L’enseignement pratique en médecine a longtemps été basé sur la méthode dite “halstedienne” de compagnonnage. L’externe ou l’interne suit son enseignant ou son maître au lit du malade, au bloc opératoire et apprend à reproduire les gestes. Des compétences techniques aussi courantes que l’otoscopie sont enseignées en stage : comment tenir l’otoscope, comment mettre en confiance le patient, comment ne pas faire mal, comment se positionner, comment examiner quadrant par quadrant et, enfin seulement, comment poser un diagnostic. Cet enseignement est complémentaire des cours théoriques à l’université qui expliquent l’anatomie et les pathologies de l’oreille.
Or, à part les urgences et quelques stages d’ORL, peu de terrains de stage offrent la possibilité aux étudiants de se former à l’otoscopie en pratique. En effet, les enseignements théoriques, souvent basés sur des images otoscopiques obtenues grâce à des endoscopes montrant des images de tympan en Full HD et grand angle, ne correspondent pas à la réalité du terrain des futurs médecins généralistes et pédiatres, qui démarrent leur internat avec des lacunes parfois difficiles à rattraper. Enfin, la variabilité des patients fait qu’il est rare qu’un étudiant ait vu l’ensemble des pathologies à connaître ou toutes les présentations cliniques possibles.
La simulation par impression 3D permet de pallier ces problèmes. La technologie évolue considérablement d’année en année, permettant de repousser les limites de ce qui est possible. Une technologie de pointe, appelée PolyJet, permet notamment d’imprimer des tissus de différentes textures, allant du dur (os temporal) au mou (membrane tympanique) pour une très grande fiabilité. Il est bien sûr possible d’imprimer le tympan en 3D, en représentant les reliefs, voussures ou rétractions.
Un autre avantage de l’impression 3D se situe sur le plan pédagogique car, à la différence des simulateurs traditionnels, il est possible de faire évoluer les tympans, d’en imprimer de nouveaux à la demande, et de proposer différentes présentations cliniques d’une même pathologie aux étudiants : par exemple, l’otite séromuqueuse plutôt muqueuse, ou avec des bulles, ou avec un niveau hydroaérique.
Pour l’évaluation des étudiants, dans le cadre des examens cliniques objectifs et structurés (ECOS), qui permettent notamment d’évaluer les compétences procédurales des étudiants en plus de leurs connaissances, il est possible d’adapter le tympan du simulateur. Il est possible également de choisir la pathologie adaptée au cas, mais aussi la présentation de celle-ci, pour choisir un tympan typique plutôt facile à diagnostiquer ou une version plus atypique.
Pour aller plus loin, il est encore possible d’imprimer des tympans plus complexes pour les internes en ORL (rétractions, etc.) et de proposer de la simulation chirurgicale de pose d’aérateur transtympanique (ATT) sur des tympans simples ou plus complexes (rétractions).
Grâce à un financement ARS, nous avons, à l’université Paris-Cité et au sein de la plateforme d’impression 3D de l’AP-HP, développé un simulateur d’otoscopie en impression 3D (technologie PolyJet). Le simulateur est constitué d’un os temporal et contient 30 tympans interchangeables (dont plusieurs versions différentes d’otite moyenne aiguë et d’otite séromuqueuse) qui peuvent être insérés dans l’os temporal en fonction de l’objectif pédagogique de l’enseignement ou de l’examen (figure, voir sur le PDF). L’objectif principal est l’enseignement en 2e cycle, et une étude est en train d’analyser la validité du modèle en ECOS. Le développement du simulateur se poursuit avec l’ajout prochain de 20 nouveaux tympans plus complexes pour le 3e cycle et la pose d’ATT.
La technologie d’impression 3D évolue rapidement, et nous pouvons espérer multiplier les simulateurs, non seulement en otologie, mais dans toutes les surspécialités de l’ORL. L’évaluation de l’impact pédagogique (et donc le développement d’outils et de méthodologies pour évaluer les simulateurs) sera importante pour prioriser les ressources et les coûts.