Écouter cet article :
Les cancers du sein hormonodépendants (RH+) ne surexprimant pas HER2 (HER2−) sont les plus fréquents et classiquement associés à un pronostic plutôt favorable lorsqu’ils peuvent être diagnostiqués et traités à un stade précoce. Néanmoins, au stade métastatique, la survie globale est restée très limitée jusqu’à récemment. Or, une récidive à distance est observée chez 20 % et 30 % des patientes ayant un cancer RH+ localisé, 5 et 10 ans après le diagnostic respectivement [1]. De plus, au stade métastatique, la plupart de ces tumeurs, initialement hormonosensibles, finissent par développer des mécanismes de résistance à l’hormonothérapie (HT) [2, 3]. Il a été montré que l’hormonorésistance pouvait être liée à une dérégulation des voies mitogéniques
alternatives (HER2, PI3K/ AKT) qui potentialisent la signalisation D1:CDK4/6 indépendamment des estrogènes [3]. D’une façon plus générale, le complexe cycline D1:CDK4/6-RB1, qui contrôle l’initiation de la mitose, a été identifié comme un élément majeur de la prolifération cellulaire dans le cancer du sein RH+ [2]. Il constitue ainsi une cible thérapeutique consistant à bloquer l’entrée dans le cycle pour empêcher la mitose. De fait, l’évolution, péjorative jusque-là des stades avancés, a été très significativement améliorée par les inhibiteurs de CDK4/6 (iCDK4/6) qui sont devenus, en quelques années, des traitements référentiels et incontournables du cancer du sein RH+/HER2− en phase métastatique.
À ce stade, les iCDK4/6 ont pu démontrer des bénéfices en survie substantiels dans les 7 études d’enregistrement de phase III, chez des femmes ayant un cancer du sein hormonosensible (études PALOMA-2, MONALEESA-2, MONALEESA-7 et MONARCH-3) ou hormonorésistant (études PALOMA-3, MONALEESA-3 et MONARCH‑2). Les populations incluses étaient différentes (en termes de sensibilité à l’HT, mais aussi de statut ménopausique) et les partenaires d’HT variaient d’une étude à l’autre. Mais les résultats montrent une remarquable cohérence, avec un hazard-ratio constamment autour de 0,55 pour le critère principal qui était dans tous les cas la survie sans progression [4]. Autrement dit, le traitement permet d’obtenir un doublement du temps de contrôle de la maladie. Quant à la survie globale, objectif secondaire de ces essais, elle est également prolongée sous iCDK4/6, comme cela a été montré dans certaines des études de phase III ou dans les études en vraie vie, qui ont l’avantage de mieux refléter les caractéristiques de la population réellement traitée ainsi que les modalités de traitement en pratique courante, qu’il s’agisse des schémas d’administration, de l’adhésion ou de la surveillance des toxicités. En cas de maladie avancée, les iCDK4/6, en améliorant significativement les taux de réponse, les délais d’obtention de réponse, la survie sans progression et la survie globale, se sont donc légitimement imposés comme traitement de 1re intention, la chimiothérapie n’étant indiquée qu’en situation de maladie viscérale évolutive menaçant le pronostic vital à court terme. C’est pourquoi les iCDK4/6 en association à l’HT (avec suppression de la fonction ovarienne chez les femmes non ménopausées) sont actuellement systématiquement recommandés en 1re ligne métastatique [5]. Cette stratégie est applicable dans le cancer du sein métastatique de novo ou à la rechute après un stade précoce, et en cas d’hormonorésistance primaire ou secondaire. Chez les patientes qui progressent sous iCDK4/6, un rechallenge est possible après un intervalle sans traitement d’au moins 1 an [5].
Plus récemment, les iCDK4/6 ont montré une efficacité au stade précoce en situation adjuvante chez des patientes ayant un cancer du sein RH+/HER2− à haut risque [6].
Alors que cette classe thérapeutique relativement récente s’est déjà imposée comme un standard dans certaines situations, son histoire est loin d’être terminée. De nouveaux développements sont attendus, par exemple en situation néoadjuvante dans les cancers RH+/HER2− à haut risque. Les possibilités d’association aux nouvelles catégories d’HT que sont les SERD (Selective Estrogen Receptor Degradation) ou les PROTAC (Proteolysis Targeting Chimeric) doivent également être évaluées au stade métastatique.
D’un point de vue pratique, en l’absence de comparaison directe entre les 3 agents disponibles, mais avec, dans toutes les études de phase III, un bénéfice similaire sur le critère principal de survie sans progression, le choix repose essentiellement sur les profils de toxicité respectifs. Ceux-ci sont différents et peuvent orienter le traitement selon les comorbidités, les caractéristiques et les préférences de la patiente.
À titre personnel, je pense réellement qu’une tolérance acceptable, mais aussi une administration simple et compréhensible, 2 éléments dont on sait qu’ils sont associés à une excellente adhérence au traitement, garant majeur de son efficacité, se doivent d’intégrer les éléments principaux de la décision partagée avec la patiente et permettre ainsi le choix le plus pertinent de l’inhibiteur de CDK4/6.
Ce rédactionnel a été réalisé
avec le soutien institutionnel de
Propos recueillis par la rédaction de La Lettre du Cancérologue.
Le Dr Antoine déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer, Lilly et AstraZeneca.