Fiche

Trachéotomie percutanée chez l’adulte et l’enfant


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La trachéotomie percutanée (TPC) est devenue, en réanimation médicochirurgicale et soins critiques adultes, la technique de référence dans la plupart des pays depuis presque 30 ans. Elle reste indiquée dans le sevrage de la ventilation mécanique ou la protection des voies aériennes supérieures (VAS). Les raisons de ce choix préférentiel sur l’abord chirurgical traditionnel, incluent un taux de complications mineures et un temps de réalisation plus court (la mortalité et les complications majeures ne semblent pas différentes de la voie chirurgicale), une courbe d’apprentissage relativement rapide et la facilité logistique [1]. Parmi les différentes techniques décrites, l’approche de Ciaglia modifiée (par dilatation unique progressive) est la plus répandue et clairement privilégiée dans les recommandations modifiées d’experts (RFE) francophones conjointes SFAR/SRLF/SFORL [2].

Méthode

Deux opérateurs sont requis chez un patient intubé, ventilé sous anesthésie générale et placé en hyperextension cervicale. L’étape initiale comporte le repositionnement de la sonde d’intubation sous contrôle laryngoscopique ou fibroscopique, en veillant à placer le bec de la sonde au-dessus du plan de premier anneau. Le site de ponction choisi, préalablement repéré par palpation manuelle et transillumination endoscopique, précède l’insertion strictement médiane entre le 1er et le 2e anneau trachéal d’un cathlon. Le fibroscopiste doit s’assurer de l’absence d’effraction du mur postérieur et de la bonne descente du guide en J dans l’arbre trachéobronchique. Dans l’approche de Ciaglia modifiée, après une large incision en T du plan cutané de part et d’autre du guide, c’est une dilatation progressive unique au moyen d’un dilatateur hydrophile courbe dédié qui permet la création du trachéostome avant l’insertion finale de la canule au moyen d’un introducteur guidé par le même ensemble (Ciaglia Blue Rhino® kit). La bonne position intrachéale de la canule doit être vérifiée conjointement par la courbe du capnogramme et l’endoscopie ultime (figure).

Précautions, limites d’emploi, contre-indications

Au-delà des contre-indications partagées avec la voie chirurgicale, la présence d’un goitre, d’un cou court, d’une obésité, d’une aberration vasculaire (d’où l’intérêt d’un repérage échodoppler cervical préalable) ou d’un obstacle sous-glottique préexistant va décourager la voie percutanée. Les conséquences d’une décanulation accidentelle précoce sont potentiellement aggravées par l’absence de fils de rappel qui complique la recanulation.

Chez l’enfant, la TPC est d’usage marginal et concernerait moins de 2 % des patients admis en soins intensifs au Canada ou au Royaume-Uni. Moins de 20 % des intensivistes canadiens déclarent la pratiquer chez l’enfant de plus de 5 ans [3, 4]. Elle est néanmoins utilisée chez le traumatisé crânien de plus de 10 ans dans certaines équipes nord-américaines [4]. Les séries cliniques publiées sont toutefois peu nombreuses et utilisent différentes techniques. Dans notre unité, la TPC représente environ 29 % des trachéotomies réalisées sur 20 ans. Ainsi, 27 enfants (âge médian 12 (5-17) ans ; poids médian 38 (19,5-80) kg) ont bénéficié d’une TPC pour sevrage ventilatoire ou protection des VAS au moyen d’une canule Shiley (5,5 à 7 mm ID) après une durée médiane de ventilation de 13 jours. En dehors de quelques complications procédurales mineures dont une fracture du premier anneau trachéal, nous n’avons eu à déplorer aucun granulome ni infection péristromale. Trois patients ont nécessité une réintubation transitoire pour éperon obstructif suprastomal lors de la décanulation et 4 ont développé des sténoses sous-­glottiques (n = 1) ou sous-canulaires (n = 3) significatives pour lesquelles l’imputabilité de la technique percutanée est spéculative [5]. La technique de Ciaglia modifiée suscite quelques inquiétudes théoriques chez l’enfant en raison du caractère étroit et malléable de la trachée, qui l’expose au risque de collapsus ou de ponction accidentelle du mur postérieur. Pour ces raisons, certains auteurs privilégient des techniques alternatives, comme l’approche translaryngée par dilatation à la pince de Griggs [6]. ■

FIGURES

Trachéotomie percutanée chez l’adulte et l’enfant - Figure

Références

1. Putensen C et al. Percutaneous and surgical tracheostomy in critically ill adult patients: a meta-analysis. Crit Care 2014;18(6):544.

2. Trouillet JL et al. Trachéotomie en réanimation : recommandations formalisées d’experts sous l’égide de la Société de réanimation de langue française (SRLF) et de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR), en collaboration avec la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et la Société française d’otorhinolaryngologie (SFORL). Méd. Intensive Réa 2019;28(1):70‑84.

3. Principi T et al. Elective tracheostomy in mechanically ventilated children in Canada. Intensive Care Med 2008;34(8):1498‑502.

4. Raju A et al. Percutaneous versus open tracheostomy in the pediatric trauma population. Am Surg 2010;76(3):276‑8.

5. Durand P et al. Fibroscopic-guided percutaneous dilatational tracheostomy in critically ill children: a single center observational study. Intensive Care Med Paediatr Neonatal 2023;1:4.

6. Gollu G et al. Percutaneous tracheostomy by Griggs technique under rigid bronchoscopic guidance is safe and feasible in children. J Pediatr Surg 2016;51(10):1635‑9.


Liens d'intérêt

P. Durand déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.