, activités de la vie communautaire, activités familiales, stress en rapport avec la surdité. De même, pour chacune des activités, une échelle d’évaluation est proposée, mais celle-ci peut être adaptée aux habitudes de chaque centre, en catégorisant les résultats des échelles en 5 stades, comme pour les déficiences.
L’objectif final de ce travail est d’harmoniser au niveau international l’évaluation de la surdité dans les études rapportant les résultats d’une réhabilitation auditive, notamment pour les patients implantés cochléaires.
Discussion d’experts : “The role of central auditory processing and cognitive function on adult cochlear implant outcome”
A. Beynon, O. Sterkers, J. Saunders, V. van Rompaey
Il est désormais bien connu que la surdité acquise est un facteur de risque majeur de déficit cognitif [3], avec un effet dose, puisque le risque de développer une surdité augmente lorsque le degré de surdité augmente [4]. Il a été rappelé lors de cette session que la réhabilitation par implant cochléaire réduisait le risque à long terme d’évolution vers une démence chez le sujet sujet âgé [5]. L’interaction entre le central et le périphérique est donc de plus en plus étudiée, notamment à l’aide des potentiels évoqués auditifs centraux. L’étude des ondes corticales associées à une stimulation auditive, plus particulièrement de l’onde P300, permet notamment d’analyser la réponse auditive corticale après implantation cochléaire. Andy Beynon et son équipe ont ainsi montré qu’après implantation cochléaire chez l’adulte jeune, il n’y avait pas de différence entre l’amplitude de l’onde P300 chez les patients implantés comparés à des témoins normo-entendants, avec une variation d’amplitude dépendant de la durée de la surdité avant implantation et des performances en audiométrie vocale [6]. De même, il a été montré que la latence d’apparition de l’onde P300 était plus courte en cas de stimulation bimodale comparée à une stimulation avec l’implant cochléaire seul [7], ce qui constitue un argument objectif du bénéfice apporté par une stimulation auditive bilatérale chez les patients implantés cochléaires. Cela ouvre de nouvelles pistes de recherche pour l’évaluation des patients après implantation cochléaire.
L’IFOS pour et par les jeunes ORL : YO-IFOS
Lors du précédent congrès de l’IFOS, qui s’est tenu à Paris en 2017, le comité d’organisation a souhaité s’ouvrir davantage aux jeunes ORL à travers le monde. Ainsi est née YO-IFOS. Cette organisation cible tout particulièrement les ORL de 30 à 45 ans poursuivant leur formation ou désireux de s’orienter vers une carrière universitaire. Elle vise différentes missions : l’éducation, les échanges professionnels, la recherche et l’organisation de sessions dédiées aux jeunes lors de congrès nationaux et internationaux.
Le congrès de l’IFOS en 2023 à Dubaï a donc été l’occasion d’un exercice ambitieux : proposer un programme couvrant les différents aspects de notre spécialité, attractif pour les plus jeunes, avec un contenu très pratique, pertinent et de haute valeur pédagogique. Sous la présidence du Pr Nicolas Fakhry, un comité d’organisation s’est constitué : la nouvelle équipe de présidence des pays du Moyen-Orient, Ahmad Aldhafeeri et Fida Muhawas, ainsi que le nouveau secrétaire général François Simon ont épaulé Diane Smit, responsable de la chaire Congrès.
Chaque matinée, 2 salles ont proposé en parallèle un programme autour d’une surspécialité. La journée débutait avec des mises au point sur des sujets aussi variés que l’imagerie moderne de la surdité (Olivier Deguine), la plasticité cérébrale dans l’implantation cochléaire d’une surdité unilatérale (Mathieu Marx), l’évaluation de la dysphonie selon les critères de la Société européenne de laryngologie (Jérôme Lechien), les repères anatomiques de la chirurgie endonasale sans navigation (Alaa Shawkat), les options thérapeutiques de la prise en charge d’un syndrome d’apnée du sommeil (Giovanni Cammaroto).
Ensuite, des “maîtres” ont été mis à l’honneur : ils ont présenté leur parcours et leur expertise. Une discussion ouverte autour de cas cliniques a permis d’apprécier leur démarche diagnostique et thérapeutique. Les approches pratiques ont fait l’objet d’échanges avec les participants présents. Après une courte pause, le programme continuait avec des conférences menées par d’autres référents de la spécialité : ils ont abordé la préservation auditive lors de l’implantation cochléaire (Nicolas Verhaert), les laryngectomies supraglottiques (Stéphane Hans), la prise en charge des sinus récalcitrants (Amin Javer), ou encore l’approche génétique de la maladie de Ménière (José Antionio Lopez-Escamez). Ces référents avaient ensuite comme défi d’essayer de se projeter dans l’avenir et d’anticiper les orientations de leur spécialité.
L’après-midi a donné lieu à des séances de vidéos pédagogiques produites par de jeunes ORL à travers le monde selon des critères IVORY. Des ateliers ont été proposés autour de la rédaction d’un article médical, de l’interprétation de l’“evidence-based medicine”, du partage scientifique, ou encore du dépôt d’un brevet. Ce fut l’occasion aussi d’échanger sur les différences des parcours de formation en ORL sur les différents continents, sur la place de la télémédecine dans la pratique actuelle (Jean-Marc Juvanon)... Enfin, la nouvelle génération étant plus écoconsciente que les précédentes, YO-IFOS a consacré une session sur le développement durable en ORL.
Afin de créer une dynamique de rencontres et de l’émulation entre les jeunes participants, le comité a organisé un challenge en fin de journée, mettant en compétition différentes équipes : les connaissances théoriques et pratiques ont été mises à rude épreuve.
YO-IFOS a montré, par son programme scientifique de grande qualité, une volonté de promouvoir l’accès au savoir au plus grand nombre. Elle n’est ainsi pas simplement une association de jeunes ORL, mais une réelle institution en devenir, qui essaye de coller aux mieux à leurs besoins et à leurs ambitions en apportant un renouveau pour concurrencer les séances plus classiques de l’IFOS. On peut saluer l’important travail d’organisation et l’enthousiasme des seniors qui se sont pliés au jeu de ces nouveaux exercices. Le seul regret que l’on peut avoir est que le comité de l’IFOS ait alloué des salles distantes du cœur du congrès, ce qui a rendu la participation peut-être moins importante que ce qu’elle méritait.