La classification moléculaire des cancers ORL est peu connue et reste controversée, notamment parce qu'elle n'a pas d'impact clinique majeur. La classification utilisée par le consortium du TCGA (Tumor Cancer Genome Atlas) en 2015, qui regroupe les données d'expression de gènes de 279 tumeurs, dont 13 % HPV+ (1), a identifié 4 classes : atypique – classe qui contient pour moitié les patients HPV+ –, classique, mésenchymale et basale. Une seconde classification a été proposée par M.K. Keck et al. en 2014, obtenue à partir de 134 patients, dont 44 % HPV+, et confirmée par les données de 804 cas issus de bases de données publiques (2). Les auteurs ont conclu à la présence de 5 groupes moléculaires : 3 HPV– et 2 HPV+. La méta-analyse menée par L. De Cecco et al. en 2015, portant sur 1 386 tumeurs, a, quant à elle, révélé 6 classes moléculaires (3).
Quelle que soit la classification utilisée, le statut HPV est le facteur le plus déterminant pour le pronostic des patients atteints de cancers ORL : en effet, si les cancers HPV– ont un plus mauvais pronostic que les cancers HPV+, les différents sous-types moléculaires de cancers HPV– n'ont pas un impact pronostique très net. Cela est le principal élément expliquant l'absence de traduction dans la pratique médicale quotidienne de ces classifications. Si les résultats obtenus à ce jour par les analyses génomiques des carcinomes épidermoïdes ORL sont décevants en ce qui concerne leur application en classification pronostique, ils ont néanmoins permis d'identifier de nombreuses anomalies ciblables en thérapeutique, et plus de 75 % des tumeurs posséderaient au moins 1 anomalie ciblable par une molécule approuvée ou en cours d'évaluation (4).
Très récemment, la technologie de séquençage de l'ARN individualisé cellule par cellule, dite en anglais “single-cell RNA sequencing”, a permis d'y voir plus clair dans la classification moléculaire des cancers de la cavité buccale. En effet, contrairement aux techniques citées ci-dessus, dans lesquelles la tumeur est séquencée en masse, accompagnée d'une quantité plus ou moins importante de cellules du microenvironnement tumoral, cette technologie permet de quantifier la production d'ARN de chaque cellule individuellement. S.V. Puram et al. ont classifié 10 tumeurs de la cavité buccale et appliqué les signatures moléculaires des classes décrites par le consortium du TCGA (5). Ils ont confirmé la pertinence des 2 classes atypique et classique. Ils ont également montré que ce ne sont pas les anomalies présentes dans les cellules cancéreuses – qui se sont révélées semblables – mais l'importance de l'infiltrat de fibroblastes qui différencie les tumeurs classées basales et mésenchymales.
Cette observation ouvre de nouvelles perspectives sur la combinaison des classifications moléculaires et celles du microenvironnement tumoral pour déterminer plus efficacement le pronostic des patients et à des fins théranostiques. Enfin, l'application de cette technologie aux tumeurs oropharyngées HPV+ permettra certainement de déterminer le nombre exact de sous-types moléculaires dans ces tumeurs, avec l'espoir d'identifier une corrélation avec le pronostic et la radiochimiosensibilité, qui permettrait de mieux sélectionner les patients candidats aux protocoles de désintensification thérapeutique en cours dans cette population.