Depuis le 17 avril 2024, les biothérapies utilisées par voie sous-cutanée dans la polypose nasosinusienne (PNS) peuvent être instaurées en ville par les oto-rhino-laryngologistes (ORL) [1].
La décision de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de supprimer l’obligation de prescription initiale hospitalière (PIH) annuelle est fondée sur l’expérience acquise dans l’utilisation des biothérapies concernées et prend en compte leur profil de sécurité. Cette décision, prise en concertation avec le Conseil national professionnel d’ORL, les experts et les associations de patients, concerne également de nombreuses maladies inflammatoires chroniques suivies en dermatologie, pneumologie, gastroentérologie, allergologie, ophtalmologie et rhumatologie.
Dans le cadre de la PNS, les molécules concernées sont le dupilumab et le mépolizumab. Elles ont obtenu une autorisation de remboursement en juillet 2021 et novembre 2022, respectivement. L’efficacité de ces molécules sur les symptômes et la qualité de vie des patients atteints de PNS a été clairement démontrée par des essais multicentriques, randomisés, en double aveugle contrôlés contre placebo (LIBERTY NP SINUS-24 et LIBERTY NP SINUS-52 pour le dupilumab et SYNAPSE pour le mépolizumab). En France, leur prescription est restreinte aux PNS non contrôlées par un traitement médical et chirurgical bien conduit. Il est fondamental de souligner que ces 2 molécules (ainsi que 3 autres) sont également prescrites par les pneumologues dans l’asthme sévère, pathologie associée à une PNS dans environ 25 % des cas.
L’apparition récente de ces molécules dans l’algorithme thérapeutique des ORL a créé une réaction initiale de défiance pour de nombreux praticiens dont la formation, essentiellement chirurgicale, les préparait mal à l’utilisation de molécules immunomodulatrices coûteuses. Par conséquent, la Société française d’ORL (sforl) et l’Association française de rhinologie (AFR) ont activement travaillé pour proposer des formations académiques dédiées aux biothérapies et ont publié en octobre 2023 la première recommandation nationale sur la prise en charge de la PNS, incluant la place des biothérapies [2]. En parallèle, un registre national prospectif de patients sous biothérapies a été créé à l’initiative de l’AFR afin d’étudier l’efficacité et la tolérance de ces traitements en vraie vie (service d’ORL et CHU de Lille promoteurs) [3].
Ces premières initiatives ont ainsi permis de lever les doutes des ORL quant à la sécurité de ces molécules à moyen terme, ainsi que leurs incertitudes sur leur capacité à prescrire et surveiller ces traitements. Dans le cas de patients n’ayant pas eu de chirurgie préalable, leur efficacité comparée à une chirurgie bien réalisée reste un sujet de débat.
Cependant, la prescription d’une biothérapie qui semble simple en théorie s’avère souvent compliquée en pratique du fait du retard de connaissances physiopathologiques des ORL, de l’absence de critères cliniques ou paracliniques de choix de la bonne molécule et surtout de la nécessité d’intégrer un éventuel asthme associé à la PNS dans la stratégie thérapeutique. L’existence d’une PIH offrait ainsi aux ORL exerçant dans une structure de soins (publique ou privée) l’opportunité de discuter, avec des collègues ORL et pneumologues, l’indication, la prescription et la surveillance d’une biothérapie.
La levée de la PIH est donc une mesure particulièrement adaptée aux spécialités médicales utilisant les biothérapies depuis de nombreuses années mais, concernant les ORL, son application doit tout particulièrement être accompagnée par les sociétés savantes et les experts afin d’éviter les dérapages de prescriptions, les échecs thérapeutiques, les décompensations d’asthme sévère et les retards diagnostiques de pathologies graves associées à une PNS.
La prescription d’une biothérapie représente une évolution majeure dans la prise en charge de la PNS en ayant permis de soulager de nombreux patients en impasse thérapeutique. Ces traitements et la levée de la PIH qui les accompagne ont pour objectif de faciliter le parcours des patients, tout en soulevant de nombreuses questions médicales. La poursuite de la mobilisation des sociétés savantes, de l’ANSM, des organes de formation et des acteurs de santé (praticiens et patients) sera ainsi un gage d’amélioration des connaissances et des compétences des ORL afin de les aider à la juste prescription de ces traitements coûteux.