Le défibrillateur automatique implantable (DAI) réduit le risque de décès subit chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche. Cependant, le bénéfice a toujours été moins net pour les insuffisants cardiaques sans maladie coronarienne. Les patients avec cardiomyopathie non ischémique ont globalement des taux plus faibles de mort subite et de mortalité totale que les insuffisants cardiaques coronariens. Les recommandations actuelles se fondent sur une méta-analyse de petits essais ou de sous-groupes de patients avec cardiomyopathie non ischémique. L'étude randomisée DANISH a étudié 1 116 patients atteints d'insuffisance cardiaque non ischémique traités ou non par DAI ajouté à la thérapie conventionnelle, et suivis plus de 5 ans. Le traitement par DAI a diminué le risque de mort subite de moitié, mais l'effet sur la mortalité globale, critère principal de l'essai, n'était pas significatif (1).
Le traitement de fond était optimal, ce qui était le but recherché pour avoir un point de vue actuel sur le bénéfice du DAI pour ces patients. L'utilisation des IEC, des ARA 2 et des bêtabloquants était presque constante, 58 % des patients étaient traités par anti-aldostérone et 58 % avaient une resynchronisation cardiaque. Dans le groupe témoin, 73 % des décès ont été attribués à une cause cardiovasculaire, l'un des taux les plus faibles dans un essai de ce type. Rappelons l'évidence : le DAI n'est efficace que sur la mortalité subite, contrairement aux traitements médicamenteux, qui réduisent la mortalité par aggravation de l'insuffisance cardiaque et la mortalité subite. Les risques compétitifs de décès augmentent avec l'âge et le nombre croissant de comorbidités, les causes non cardiovasculaires devenant alors plus fréquentes. La combinaison d'un faible taux de mortalité globale, d'une proportion plus faible de décès cardiovasculaires et de seulement un tiers de décès subits dans le groupe témoin a rendu plus difficile la démonstration d'un bénéfice significatif du DAI sur la mortalité totale, compte tenu des effectifs possiblement sous-estimés au début de l'étude. On imagine que les taux de mortalité par décès cardiovasculaire et par mort subite pourraient également être réduits chez les coronariens recevant un traitement optimal similaire, grâce aux progrès de la revascularisation coronaire contemporaine.
L'éditorial associé à la publication dans le New England Journal of Medicine indique que le bénéfice absolu du DAI, traitement onéreux, pourrait être limité chez ces patients (2). Ne perdons pas de vue certains chiffres. Dans cette étude, sur 1 116 patients, les réductions du risque de mortalité totale et de décès cardiovasculaire étaient respectivement de 13 % et de 23 %, en faveur du DAI (avec p non significatif). Dans l'essai PARADIGM-HF avec 8 442 patients insuffisants cardiaques traités par sacubitril/valsartan ou énalapril, les réductions de risque correspondantes étaient de 16 % et de 20 %, en faveur du groupe sacubitril/valsartan (avec p significatif), et ces résultats ont abouti à la commercialisation du nouveau médicament et à de nouvelles recommandations. La quantité de bénéfice semble objectivement similaire dans les 2 essais, le deuxième ayant un effectif 8 fois plus élevé. Un manque de puissance dans l'essai DANISH peut donc expliquer plusieurs de ces résultats non significatifs. L'ajout des résultats de l'étude DANISH à la méta-analyse de référence ne change pas la conclusion suivante : la mortalité est significativement plus faible avec le DAI qu'avec le traitement médical seul chez les patients ayant une cardiomyopathie non ischémique (3).
Il faut donc cibler les indications du DAI pour les patients les plus susceptibles d'en bénéficier, ce qui revient aussi à poser les limites dans lesquelles devront être prises les décisions d'implantation d'un DAI chez le sujet âgé. Les auteurs rapportent un bénéfice du DAI sur la mortalité totale chez les patients les plus jeunes (< 68 ans). Notre sentiment est donc qu'il ne faut pas remettre en question les indications actuelles du DAI chez les patients présentant une cardiomyopathie non ischémique, hormis dans le cas des sujets âgés, avec une limite qui reste à établir, mais qui tient plus aux comorbidités contribuant au risque de mortalité non cardiovasculaire (4).