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Éditorial

“Psys” et “Oncs” : la rencontre


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Dès 1886, Léon Tolstoï s'était intéressé à la description du retentissement psychologique d'une maladie incurable dans son roman La Mort d'Ivan Ilitch. Cette première tentative romanesque n'a cependant pas suscité de vocation médicale particulière, puisque, pendant toute la première moitié du XXe siècle, le diagnostic de cancer a été considéré comme une sentence de mort, et les patients étaient renvoyés chez eux pour mourir, le diagnostic restant, lui, un secret bien gardé.

Il faut attendre les années 1950 pour que paraissent les premiers articles s'intéressant au retentissement psychologique du cancer. C'est ainsi que H.C. Shands et al. publient, en 1951, dans Cancer, un article intitulé “Psychological mechanisms in patients with cancer” (1) et que R.D. Abrams et J.E. Finesinger publient, également dans la revue Cancer, en 1953, “Guilt reactions in patients with cancers” (2). Le sentiment de culpabilité est alors retrouvé dans les observations cliniques comme une réponse psychologique significative face au “stigma” social que représente le cancer.

Depuis, les progrès sont lents. C'est seulement dans les années 1960 que s'ouvre la controverse sur la question : “Doit-on communiquer le diagnostic de cancer ou non ?” avec, par exemple, un article de E.M. Litin paru dans Postgraduate Medicine intitulé “Should the cancer patient be told?” (3). Cette question posée en 1960 sera la base de la décision officielle de créer un dispositif d'annonce combinant expertise médicale, soignante et psychologique dans le cadre du début du plan Cancer national.

L'intérêt pour les effets de la maladie cancer sur la psychologie des patients touchés se confirme, mais il faut attendre les années 1970 pour que la “psycho-oncologie” acquière une certaine matérialité, avec la rencontre des “Oncs” et des “Psys”. C'est en effet à cette époque – seulement – que l'oncologie médicale devient une nouvelle spécialité de la médecine interne et que naissent donc des médecins qui se consacrent entièrement à la prise en charge somatique de ces patients. À cette même période, plusieurs personnalités en psychiatrie s'emparent de cette thématique et marqueront leur époque. Il nous faut ici citer J. Holland, qui publie en 1969 un manuel de ­psycho-oncologie et participe à la création d'un service de psychiatrie au sein du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (États-Unis). C'est aussi elle qui cofonde l'International Psycho-Oncology Society (IPOS) en 1984. Elle illustrera, de façon inoubliable, cette implication des psychiatres au sein même des centres de traitement du cancer par la rédaction d'un chapitre entier consacré aux “Psychologic aspects of cancer” dans l'ouvrage de référence intitulé Cancer Medicine. J. Holland s'intéressera aux différents aspects psychologiques de la maladie cancer.

Il nous faut également citer E. Kübler-Ross, qui, elle, s'est intéressée plus particulièrement à la fin de vie.

La “psycho-oncologie” était née.

Elle accompagne aujourd'hui le patient tout au long de son parcours de vie avec le cancer, et même après. En effet, la dernière enquête VICAN (vivre après le cancer), en cours de restitution, démontre que certains patients nécessitent encore un soutien psychologique 5 ans après le diagnostic de cancer.

La France a elle aussi fondé sa Société française de psycho-oncologie : elle reflète aujourd'hui la pluridisciplinarité qui est le fondement même de cette discipline à l'interface de l'oncologie, de la psychiatrie et de la psychologie. Elle participe au progrès scientifique dans ce domaine et assure les fonctions de formation des “Psys” et des “Oncs”.

S'il fallait des preuves supplémentaires de l'efficacité de cette discipline, il nous faudrait marquer l'année 2017 d'une pierre blanche. En effet, pour la première fois, 3 grandes études scientifiques d'interventions en psycho-oncologie ont eu l'honneur d'une présentation orale au congrès américain en oncologie clinique, “repère” des oncologues médicaux du monde entier.

Cette actualité témoigne de la vivacité de cette discipline. Elle s'inscrit surtout comme une grande réussite de la prise en charge globale de la maladie cancer pour le bien de nos patients.

Références

1. Shands HC, Finesinger JE, Cobb S, Abrams RD. Psychological mechanisms in patients with cancer. Cancer 1951;4(6):1159-70.

2. Abrams RD, Finesinger JE. Guilt reactions in patients with cancer. Cancer 1953;6(3):474-82.

3. Litin EM. Should the cancer patient be told? Postgrad Med 1960;28:470-5.


Liens d'intérêt

J.F. Morère déclare avoir des liens d’intérêts avec Pierre Fabre et Roche.

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