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Éditorial

“Je maintiendrai”


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J'emprunte sans vergogne cette devise à Guillaume Ier d'Orange-Nassau, gouverneur des provinces de Hollande, Zélande et Utrecht dans les années 1500.

En effet, cette formule s'applique excellemment à l'attitude des cancérologues tout au long de cette pandémie de Covid-19 qui tarde à voir une fin.
La Covid-19 a en effet eu un impact marqué en cancérologie depuis plus d'un an maintenant.

C'est tout d'abord les patients qui sont concernés, avec un risque létal plus élevé en cas de Covid-19 survenant dans les 3 mois d'une chimiothérapie. L'immunosuppression favorise en effet la gravité de l'infection à SARS-CoV-2. Ceci est particulièrement vrai dans les hémopathies malignes.

C'est ensuite la prise en charge oncologique qui a été bouleversée par ce risque infectieux jusqu'alors mal maîtrisé par la vaccination. Richards et al., dans Nature Cancer de mai 2020 [1], nous expliquent comment la détection précoce du cancer en a souffert. Les programmes de dépistage du cancer du sein, du col de l'utérus et du cancer du côlon ont été ainsi suspendus dans de nombreux pays, que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord (États-Unis, Canada). Ce phénomène est malheureusement amplifié par la crainte de certains patients qui rechignent à fréquenter les structures de soins dans la peur de contracter la Covid-19.

C'est ainsi qu'en Écosse les consultations médicales de cancérologie ont été réduites d'environ 70 % à la mi-avril 2020 lorsqu'on la compare à la moyenne hebdomadaire sur les 3 dernières années. Les mêmes réductions ont été constatées en Angleterre. Les explorations plus invasives telles que les endoscopies peuvent être source d'aérosols susceptibles de transmettre le virus. Ce risque viral pourrait aussi s'exprimer lors d'endoscopies basses telles que la coloscopie, compte tenu de la possibilité d'atteinte digestive due à la Covid-19. Au Royaume-Uni, le nombre d'endoscopies a ainsi été réduit de 90 % en avril 2020, par rapport aux 3 premiers mois de cette même année.

Revenons à Guillaume Ier d'Orange-Nassau pour poursuivre notre parallèle symbolique. Dans une anaphore célèbre, il écrivait la phrase suivante : “Je maintiendrai vertu et noblesse.”

Vertu : Le terme peut s'appliquer en cancérologie, à la poursuite de la recherche.

Heureusement, les 12 000 essais cliniques actuellement actifs en cancérologie n'ont pas tous été arrêtés et devraient être poursuivis si faire se peut, en prenant en compte différents paramètres liés à cette crise sanitaire. La Food and Drug Administration et l'European Medicines Agency ont toutes les deux proposé des guides sur ce sujet. Selon une enquête réalisée dans les centres de traitement des cancers de 18 pays, 37 % s'attendent à une réduction significative des essais cliniques [2]. Certains essais sont heureusement arrivés à maturité pendant l'année 2020, et leurs résultats sont extrêmement importants puisque certains d'entre eux débouchent sur de nouveaux standards de traitement, comme dans les cancers œsogastriques.

Vous trouverez bien entendu, grâce à la veille rigoureuse des auteurs de ce numéro spécial, les principales avancées thérapeutiques en cancérologie, avancées poursuivies y compris à l'heure de la Covid-19.

Noblesse : Elle peut s'identifier à la noblesse de l'exercice de l'oncologie.

Un bilan récent de l'OMS démontre que la prise en charge du cancer a été perturbée soit partiellement, soit complètement dans un pays européen sur trois. Aux Pays-Bas et en Belgique en 2020, le diagnostic des cancers aurait chuté de 30 à 40 % dans la phase initiale. Au Royaume-Uni, les délais d'accès au diagnostic pourraient entraîner un accroissement de la mortalité de 15 % pour les cancers colorectaux et de 9 % pour les cancers du sein dans les 5 prochaines années.

La société savante européenne ESMO a, là encore, édicté des conseils pour une meilleure prise en charge des patients.

S'il apparaît dans d'autres études que la majorité des patients a été touchée à un degré ou un autre (80 % des cas) [3], on voit cependant que les cancérologues ont réussi à s'adapter (83,6 % des centres) grâce à la mise en place de consultations et de tumour boards virtuels. Certains centres ont pu réaliser des examens dans des laboratoires proches du domicile des patients (76 %) et adresser les médicaments (68 %) pour la poursuite du traitement.

Ces efforts d'adaptation n'ont pu se faire sans dommage pour les équipes. En témoignent les résultats d'une enquête de l'ESMO réalisée en mai 2020 démontrant que 38 % des professionnels présentaient des signes de burn out et que 25 % avaient même des risques de détresse psychologique. Deux tiers des professionnels interrogés précisaient aussi qu'ils étaient incapables de réaliser leur travail aussi bien qu'avant la pandémie. Le suivi de cette enquête montrait même que le taux de burn out avait augmenté en août 2020 [4].

On le voit, la situation reste toujours critique.

Cependant, je ne doute pas que tous ensemble, nous aurons assez d'énergie et de motivation pour maintenir.

Références

1. Richards M et al. The impact of the COVID-19 pandemic on cancer care. Nat Cancer 2020;1-3:565-7.

2. Jerusalem G et al. Expected medium and long term impact of the COVID-19 outbreak in oncology. Ann Oncol 2020;31(suppl 4): abstr. LBA 76.

3. Jazieh AR. The impact of COVID-19 pandemic on cancer care: a global collaborative study Ann Oncol 2020;31(suppl 4): abstr. 1678.

4. Banerjee S et al. The impact of COVID-19 on oncology professionals: initial results of the ESMO resilience task force survey collaboration. Ann Oncol 2020;31(suppl 4): abstr. LBA 70.


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J.F. Morère déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.

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