Quels marqueurs prédictifs pour l'immunothérapie en oncologie thoracique ?
D'après la communication de Paul Hofman (Nice)
Le fait que seuls environ 15 à 20 % des patients présentent une réponse à l'immunothérapie en 1re ligne en monothérapie, et que certains contextes particuliers (réponses tardives, hyperprogressions tumorales, complications sévères liées à la toxicité du traitement) puissent survenir font qu'il est important de pouvoir identifier en amont des critères associés à la réponse ou à la résistance au traitement, ou à la toxicité de ces traitements.
L'immunohistochimie PD-L1, seul biomarqueur validé en 2018
L'expression de PD-L1 évaluée en immunohistochimie (IHC) est à ce jour le seul biomarqueur validé en oncologie thoracique (figure), recommandé dans les AMM des inhibiteurs de PD-1/L1. Cependant, l'expression de PD-L1, variable d'un site tumoral à un autre, peut évoluer au cours du temps et augmenter après une radiothérapie ou une chimiothérapie. Sur le plan technique, il existe une variabilité des résultats interobservateurs bien améliorée par des formations adaptées. Par ailleurs, alors que des réponses aux traitements d'immunothérapie sont observées chez des patients dont la tumeur n'expriment pas PD-L1, certains patients qui présentent une surexpression de PD-L1 sur 100 % des cellules tumorales peuvent ne pas répondre à cette approche. L'hétérogénéité tumorale de PD-L1 constitue une difficulté importante avec des niveaux d'expression de PD-L1 variables au sein même de la tumeur primitive et cela a été particulièrement bien montré dans l'étude de Khunger et al. présentée au dernier congrès de l'ASCO® (1). Des résultats différents de l'expression de PD-L1 sont observés selon les tests utilisés, et plusieurs études sont en cours afin d'évaluer les taux de concordance et de discordance des résultats obtenus avec les différents tests.
La charge tumorale mutationnelle, un biomarqueur prometteur ?
La charge mutationnelle est un facteur prédictif confirmé de réponse à l'immunothérapie, qui semble surtout associé à des réponses de longue durée en 1re ligne, ce qui n'est pas le cas de la surexpression de PD-L1 (2). Associée aux résultats concernant l'expression de PD-L1, la charge mutationnelle tumorale pourrait permettre de renforcer la prédiction de la sensibilité d'une tumeur à ces traitements (3). Mais comme pour l'histochimie, ce critère de charge mutationnelle va devoir être validé et mieux exploré sur les plans technique et pratique (qualité, seuils de sensibilité, recherche de gènes sur panels/exome, délai des résultats). Alors que ces 2 biomarqueurs sont individuellement associés à un bénéfice clinique durable, la charge tumorale mutationnelle n'est pas corrélée au statut PD-L1. Avec les nouvelles données significatives obtenues avec l'association immunothérapie-chimiothérapie dans le traitement de 1re ligne des CBNPC, il va falloir valider le caractère prédictif de réponse de ces 2 biomarqueurs et élaborer des algorithmes de traitement en fonction de la positivité de l'un ou l'autre de ces biomarqueurs ou des 2.
Perspectives
D'autres critères prédictifs de la réponse à l'immunothérapie comme l'infiltration lymphocytaire sur le site tumoral (TIL), les mutations de STK11/LKB1 ou encore le microbiote sont en cours d'évaluation (4, 5). Les biopsies liquides, non invasives et répétables, pourraient aussi permettre d'évaluer l'expression de PD-L1 sur les cellules tumorales circulantes (CTC) avec une bonne corrélation rapportée entre les résultats du tissu tumoral et des CTC (6).
Actualités génomiques en immunothérapie dans les cancers digestifs
D'après la communication de Thierry André (hôpital Saint-Antoine, Paris)
Au sein des cancers digestifs, ce sont principalement les tumeurs microsatellites instables (MSI) qui représentent 5 % des cancers du côlon métastatiques et environ 20 % des cancers du côlon non métastatiques qui répondent aux nouvelles approches d'immunothérapie. Dans les cancers digestifs, l'expression de PD-1/L1 n'est pas performante pour prédire la sensibilité d'une tumeur à un traitement d'immunothérapie et peu de données sont aujourd'hui disponibles avec la charge mutationnelle. L'immunoscore mis au point par l'hôpital européen Georges-Pompidou, qui intègre l'infiltration lymphocytaire CD3, CD4 et CD8, apporte des informations pronostiques, mais n'est pas encore utilisé en pratique pour orienter le choix des traitements. Actuellement, pour les cancers digestifs, le seul facteur prédictif de sensibilité aux inhibiteurs de PD-1/L1 est donc le statut MSI avec des taux de réponse élevés et de longues durées de réponse.
Trois techniques permettent d'identifier le statut MSI : l'immunohistochimie (simple, rapide, peu coûteuse, avec de fortes sensibilité et spécificité), la PCR qui nécessite des cellules tumorales et le séquençage du génome. Dans le cancer du côlon, le statut MSI est un facteur pronostique qui évolue en fonction du stade : de bon pronostic dans les stades II du fait d'un système immunitaire fonctionnel, et de mauvais pronostic au stade IV lié à la surexpression d'un certain nombre de checkpoints induisant un échappement du contrôle immunitaire. Les tumeurs MSI sont caractérisées par une infiltration importante de lymphocytes CD3, CD4 et CD8 et de nombreux néo-antigènes.
Sur le plan clinique, la première étude ayant suggéré des résultats prometteurs dans les cancers MSI+ avec un traitement d'immunothérapie, le pembrolizumab, est celle menée par Le et al. (7), ayant inclus 83 patients atteints d'un cancer multitraité, réfractaire aux traitements. Dans cette première étude, des taux de réponses de l'ordre de 57 % pour les cancers colorectaux avec de longues durées de réponse ou de contrôle de la maladie ont été mis en évidence chez les patients MSI+, ce qui n'était pas le cas des patients MSS (microsatellites stables). Ces résultats ont été confirmés 2 ans plus tard par la même équipe sur une cohorte plus importante de patients (8). Overman et al. ont mené une étude de phase I/II chez 193 patients atteints d'un cancer colorectal métastatique MSI+ multitraité, afin d'évaluer les effets du nivolumab seul, inhibiteur de PD-1, ou associé à l'ipilimumab, inhibiteur de CTLA4 (9, 10). Les patients traités par nivolumab seul ont présenté une réponse objective dans 34 % des cas ou un contrôle de la maladie dans environ 50 % des cas, avec des taux de survie sans progression à 12 et 18 mois de 41 et 52 % respectivement. Des résultats encore plus impressionnants ont été rapportés avec l'association nivolumab-ipilimumab avec des taux de réponse objective de 55 % et des taux de contrôle de la maladie de 82 % ; bien qu'il s'agissait d'une étude non randomisée, l'efficacité de l'association nivolumab-ipilimumab semble supérieure à celle de du nivolumab en monothérapie. Dans cet essai, les taux de réponse et les taux de contrôle de la maladie étaient indépendants de l'expression de PD-L1, du profil mutationnel BRAF et de l'existence ou non d'un syndrome de Lynch. Une étude de phase III, KEYNOTE-177, est en cours avec le pembrolizumab versus chimiothérapie dans le traitement de 1re ligne des cancers colorectaux MMI+ ou dMMR.
Actualités génomiques en immunothérapie des cancers du sein triple-négatifs
D'après la communication d'Anthony Gonçalves
Les cancers du sein triple-négatifs, tumeurs relativement proches des tumeurs avec mutation de BRCA1/2, présentent une instabilité génomique et des défauts de réparation de l'ADN. Au sein de ces tumeurs triple-négatives, il existe un sous-type immunomodulateur caractérisé par une activation immunitaire et une forte infiltration lymphocytaire (TIL), facteur de bon pronostic après une chimiothérapie à base d'anthracyclines. Par ailleurs, l'expression de PD-L1, plus fréquente dans les tumeurs triple-négatives ou basal like est aussi associée à un pronostic favorable. Ces données ont conduit au développement des traitements d'immunothérapie, inhibiteurs de PD-1/L1 dans ces formes triple-négatives. Des premiers résultats ont été obtenus avec des taux de réponses modestes de 0 à 25 %, mais il s'agissait de réponses durables avec des survies prolongées, et une efficacité plus fréquente en traitement de 1re ligne et en cas de surexpression de PD-L1. Parmi les biomarqueurs analysés, l'infiltration lymphocytaire au sein du site tumoral est associée à une forte probabilité de réponse, et la présence de lymphocytes T CD8 semble apporter une valeur prédictive de réponse supplémentaire (11). L'impact prédictif de la charge mutationnelle a été analysé dans une méta-analyse ayant inclus près de 4 000 patientes (12). Souvent très faible dans les cancers du sein, la charge mutationnelle est plus élevée dans les formes triple-négatives et en cas de maladie métastatique, et une signature génomique proche de la signature APOBEC (mutation PIK3CA) était rapportée dans les trois quarts des cas. Une autre étude publiée en 2018 par Barèche et al. (13), a identifié une forme particulière de cancer du sein, le sous-type Luminal Androgen Receptor, qui est un cancer du sein triple-négatif qui exprime le récepteur aux androgènes et qui est sensible aux antiandrogènes. Ces formes associées à de fortes charges mutationnelles, notamment des mutations de PIK3CA, pourraient bénéficier d'un traitement associant une immunothérapie à un antiandrogène, voire à un inhibiteur de PIK3CA.
En parallèle des facteurs prédictifs de réponse à l'immunothérapie, différents types d'associations thérapeutiques avec les inhibiteurs de PD-1/L1 sont à l'étude :
- L'association immunothérapie-chimiothérapie en situation métastatique avec (tableau) :
- une étude menée chez des patientes atteintes d'un cancer du sein triple-négatif, PD-L1 positif, traitées par atézolizumab et nab-paclitaxel et des taux de réponse en 1re ligne de 60 à 90 % (14) ;
- un essai en faveur de l'association éribuline-pembrolizumab versus éribuline seule, chez des patientes avec un cancer du sein triple-négatif avec des résultats indépendants de l'expression de PD-L1 (15) ;
- et l'essai TONIC mené avec l'association chimiothérapie-nivolumab dans les cancers du sein triple-négatifs avec des taux de réponse objective de 25 à 40 % (16).
- L'association immunothérapie-chimiothérapie est aussi développée en néo-adjuvant avec des premiers résultats intéressants en termes de taux de réponse histologique complète (17, 18).
- L'association immunothérapie-inhibiteur de PARP constitue une autre perspective très prometteuse. Dans des cancers du sein métastatiques HER2− avec mutation de BRCA1/2, traités par anthracyclines et résistants à l'hormonothérapie, 2 études de phase III randomisées montrent un bénéfice sur la survie sans progression en faveur d'un inhibiteur de PARP versus chimiothérapie (19, 20). L'essai Basket, MEDIOLA, mené avec l'olaparib et le durvalumab (olaparib en monothérapie pendant 4 semaines, puis association olaparib-durvalumab) dans le cancer du sein métastatique HER2− avec mutation germinale de BRCA rapporte des taux de contrôle de la maladie à 12 et 28 semaines de 80 % et 48 % respectivement, et ce, quel que soit le statut des récepteurs hormonaux (triple-négatif ou RH+) et le type de mutation de BRCA (21). Des taux de réponse objective d'environ 30 % ont été observés dans l'étude de phase II TOPACIO/KEYNOTE-162 avec l'association niraparib-pembrolizumab, chez des patientes atteintes d'un cancer triple-négatif et ayant déjà reçu au moins 1 ligne de traitement (22), plus élevés en cas de mutation de BRCA1/2 ou en présence d'une signature indiquant une perturbation de la recombinaison homologue.
D'autres pistes d'associations avec les inhibiteurs de PD-1/L1 sont en développement (radiothérapie, antiangiogéniques, inhibiteurs des histones désacétylases (iHDAC) et agents déméthylants, inhibiteurs d'indoleamine 2,3-dioxygénase (IDO), autres agents d'immunothérapie). ■