Éditorial

Chicago 2022 : le succès des anticorps drogue-conjugués de 3e génération


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Ce congrès de l'ASCO® 2022 a été dominé par la thématique des anticorps drogue-conjugués (ADC). Depuis l'avènement du trastuzumab emtansine (T-DM1) dans les cancers du sein HER2+, que ce soit au stade avancé ou au stade précoce, de nombreux ADC ont été développés. La structure et les caractéristiques de ces ADC comprennent l'anticorps qui va reconnaître la cible cellulaire, la chimiothérapie cytotoxique et le “linker”, lien rattachant cette dernière à l'anticorps. Chaque élément est essentiel et peut affecter les résultats en termes d'efficacité et de tolérance. Un effet “bystander” est observé avec la troisième génération des ADC. Ce phénomène repose sur la capacité à obtenir une activité cytotoxique sur des cellules n'exprimant pas la cible de l'anticorps par la diffusion d'un composant cytotoxique libre à partir des cellules tumorales exprimant la cible par diffusion membranaire. Cet effet “bystander” contribue de façon importante à l'activité des ADC, particulièrement dans les tumeurs pouvant présenter une hétérogénéité tumorale, mais peut également être responsable d'une plus grande toxicité nécessitant une prise en charge spécifique. Notamment lors du développement précoce de ces ADC, il a été noté la survenue de pneumopathies interstitielles dont certaines ont été létales.

Le trastuzumab déruxtécan (T-DXd) a déjà démontré son activité majeure dans les cancers du sein HER2+. Lors de la phase I/II et dans l'étude de phase II DAISY, il a été observé des réponses objectives dans les cancers du sein dits “HER2 low” c'est-à-dire IHC 1+ ou 2+ sans amplification génique (FISH−). L'essai randomisé de phase III, DESTINY-Breast04, présenté en plénière, comparait dans les cancers du sein métastatiques HER2 faibles, le T-DXd versus une chimiothérapie au choix du médecin chez des patientes ayant reçu au moins une chimiothérapie en phase avancée. Les résultats très positifs sont en faveur du T-DXd, avec un bénéfice statistiquement et cliniquement significatif en termes de survie sans progression et de survie globale.

Le sacituzumab govitécan (SG) cible une autre protéine membranaire TROP-2 fortement exprimée dans la grande majorité des cancers du sein. Compte tenu des résultats positifs de l'étude ASCENT dans les cancers du sein triple-négatifs, le SG représente un standard de traitement dès la seconde ligne. L'étude TROPiCS-02 comparaît chez des patientes atteintes d'un cancer du sein RH+ lourdement prétraité le SG versus une chimiothérapie au choix du médecin. L'étude est positive statistiquement sur son objectif principal, la survie sans progression. La valeur clinique de ce bénéfice peut être questionnée compte tenu du profil de tolérance. Des données supplémentaires sont attendues notamment en termes de qualité de vie et de survie globale (données non matures).

Le patritumab déruxtécan cible le récepteur HER3. Le rationnel scientifique est important du fait de la surexpression fréquente du récepteur HER3 dans les cancers du sein et de son rôle dans les résistances aux traitements. Les résultats de l'étude de phase I/II ont été présentés avec suffisamment de recul. Dans une population lourdement prétraitée, de mauvais pronostic, des taux de réponse prometteurs ont été observés dans les différents sous-groupes, associés à des durées de réponse longues, de même que des données encourageantes de survie sans progression et de survie globale.

Au total, clairement les ADC représentent le futur de la chimiothérapie cytotoxique, permettant un meilleur ciblage des cellules tumorales. Cependant en termes de toxicités, il est primordial de prévenir et traiter les effets indésirables. Une attention particulière doit être portée sur la pneumopathie interstitielle avec identification des mécanismes physiopathologiques, des facteurs de risque et leur prévention.

À l'heure de la médecine de précision, il est primordial de caractériser les mécanismes d'action, de résistance pour optimiser l'utilisation des ADC, dans leurs séquences, leurs associations, non seulement dans les cancers du sein, mais également dans les autres types tumoraux.


Liens d'intérêt

V. Diéras déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche, Novartis, Pfizer, Lilly, AstraZeneca, Daiichi Sankyo, Seagen, AbbVie, MSD, Gilead Sciences, Eisai et Pierre Fabre.

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